La belle et le bête
APRENTISSAGE DE DE L'HUMILITE
Je vais vous conter l'histoire de la jument qui se prenait pour un entier.
Savez-vous ce que c'est qu'une jument bréhaigne ????? c'est une jument qui a le caractère dominant d'un mâle et possède des crochets comme les entiers dans les barres, les barres me direz vous mais, c'est quoi ???? ce sont ces zones dépourvues de dents sur les mâchoires, là où repose le mors. Ce sont des juments avec un fort caractère et qui ne sont, mais alors, pas faciles à maitriser, souvent leur cavalier ou cavalière prennent peur et elles finissent ou a l'abattoir ou abandonnées dans un pré car en général elles poulinent très difficilement.
Je vais donc vous conter l'histoire de cette jument qui se prenait pour un mâle.
Après une longue maladie qui m'obligea a me séparer de la plupart de mes chevaux, allant mieux, je me décidais à reprendre un autre cheval et à recommencer à monter . .
Plongé dans un quotidien Internet de petites annonces qui n'a pas de bon que les coins, je tombais alors en admiration devant une jument alezane oh !!! pas quelque chose d'exceptionnelle non, elle semblait plutôt tristounette avec l'arrière -main plus haute que le garrot, comme un cheval qui n'a pas fini sa croissance.
RDV pris avec le propriétaire. Je tombais sur une jument pour le moins magnifique, parfaitement conformée. En fait, c'était les photos qui étaient mal prises et qui faisaient ressembler la jument a un cheval qui n'a pas terminé sa croissance, car les chevaux grandissent de l'avant et de l’arrière alternativement.
Une belle jument alezane, crinière un peu rousse très longue, un dos bien conformé et un cul splendide (désolé Mesdames : c'est de cette manière qu'on qualifie un cheval).
Bref l'animal était superbement bien proportionné, mais alors avec un caractère mais un caractère !! : une vraie furie, difficile de lui ouvrir la bouche, je faisais donc confiance au papier, et au propriétaire qui m'annonçait son âge, et qui justifiait ce sale caractère par un abandon total de l'animal qui était totalement livré à elle même, en liberté dans un pré de 1ha et seulement nourri ,fort bien d'ailleurs, abandon justifié par la mise à son compte du propriétaire, mais pour moi tout autre chose !!!!!!!
Mais bon, le challenge me séduisait, ce n'était pas le premier cheval que je dressais, (dont des entiers avec des caractères bien trempés). Donc me voilà l'heureux proprio et de plus pour un prix plus que modique de la belle.
Le premier jour que je rentre dans son pré la belle me tourne le cul et me signifie « bouge de là mon gars sinon je te satellise » .Bon, je n'insiste pas inutile de provoquer un drame et j'avais fait le choix de la douceur comme j'avais toujours pratiqué avec mes chevaux, douceur mais fermeté.
Je me munissais donc d'un seau avec du grain, je sais que le ventre fait faire bien des concessions chez l'animal, et je réussis à lui enlever son licol qu'elle devait avoir depuis des années.
Pendant plusieurs jours, je ne l'approchais que pour lui donner du grain, quelques pommes et je lui fichais bravement la paix. Au bout de 15 jours, je réussis à lui passer un licol tout neuf et à la faire marcher derrière moi sans qu'elle se défende trop, les premières séances de pansage ont été sportives, elle frémissait dès que je posais la brosse sur son corps, il fallait se garder des coups de sabot et des coups de tête extrêmement violents. Elle a tenté les coups de dents mais là : elle s'est pris une bonne baffe donc elle n'a pas recommencé il y a des limites non !!!!et un cheval qui mors est dangereux, le reste on arrive a le gommer mais ça difficilement.
Petit à petit, elle a fini par trouver ça très bon de se faire tripatouiller, brosser, chouchouter, et elle se laissait faire et je voyais bien qu'elle y prenait du plaisir. La prise des pieds a été, elle aussi, sportive, mais la patience aidant, la belle a fini par devenir un peu plus fréquentable. Mes seules demandes étaient de se laisser passer le licol dans le calme et de me suivre également dans le calme. Oh bien sûr, certains jours elle partait la queue droite comme un I au grand galop et au passage en soufflant comme un soufflet de forge .Mon dieu qu'elle était belle alors dans ses moments là !!!!!!! je la laissais faire son cinéma et, invariablement, elle revenait vers moi toute penaude et se laissait passer le licol gentiment , c'était comme pour me dire « tu vois mon gars je suis encore libre de faire comme je veux » ah ! ah ! ah ! cause toujours ma belle je pensais !!!
Maintenant passons à la séance débourrage !!!!!! Pour cela, je devais faire tourner la belle en longe pour lui réapprendre l’obéissance et les allures du pas, trot, et galop à la voix et aussi les arrêts dans le calme.
Alors là !! je ne vous dis pas !!! Il fallait avoir le cœur bien accroché pour ne pas partir en courant devant les séances de volte- face, cabrer avec les attaques antérieurs en avant, un vrai festival.
J'étais au bord de l'abandon n'ayant pas de carrière pour canaliser cette furie : elle se jouait de moi comme d'un pantin, elle m'a même traîné au sol comme un fétu de paille, esquinté le genou, brulé les mains avec sa longe en tirant comme une dingue, cassé des mousquetons, elle se sauvait dans la nature la queue en l'air et bonjours la galère pour la rattraper , bref grosse remise en question du bonhomme qui se croyait bien malin mais qui se rendait compte que, à 62 ans, on ne peut pas faire ce qu'on faisait VINGT ANS AVANT.
Je me replongeais dans mes bouquins de Nuno Oliveira et autres dresseurs célèbres, mais rien ou pas grand chose sur le débourrage d'un cheval difficile. Je me décidais alors à réaliser un rond de longe de 20 m de diamètre pour canaliser tant bien que mal la belle ,et les premières séances se passèrent bien mieux. Quelques 15 jours après, elle se comportait bien au trois allures, venait à moi à la voix et se laissait toucher de partout sans sourciller. Restait maintenant à lui mettre la selle sur le dos et à la monter.
Au début, je me contentais d'un surfaix (sorte de sangle avec des anneaux) avec en dessous une couverture, puis je lui mis un mors dans la bouche pour la première fois avec énormément de difficultés : les coup de tête ravageurs capables de vous casser le nez si vous n'y prêtiez pas garde mais, bon, la ruse avec un sucre dans la main avec le mors a eu raison de la dame récalcitrante c'est là et seulement là, que je me suis rendu compte qu'elle était bréhaigne, le mors m'a permis de la travailler au sol non montée toujours avec beaucoup de douceur, la moindre bonne volonté était récompensée par l'arrêt de la leçon et le retour à la tranquillité de la dame.
Le temps aidant, la patience, la douceur,les récompenses et une voix calme finirent par avoir un effet stimulant sur la belle. Elle participait aux leçons avec de la joie : ses beaux yeux de velours étaient non plus tristes comme avant mais rieurs, quand elle voyait arriver la voiture elle hennissait de joie et arrivait au grand galop, c'est sur que maintenant lui passer le licol était devenu un jeu d'enfant, la belle appréciait ma présence et me faisait des reproches si j'arrivais trop tard, comment me direz vous ?? c'est simple elle secouait la tête et couinait comme pour me dire ''je t'ai attendu ''d'autant que je la trouvais à la barrière à m'attendre , c'était drôle et touchant à la fois, elle qui au début me signifiait « bouges de là mon gars », maintenant attendait avec anxiété ma venue.
Je lui mis la selle sans grande difficulté, la longer avec la selle a donné quelques beaux coups de cul, des sauts de mouton, puis vint le temps, et pas des moindres, de monter cette demoiselle.
Elle s'était beaucoup musclée de partout ,déjà très belle avant, elle était devenue un cheval splendide , plein de vie et de bonne humeur ,enfin sauf les jours de grand vent : elle a horreur du vent et ce jour là il vaut mieux lui foutre la paix j'en ai fait la triste expérience ; une fois quelque temps après son débourrage, je l'avais sellée pour aller en balade un jour de grand vent ; faisant les premiers pas à pied, la belle tenue en main comme toujours ,le vent a soulevé les quartiers de la selle et la jument, affolée, m'a bondi littéralement dessus !!! cela a été miracle de ne pas me faire casser les côtes.
A 62 ans passés, je n'allais pas prendre le risque de monter et de me retrouver au sol avec une jambe cassée surtout que mon poids n'est pas celui d'un jeune cavalier, et au début, pour un débourrage, il vaut mieux être deux parfois même trois.
Tous les jours, je voyais passer devant les boxes des cavalières et j'avais sympathisé avec elle, entre amoureux du cheval c'est fou les banalités qu'on peut se dire, et sur la nourriture, et sur les petites manies de nos équidés adorés.
Je proposais donc à ce qui me semblait être la meilleure cavalière, de m'aider à monter ma juju pour la première fois, elle accepta avec joie à la seule condition que je la laisse faire à sa manière. Cette jeune demoiselle de 23 ans me paraissait savoir ce qu'elle voulait et semblait avoir une bonne expérience. Donc, nous prime RDV, et deux jours après je la vois arriver avec sa selle sous le bras, un grand sourire aux lèvres, aucune appréhension presque une joie de participer à ça. Tout en pansant la belle, nous discutons un peu et j'appris que ce petit bout de femme était une cavalière de concours complet confirmée qui avait fait des stages au Cadre Noir, mon instinct ne m'avait pas trompé j’étai tombé sur la bonne personne ,le pansage fini nous sellons ma pèpète et elle prit les rennes et se dirige vers le boxe ??????????
Très étonné, je lui demande ce qu'elle va faire ''je vais la monter au boxe me dit -elle '' c'est comme cela que je procède depuis longtemps avec mes chevaux je l'ai appris au Cadre Noir ''les chevaux connaissent le lieu et sont en confiance et ne se défendent pratiquement pas" Bon j'étais septique mais je décidais de faire confiance, et la chose se passa effectivement comme sur des roulettes, un petit tour à droite un petit tour à gauche des sucres à gogo et la première monte est passée comme une fleur.
Nous avons ensuite emmené la belle dans le rond de longe et elle l'a montée dans le rond, moi je la tenais en longe et la calmais de la voix. Premiers pas avec la cavalière, premier trot : super la jument avait un peu la queue entre les jambes mais pas de défense. Puis premier galop avec là quelques sauts de mouton mais dans la rondeur et en avant, donc sans danger, idem a l'autre main, récompense : sucre, caresses et terminé.
Rebelote le lendemain et le jour d'après puis vint le moment ou je montais moi -même vu mon poids plus élevé que la petite cavalière, elle toute grignette, je m'attendais à des défenses mais à mon grand étonnement tout se passa merveilleusement bien.
Depuis je la travaille dans le rond au pas, au trot, au galop et je sors souvent en extérieur ,c'est un plaisir de contempler la nature du haut de ma jument, j'ai mis presque un an pour en arriver là et je ne regrette rien. J'ai encore beaucoup appris, moi qui croyait tout connaître des chevaux et je suis heureux, vraiment heureux et elle, vous ne pouvez pas savoir : elle m'aime vraiment !! quand je me penche pour ramasser une brosse, elle me fait des papouilles dans les cheveux avec ses lèvres, elle se frotte à moi comme une chatte et prend un immense plaisir à se faire grattouiller.
Bref, les amis et amies qui, au début, me disaient ''laisse tomber, elle va te tuer'' n'en reviennent pas. Souvent quand je n'ai pas envie de monter, je pars la promener en main comme un chien en laisse pour qu'elle se fasse des ventrées de bonne herbe fraiche. Voila commencée une longue amitié qui ne se terminera pas car si ma maladie venait à me rejouer des tours, mon fils m'a juré de s'en occuper. Donc, je n'ai aucun souci à me faire et elle non plus : elle aura une belle retraite et moi aussi grâce à elle . .
Ah, au fait, la belle vous salue bien !!!!!!!!!!!!!
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