• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > La CCCTB, lorsque unanimité rime avec inactivité

La CCCTB, lorsque unanimité rime avec inactivité

Connaissez-vous la CCCTB ? Depuis plus d'une décennie, l'Union européenne planche sur un projet d'assiette consolidée à l'impôt des sociétés. Si l'initiative était prometteuse, le résultat manque singulièrement d'ambition.

2013 sera l'année de la justice fiscale, les stratégies d'optimisation des grandes entreprises n'ont pas bonne presse et les mauvais élèves de l'Union européenne se font taper sur les doigts. L'Irlande, le Luxembourg ou la Chypre sont accusés d'aider les multinationales à éviter l'impôt au détriment des "grands" européens. L'Europe semble avoir oublié la la devise d'un de ses membres fondateurs : "l'Union fait la force" et s'entre-déchire sous le regard indifférent ou moqueur des autres grandes puissances internationales.

Bien des maux auraient pu cependant être évités. Certes, la coexistence de 28 systèmes d'imposition différents a permis le développement de l'ingénierie fiscale et encouragé la compétition entre États. Certes, il est peut-être vrai que certaines multinationales en usent à l’extrême mais demander de ne pas profiter de l'aubaine, c'est un peu comme demander aux consommateurs d'acheter un jean fabriqué en France plutôt qu'un jean fabriqué en Turquie alors qu'il coûte cinq fois plus cher. Certains le feront mais la majorité ne voudra pas supporter ce coût additionnel même si cela bénéficie, à terme, à l'économie locale. N'oublions pas que les multinationales ne sont que le reflet des hommes qui en font partie.

La Commission européenne a compris bien avant la crise financière que cette compétition fiscale entre États ainsi que les disparités réglementaires pourraient porter préjudice à l'Union européenne dans son ensemble. Elle a donc, dès 2001, esquissé l'idée d'une imposition des sociétés sur une base consolidée au sein de l'Union : la CCCTB (Common Consolidated Corporate Tax Base, ACCIS en français) était née. La CCCTB, c'est un peu comme le RER autour de Bruxelles, ou la construction de la Sagrada Familia à Barcelone : un projet ambitieux, un rêve plein de promesses qui a peu à peu tourné au cauchemar.

De 2004 à 2008, un groupe d'experts, le groupe ACCIS, s'est réuni à 13 reprises pour avancer sur le projet. On imagine la charge titanesque de ce groupe et on ne remettra pas en cause ici l'indépendance de ces experts. En 2011, la Commission a accouché d'une proposition qui, selon ses propres espérances, devrait se concrétiser en 2013.

Imaginez un monde où les entreprises calculeraient l'impôt dû selon une méthode simple et transparente. Les recettes fiscales seraient ensuite réparties entre les différents États sur la base d'une clé de répartition "simple" combinant chiffre d'affaires, main d’œuvre et localisation des immobilisations ; un monde où l'Europe adopterait une politique fiscale innovante et souple, défendant une place à part entière dans l'ordre mondial ; un monde où les États membres légiféreraient à l'unisson rendant à leur citoyens leurs idéaux d'antan ; un monde où les entreprises payerait un impôt jugé raisonnable par tous sans pour autant être diabolisées.

Ce monde aurait pu exister.

JPEG - 286.4 ko
cc licence Thomas Hawk@Flickr

C'était oublier qu'au niveau européen, les décisions en matière fiscale se prennent à l'unanimité. La Commission, anticipant l'élargissement, a d'ailleurs exprimé dès 2004 des réserves à ce sujet mais le système archaïque domine. Il a d'ailleurs été clair dès l'origine que la CCCTB serait optionnelle. Autrement dit, que seules les entreprises espérant y retirer un avantage l'utiliseraient. Autre pierre d’achoppement : les taux d'imposition. Espérer un taux unique au sein de l'Union relève de l'utopie, voire de la folie pure et chaque pays conserve ses prérogatives en la matière. Le but avoué de la CCCTB est finalement de simplifier la vie des entreprises, non de créer une politique fiscale commune.

Le résultat de plus d'une décennie de réflexion est un enchevêtrement de règles complexes qui vient se superposer aux 28 systèmes fiscaux en vigueur. Les conseils fiscaux ont de belles années devant eux et, au lieu de les blâmer, nous ferions mieux d'interroger les dirigeants européens, trop frileux ou trop rigides, qui n'osent plus imaginer un avenir prospère pour l'Europe. Europe qui aujourd'hui se regarde plutôt que de se réinventer. Dénoncer les agissements des multinationales ou des conseils fiscaux, c'est s'attaquer vainement aux conséquences du système. A l'heure où l'Union européenne négocie un traité de libre-échange avec les États-Unis, il serait peut-être opportun de remettre les piliers de ce système en cause, de recréer notre rêve européen ou de tirer les leçons de nos échecs en redonnant leur pleine souveraineté aux États ou, plus simplement encore, aux citoyens.

Les Européens d'aujourd'hui devraient garder à l'esprit le préambule du traité fondateur de 1951 dans lequel leurs dirigeants étaient "résolus à substituer aux rivalités séculaires une fusion de leurs intérêts essentiels (...) à jeter les bases d'institutions capables d'orienter un destin désormais partagé" et s'attaquer à réaliser, enfin, cette fameuse fusion d'intérêts.

 

Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (9 votes)




Réagissez à l'article

1 réactions à cet article    


  • Ruut Ruut 25 septembre 2013 19:00

    Rien de neuf.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Banana Fric

Banana Fric
Voir ses articles






Les thématiques de l'article


Palmarès


Derniers commentaires