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Accueil du site > Tribune Libre > La caricature des deux ennemis : intolérance et tolérance !

La caricature des deux ennemis : intolérance et tolérance !

Faut-il déconstruire la tolérance ? Peut-on parler de « détolérance » ? Je pense que les événements concernant les caricatures de Mahomet et devenant une querelle d’États montrent un dysfonctionnement démocratique et constituent un revers contre la liberté d’expression.

Je ne pense pas là aux dessinateurs, même si je n’apprécie pas cette façon de faire ; leur liberté atteint les croyants parce qu’ils participent à l’excitation des haines. En effet, il n’y a dans ce type de productions aucun apport critique, constructif et argumenté des idées et des actes des croyants musulmans (voir le texte de Sylvain Reboul ).

Il y a là comme une amplification des réactions. Ce surplus devient anormal. Les produits de quelques auteurs deviennent une affaire d’État. Ce qui me fait penser que même si l’usage de la liberté ne permet pas toutes sortes d’actions, les réactions ne doivent pas permettre toutes sortes de libertés. Voyez dans quel étau nous sommes pris ! La mainmise des ministres arabes dans cette affaire, le limogeage du directeur de France soir, et tous les produits intermédiaires de réactions me donnent l’impression d’un goût amer de liberté. Cela me fait aussi réfléchir.

Je présenterai deux exemples. Je pense à Oriana Fallaci, qui a écrit un ouvrage La force de la raison, (1) et qui ne dissimule pas sa colère "raisonnée" contre le terrorisme musulman, contre Dieu, entre autres choses, et ose dire ce qu’elle pense à ce sujet : cette attitude lui a valu des menaces, des insultes. Prenons le second exemple. Michel Onfray avait été invité à l’émission de "Culture et dépendances", sur France 3, pour parler de son ouvrage, Féeries anatomiques. À un moment, il explique l’importance de déchristianiser le corps. Ce discours lui a valu par la suite des lettres d’injures, et aussi des menaces de mort (2). Ce type de réaction n’est pas nouveau, mais cette "force de frappe" de l’idée de tolérance qui doit s’appliquer à toutes les couches de la société ne semble pas rendre l’effet attendu. Elle n’est pas à la hauteur du réel.

Voilà un souci qui mériterait que nous nous y penchions par un léger commencement de réflexion : la notion et la pratique de la tolérance, comme celle d’intolérance, au vu de l’importance qu’elle prend dans nos sociétés occidentales, nécessitent éclaircissement, reprise. La force de l’intolérance prise dans un contexte qui ne vise pas les personnes permet "d’élaborer une critique pertinente de l’ordre présent des choses", pour reprendre les mots de Slavoj Zizek... La tolérance du multiculturalisme est répressive, parce qu’elle dissimulerait, selon lui, un processus de dépolitisation généralisée. Politique et économie sont concernées dans son développement (3).

Tolérance, mot bien banal, qui renferme trop d’attitudes adoptées par la généralité. Il y a un complexe de causes qui déterminent cette modernité tolérante. La désuétude de ce mot si actuel, pourtant, n’en ajoute pas moins le mystère de sa puissance, qui nous enrôle mais parfois dans des jeux de scènes qui ne nous conviennent pas. Il nous faudait vivre ce que j’appelle la détolérance. Je propose ici le fait que nous voulions retrouver l’acte qui ne soit pas acte "meuble" de la scène courante. La scène du quotidien, du politique, du religieux, doit être animée par des contraires, des prises de position, des refus, dans une volonté de dénouer les impossibilités, et parfois de les dissocier. Il me semble nécessaire qu’il y ait choc, mais non éclatement. Il ne s’agit pas que les uns soient les accusateurs, les maîtres, voire les meurtriers des autres. Il s’agit de laisser les forces opposées s’interpénétrer avec, en amont, comme possibilité, une non-miscibilité de leur force. Il peut y avoir refus au départ. Mais laisser le lien, le champ ouvert, c’est ainsi que je vois la détolérance, cette tolérance déconstruite. Quant à sa pratique, il va falloir que le théorique se forge par la pratique, et que cette dernière précise la première qui l’orientera en retour. Ce qui veut dire qu’un minimum s’impose : voir les différences de civilisations comme produisant un choc irréversible ne construira rien. Considérer la multiappartenance comme une richesse sera positif si on sait respecter les frontières qui dissocient ce qui ne peut être complètement réuni au départ (certaines pratiques religieuses au paradigme de vie sociétale différente d’une pratique républicaine laïque, par exemple). Laisser ensuite la dynamique du rapprochement, des alliances, créer les possibles interpénétrations des coutumes... Vieux rêves que cette pensée !

Est-ce une utopie, en réalité ? Est-ce une utopie réaliste ? Est-ce le temps pour cela ? Je crains qu’il n’en soit peut-être pas encore ainsi, à cause de ces attitudes ancestrales qui nous collent à la peau, qui collent à la peau de l’individu et du collectif, de ces représentants, des nations : pouvoir, domination, souveraineté. "Désir" fonctionne au moyen de deux "forces-maîtresses" opposées : le "désir conquête" et le "désir partage". Dans notre monde, les deux sont présents, mais leur rapport de force n’est pas encore équilibré.
J’entend encore cette parole qui résonne : " Et il sortit un autre cheval roux. Celui qui le montait reçut le pouvoir d’enlever la paix de la terre, afin que les hommes s’égorgent les uns les autres ; et une grande épée lui fut donnée."(4). Jusqu’à quand faudra-t-il voir ces choses ?

Conscient de l’ampleur du phénomène, je vous invite à continuer cette réflexion qui, j’en suis bien conscient, est une goutte dans ce désert, mais à force de gouttes, peut-être la pluie arrivera-t-elle à l’inonder.

Chaleureusement,

Christian

(1) Oriana Fallaci, La Force de la Raison, Editions du Rocher, Monaco, 2004, 232p

(2) cf. la revue Lire, Février 2006, N°342, p39-40

(3) Slavoj Zizek, Plaidoyer en faveur de l’intolérance, Climats, Castelnau-le-Lez, 2004, 164p

(4) Apocalypse, chapitre 6 verset 4

Illustration : http://www.velly.org/francais/gravures-figures-paradoxe.htm


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10 réactions à cet article    


  • Scipion (---.---.63.216) 6 février 2006 17:02

    Cioran l’a dit en un raccourci fulgurant : La tolérance est une coquetterie d’agonisant* !

    Et c’est tellement vrai. On devient tolérant, lorsqu’on n’a plus le courage, ni la force, ni l’envie de se battre. Les peuples fatigués de la vieille Europe sont donc tolérants.

    A l’opposé, on est intolérant quand on est jeune, fort, enthousiaste. Les peuples des jeunes Etats musulmans sont donc intolérants.

    * « La complaisance pour l’adversaire est le signe distinctif de la débilité, c’est-à-dire de la tolérance, laquelle n’est en dernier ressort qu’une coquetterie d’agonisant. »


    • (---.---.162.15) 6 février 2006 19:00

      Au contraire, il me semble qu’il est plus difficile d’être tolérant qu’intolérant. Etre tolérant, ça veut dire savoir résister à l’intolérance et c’est difficile. Etre intolérant et résister à la tolérance est bien plus facile. Voyez, dans les pays arabes, tout le monde obéit aux obligations religieuses, alors qu’en Europe tolérer l’humour et la caricature est bien plus périlleux.

      Notre société est donc forte, au moins sur ce point, et nous devons soutenir cette force quand elle est attaquée. Car la faiblesse n’est jamais bien loin...

      Am.


    • Christian Pradel Christian Pradel 6 février 2006 19:17

      Cioran disait « Je ne lutte pas contre le monde, je lutte contre une force plus grande, contre ma fatigue du monde »*. Je ne pense pas que cette fatigue du monde, malgré sa lutte contre elle, l’ait conduit à tolérer les intolérances de jeunesse. Cela dit, un état musulman doit-il être considéré comme jeune et donc intolérant ? Il y a au sein des musulmans, plusieurs attitudes, allant de la tolérance à l’intolérance et ceci exprimé par autant de jeunes que de vieux. C’est plus une histoire de vision du monde interprétée selon des conceptions doctrinales différentes et qui les pousse à agir avec plus ou moins de violence...

      Christian

      * E.M. CIORAN, Ebauches de vertige, Gallimard, 1979, p49


      • Scipion (---.---.63.216) 6 février 2006 19:42

        Vous ne devez pas être nombreux à professer que dire : « Bof ! » est plus courageux que dire « Non ! »

        D’ailleurs, votre affirmation n’aurait pas à être sollicitée beaucoup pour lui faire dire que les héros sont les collabos...


        • jef88 (---.---.253.23) 7 février 2006 00:49

          La réaction à la tolérance n’est pas bof ! mais pourquoi ?

          Parce que la tolérance c’est essayer de comprendre l’autre, même si on ne l’aprécie pas. Jusqu’ou peut aller la tolérance ? C’est une question de première importance. A mon gout la tolérance doit s’arrêter au moment ou elle deviendrait du laxisme et ou justement la réaction serait bof... Mais vous avez le droit d’avoir d’autres opinions.


          • (---.---.162.15) 7 février 2006 09:49

            Je pense que la limite de la tolérance est d’accepter l’intolérance. mais comme chacun met ce qu’il veut derrière ces mots...

            On arrive pourtant, en France et même en Europe, à une sorte de consensus. Par exemple, nier la shoah est considéré comme inacceptable, parce qu’il existe des vérités historiques qu’on ne peut pas nier, et ce sont les historiens qui en sont décideurs.

            Pour la religion, il n’y a rien d’aussi tangible, c’est pourquoi la tolérance est très permissive.

            Am.


          • Cergy - Osny 2008 (---.---.234.70) 7 février 2006 10:06

            Les positions des Radicaux de Gauche sur la question de ces caricatures


            • Philippe (---.---.86.176) 7 février 2006 10:18

              La plupart des Syriens ont déjà de la peine à lire l’arabe, alors ils ne brillent pas particulièrement en anglais non plus. Que fait un groupe de manifestants syriens, donc, pour créer un impact maximal à la télévision avec leurs pancartes et leurs affiches arborant le classique « Death to America » (mort à l’Amérique) et autres messages politiquement corrects en anglais ?

              Réponse : ils louent les services d’un civil anglophone qui traduit et écrit leurs déclarations pour eux.

              Manque de chance, ce groupe-ci ignorait que l’agent d’assurance dont ils louèrent les services était un sergent de l’armée américaine en retraite (le sergent, pas l’armée). Comme on s’en doutera, cette image de la manifestation n’a pas été retransmise par les réseaux de télévision arabes, mais le résultat de l’intervention du sergent américain est réellement « hors de prix » (priceless).

              Et voici ce que l’on lit sur les banderoles (image disponible) : we are idiots, bomb us next, please kick our asses


              • jallal (---.---.52.46) 8 février 2006 11:15

                Ecoute ce qui disent la liberte d’expresion concernent les caricatures de MOHAMED ont tors parceque les caricatures se relis au erreurs des politiciens hipocrites ou corrempe,ou qu’on peu manipuler les gens,ce qui n’est pas le cas ici et ces images ne represente pas la verite’de prophet qui sai conne’de sa tolerence et le dialogue, faite vous donc lire l’histoir avec objectivite.

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