La bourse ? On la mérite
Membre du collectif "Touche pas à ma bourse, je la mérite". J'aimerais attirer votre attention sur une mesure qui privera plus de 8000 étudiants d'une aide non négligeable. Certes, l'argent n'est pas nécessaire. Il reste toujours le travail, le vol, la prostitution ou l'abandon pur et simple des études.
Lorsque l'on décide d'écrire une tribune, un choix s'impose. Comment accrocher le lecteur ? Il y a, bien sûr, le traditionnel « J'accuse », du déjà vu depuis plus de cent ans, mais qui s'inscrit tout de suite dans une tradition socialiste – avantage ici intéressant. On peut toutefois lui préférer son homologue anglophone « I have a dream » mais ce serait peut-être hors de propos. Pourtant, il nous faut bien un titre, au milieu des drames, crashs, tristes mais habituelles noyades ; des chassés-croisés de l'été et des conseils route, nous risquerions de passer inaperçus. J'essaierai donc une approche différente et disons plus pragmatique. Tentons de comprendre, ensemble, une décision gouvernementale bien impopulaire dans les rangs des bacheliers.
Juillet 2013, Geneviève Fioraso, alors Ministre de l'enseignement supérieur annonce quelques jours après les résultats du bac, la suppression de la bourse au mérite. Cette aide de 1800€ par an était destinée aux élèves boursiers du supérieur ayant décroché une mention Très Bien mais aussi aux meilleurs élèves de Licence.
Mécontentement général. L'effet de surprise nuit considérablement au gouvernement. La décision tombe : la refonte des bourses aura lieu courant 2014, la mesure de suppression est reportée, « en sursis ».
Juillet 2014, une petite ligne relative à la bourse au mérite dans le Bulletin Officiel1 du 24 de ce mois oublie de citer les étudiants entrants. La prédiction devient confirmation, pas de bourses (au mérite cela s'entend) pour les bacheliers 2014.
Après cet énoncé des faits, passons aux questionnements. Nous, ou devrais-je dire vous, car nous, étudiants, sommes trop impliqués pour être impartiaux. Vous, donc, aimeriez bien comprendre.
En faisant quelques recherches, vous avez découvert une pétition circulant depuis plusieurs jours et des articles fleurissant. Pourquoi les étudiants, pourtant prévenus, s'indignent-ils ?
Outre l'argument de l'injustice quant à la date de naissance – eh oui, un an plus vieux ils auraient conservé cette aide pendant 2 à 3 ans voire 6 s'ils se destinaient au serment d'Hippocrate – ils se disent, eux aussi, « pris par surprise ». Ecoutons les avant de les récrier. « Les Crous eux-mêmes ne savaient rien ». Il se trouve, en effet, que les centres régionaux chargés de l'attribution des bourses n'avaient pas reçu de nouvelles directives. Un rapide zapping sur les sites gouvernementaux suffit à voir qu'ils n'avaient pas été mis à jour depuis le 20 août 2013. Pourtant, rassurez-vous, « cette page sera modifiée dès la parution du texte. ». Alors , un simple problème de communication du gouvernement ? Un calendrier mal agencé qui fait tomber cette décision au plus fort de l'été ? Nous ne pouvons tout de même pas targué le gouvernement de vouloir se faire discret. Toute mesure, aussi impopulaire soit elle, est sûrement / doit être justifiée.
D'ailleurs, « les grands syndicats étudiants eux-mêmes » la soutiennent. Regardons donc la contrepartie.
Ce n'est sûrement pas l'augmentation de 5 centimes du ticket de Resto U à la rentrée, ni le gel des bourses étudiantes jusqu'en 2017 2. Après avoir navigué sur le web, vous découvrez la création d'un nouvel échelon de bourse (0 bis) soit 1000€ par an3 destiné aux enfants des classes moyennes qui avant, ne touchaient rien. Cette nouvelle vous réjouit. De nouveaux bénéficiaires, ce ne peut être que positif. Cependant, un rapide calcul vous laisse sceptique. Le bachelier mention TB ne semble pas gagner au change. Vous continuez vos investigations, passez la revalorisation des allocations destinées aux étudiants en situation d'autonomie avérée, n'étant qu'un millier par an4 face au huit mille concernés par la bourse au mérite, vous ne vous attardez pas sur cette mesure qui numériquement ne semble pas davantage lutter pour l'égalitarisme.
« Egalité » un mot qui justement pose ici problème. Comment parler d'égalité quand on évoque l'excellence ? Ce serait une platitude sans nom de dire que tous ne sommes pas égaux face à la réussite scolaire. Une mention Bien ou Assez Bien n'est-elle pas aussi méritante ? D'un autre côté, bien que ce ne soit qu'une supposition, les bacheliers TB entament peut-être des études plus longues et seraient alors plus concernés par une bourse qui leur éviterait de contracter trop tôt un prêt étudiant.
Mais voilà, vous trouvez enfin un argument du ministère (du moins celui avancé par certains médias) il y a de plus en plus de mentions TB. Les chiffres sont flagrants. L'argument économique s'impose alors. Dans cette période de crise et de restriction budgétaire, c'est sûrement le coût de cette bourse qui en a justifié la suppression. Vous êtes assez fier de votre conclusion. Malheureusement, il vous suffit d'écouter une émission de RTL4 pour être ébranlé. On annonce, en effet, que cette bourse ne coûte qu'une trentaine de millions d'euros par an, pas grand chose en soi face au budget promis à la jeunesse par Mr Hollande lors de son élection. Finalement, vous êtes bien embêté. Si ce n'est ni le coût, ni la contrepartie, ni la lutte au nom de l'égalité, comment expliquer cette mesure ? Vous n'êtes pas naïf. On n'a encore jamais vu une décision non fondée. Revenons donc à un mot laissé en cours de route « Egalité ». Pourtant, il vous semblait que cette bourse combattait les déterminismes sociaux tant décriés. Vous croyiez qu'elle serait un instrument bien pratique à l'ascenseur social. Le genre de bourse qui éviterait à l'avenir d'associer un prénom à une mention.
Vous deviez vous tromper. Car qui, mieux que le socialisme, ne cherche-t-il pas à combattre les prédictions bourdieusiennes ? Prendre la relève de L'Ecole Libératrice ?
Sauf que cette bourse n'est pas socialiste. Elle a été mise en place par un gouvernement de droite, par Valérie Pécresse en 2009. Ce n'est tout de même pas un traditionnel et stérile débat gauche-droite. Vous avez un peu peur mais restez confiant, ce serait trop « caricatural ».
Il y a bien ce terme de « mérite », pas très gauchisant. « Et puis, (...) nous avons décidé de privilégier les boursiers sur critères sociaux »5 nous répond le cabinet de la ministre. Vous alliez repartir, satisfait. Mais, avant d'être « méritants », ne sont-ils pas boursiers ?
Juliet-Nil Uraz, 26 juillet 2014
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http://www.change.org/fr/p%C3%A9tit...
1 Bulletin Officiel du 24/07/14 www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid20536/bulletin-officiel.html ?cid_bo=81151&cbo=1
4 www.letudiant.fr/actualite/b...
5 Emission « On refait le monde » du 23/07/14 www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/la-situation-extremement-difficile-des-chretiens-d-irak-7773381520
6 www.europe1.fr/Societe/Les-bourses-au-merite-supprimees-a-la-rentree-2188473/
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