La bévue taubiresque d’un bleu-bite en Algérie
Nous étions en droit d’espérer qu’Emmanuel Macron, brillant énarque, tiendrait des propos malruciens devant les autorités algériennes. Hélas, où nous attendions Malraux ne se pointa que Taubira ! Nous espérions une vaste fresque plaçant la colonisation de l’Algérie au sein de l’histoire universelle de l’humanité. Au lieu de cela, nous n’eûmes droit qu’à un slogan clientéliste de banlieue.
Depuis toujours, semble-t-il, règne la loi du plus fort. Le marché mondial de l’armement en témoigne : aujourd’hui, comme cela a toujours été, il semble que chacun craigne encore d’être plus faible que son voisin, par frousse d’y laisser tout ou partie de ses plumes. Dans ce contexte, l’Algérie, comme de nombreux territoires de notre vallée de larmes, a été le lieu de multiples invasions au cours de son histoire. Les Berbères, pour ne citer qu’eux, ont dû résister à de nombreuses conquêtes : romaine, vandale, byzantine, arabe, turque, française... (1). Et les Maures ou autres Prussiens eussent volontiers mis le grappin sur quelques généreux morceaux de la France si, comme ils le pensaient, ils avaient réellement été les plus forts. Ce qui précède n’est pas une approbation mais une constatation... en attente de jours meilleurs.
Comme moi, vous avez sans doute lu de nombreux articles commentant, en bien ou en mal, l’envolée à prétention historique de Monsieur Macron ( Tant qu’à faire, elle aurait eu beaucoup plus de gueule s’il avait osé déclarer « Du piédestal glorieux de la République Algérienne Démocratique et Populaire, je contemple les poussière de 130 années de crimes contre l’humanité » ) . Je ne veux pas y revenir. Toutefois, je ne résiste pas à la tentation de vous relater un court épisode radiophonique traitant de ce sujet.
Cela se passe donc le 20 février, vers midi vingt, au cours de l’émission « Les grandes gueules » sur RMC. Florian Philippot est l’invité du jour. Commentant notre fameux crime contre l’humanité, il débite les banalités habituelles du vade-mecum politique telles que « Il y a eu des exactions ... le principe même de colonisation nous fait horreur en 2017... il y a eu aussi des routes et des hôpitaux... ». Au mot « route », une chroniqueuse patentée de l’émission (2) explose « Il y a eu aussi des morts pour construire ces routes ! ». J’ai éteint le poste, jugeant qu’on venait de toucher le fond ou, si vous préférez, que Mme Dago-Serry avait décroché l’ultime pompon du manège. On ne lui demandait pas de se hisser au niveau de Frantz Fanon mais quand même... Au fait, vous est-il jamais arrivé de penser que ces salauds de Romains avaient fait suer le saillon (3) pour tracer leurs célèbres voies ? Si votre réponse est négative, chiadez votre dialectique si vous souhaitez rester dans la course du ressentiment victimaire éternel (4).
Voyez-vous, la médiocrité du propos d’Emmanuel Macron ne pouvait qu’entraîner celle de l’argument de la chroniqueuse. On reste en rase-mottes ! En supposant qu’on ait connu Albert Camus, on l’a déjà oublié ou mal compris. On n’a jamais prêté beaucoup d’attention aux paroles du vieux colon qui arrache ses vignes « ... puisque ce que nous avons fait ici est un crime, il faut l’effacer. » (4).
Nous arrivons ici au paragraphe le plus important de ces quelques lignes. La plupart des hommes politiques se comportent comme si l’hominisation (5) était arrivée à son terme alors qu’elle évolue toujours vers un achèvement qu’il faut croire heureux. En fait, pour servir quelques minables intérêts liés à leur ego carriériste, ils manipulent des faits historiques passés comme s’ils se produisaient aujourd’hui d’une part, comme si ces faits anathémisaient des races, des lieux, des cultures, des religions et des civilisations bien particuliers d’autre part. En d’autres termes, ils ne s’élèvent jamais à un niveau qui leur ferait considérer l’humanité dans son unicité fondamentale. Jusqu’à nouvel ordre, l’histoire de l’humanité n’est qu’une suite de crimes de l’humanité contre elle-même et si tel ou tel de ses participants avait été exclu de ce sinistre jeu, cela n’eût rien changé à la ligne générale du cheminement de l’homo sapiens au long des derniers 2000 siècles. Imaginez un épistémologue qui limiterait ses travaux à une moquerie de l’espace et du temps absolus de Newton. On peut comparer une telle carence à celle des politiciens qui critiquent le passé sans en analyser les invariants anthropologiques. Le plus ridicule chez eux est sans doute qu’ils pensent que s’ils avaient été présents à l’époque des abominations qu’ils dénoncent ils eussent été capables de les éviter. Bref, ils eussent sauvé le monde. Il faut savoir pardonner et se repentir mais surtout pas devant des médiocres !
Regrettons, pour conclure, que les déclarations d’Emmanuel Macron ne peuvent que jeter de l’huile sur les multiples brûlots soigneusement entretenus par ceux qui se servent de la haine de la France pour servir leurs visées politiques internationales. Au début des années 60, Enrico Macias chantait « J’ai quitté mon pays » alors que Gaston Deferre déclarait « Que les pieds-noirs aillent se réadapter ailleurs ». Il fallait choisir entre les deux versions. On découvre, aujourd’hui, ce qu’eût été le choix de notre énarque quadragénaire. Alors, à notre tour de choisir, en âme et conscience.
(1) Voir, par exemple : Algérie : sur les traces de Kahina, reine berbère symbole de la résistance amazigh.
Jeune Afrique du 21 octobre 2013. Farid Alilat.
(2) Joëlle Dago-Serry ( Généralement moins mal inspirée que ce jour-là )
(3) Vêtement gaulois
(4) Le premier homme. Albert Camus (J’ai souligné)
(5) Comprenez SVP la réunion ( hominisation + humanisation )
14 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON