La « Charte de la transparence » et la discrimination positive
La « Charte de la transparence » et la discrimination positive.
Le statut des femmes a souvent été le fait des hommes. Qui forgeaient les dogmes religieux et fabriquaient les lois. Au désavantage des femmes.
Il a fallu parfois user de la « discrimination positive » pour permettre aux femmes de sortir de l’ombre, notamment de celle de leur mari.
Dans le domaine politique (*), l’affaire prit la forme d’une « Charte de la transparence » (mot qui signifie que l’on dévoile ce qu’on a envie de faire savoir - ou de faire croire- ).
Charte qui, contrairement aux chartes que les bons rois accordaient avec magnificence, et dont on parle encore, ne fit l’objet que d’un modeste communiqué publié (le 27 août 2017) sur internet par la présidence de la République https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/08/21/charte-de-transparence-relative-au-statut-du-conjoint-du-chef-de-letat
Comble de la modestie républicaine : le communiqué ne fut pas signé.
Et contrairement aux épouses des rois précités, lesquelles eurent droit au titre de « reine de France », l’épouse du président de la République n’eut pas droit au port d’un titre équivalent.
Toutefois, la « Charte de la transparence » ajoute quand même un peu aux dispositions constitutionnelles (art. 52) telles qu’on les comprenait, et telles qu’on les pratiquait. Puisqu’elle donne dorénavant mission « au conjoint » - en réalité à l’épouse - « d’assurer la représentation de la France, aux côtés du Président de la République lors des sommets et réunions internationales ». (1)
La « charte de la transparence », qui ne fait pas apparaître de signature, est aussi « transparente » qu’un décret ou un arrêté présidentiels qui auraient été signés puis publiés au Journal officiel.
Certes, dans l’état antérieur du droit, une décision non signée n’existait pas pour les juristes. Et ce qui était fait ensuite sur son fondement manquait de base légale…
Mais un communiqué non signé a l’avantage de régler, d’une certaine manière (au moins pour ceux qui ne voient que ce qu’il est convenable d’être vu), la question de savoir si le président de la République, qui aurait signé une décision de ce genre, n’aurait pas, par hasard, entaché sa décision d’incompétence ou de violation de la loi, ou de détournement de pouvoir .
Comme le communiqué n’est pas signé, comment diable en effet les malveillants pourraient-ils déposer un recours pour excès de pouvoir ?
Et s’il s’agissait d’une décision verbale, comment ces derniers pourraient-ils - même si l’existence de cette dernière est attestée par le communiqué - , contester ce qu’ils n’ont pas entendu ?
Et puis les dispositions du communiqué ne font pas de l’épouse un membre du cabinet du président de la République. Même si, … en même temps … elles lui donnent (comme le font les actes de nomination des membres du cabinet) un rôle officiel dans le fonctionnement de la présidence de la République. (v. la « Charte)
Ce qui tombe bien, puisque selon les dispositions d’un décret (décret n° 2017-1098 du 14 juin 2017 relatif aux collaborateurs du Président de la République et des membres du Gouvernement) : « Le Président de la République et les membres du Gouvernement ne peuvent compter parmi les membres de leur cabinet :
1° Leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin … ».
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034938597&categorieLien=id
Enfin, la charte donne droit à un cabinet distinct de celui du président de la République avec des collaborateurs de … cabinet. Notamment à un directeur de cabinet et à un chef de cabinet. Lesquels sont recrutés, eux, comme membres du cabinet … du président de la République.
Probablement en application du principe du « en même temps », reconnu sinon par les « lois de la République », du moins pratiqué par « la République en marche ».
Ces nominations seraient-elles des sortes de nominations « pour ordre », ou des nominations conférant des emplois « fictifs » ? La mise à disposition d’une tierce personne de ces agents rémunérés pour conseiller ou seconder le président de la République, engendrerait-elle une nouvelle catégorie de nominations ou poserait-elle d’autres questions juridiques ?
Non, puisque c’est comme cela de par l’application des dispositions de la Charte. Et puisque les rédacteurs de la Charte en ont décidé ainsi.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités
(*) L’attention des constitutionnalistes est attirée sur le fait que nous ne parlons ici, ni du Général de Gaulle, ni de son épouse Yvonne. Ni, après eux, (et jusqu’à la Charte conjugale de 2017), des autres « couples présidentiels ».
(1) art 52 de la constitution du 4 octobre 1958 :
« Le président de la République négocie et ratifie les traités.
Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification ».
Les contingences politiques de 1876-1878 avaient conduit le président de la République à laisser le président du conseil ou le ministre des affaires étrangères conduire à sa place la diplomatie dans le contexte de dépendance du gouvernement par rapport aux assemblées. On se rappelle à cet égard dans quel contexte Daladier, président radical du conseil des ministres avait négocié les « accords » de Munich de septembre 1938 : Notamment pour obtenir les voix de la droite (pour une partie de laquelle, la Tchécoslovaquie était une création de la Franc-maçonnerie anti-Habsbourgeoise et de leur ennemi Clémenceau), voix dont il avait désormais besoin pour continuer à gouverner, après sa rupture avec ses précédents alliés du Front populaire.
Le texte de la constitution de 1946 avait mis le droit constitutionnel en accord avec ces pratiques : il enlevait la négociation des traités au président de la République, lequel n’était plus que « tenu informé des négociations internationales »
Le sort de la France, ses choix diplomatiques, furent alors suspendus au résultat des votes dans les congrès des partis, ou dépendirent des alliances entre les groupes parlementaires. En mai 1947, le Plan Marshall a pu être accepté de justesse (après sa mise aux voix devant le « conseil national » du parti socialiste : 2529 mandats c. 2125). En juillet 1954, le rejet de l’ adhésion à la Communauté Européenne de Défense se produit comme suit : les ministres gaullistes hostiles à C.E.D. démissionnent du gouvernement, l’Assemblée se prononce contre le projet de loi tendant à la ratification du traité CED, et les ministres gaullistes reviennent au gouvernement.
Puis, on verra les gouvernements suivants hésiter sur la ligne à adopter dans l’affaire algérienne.
La Constitution de 1958 redonna au président de la République la charge de « négocier » les traités.
Le général de Gaulle donna un relief particulier à cette prérogative.
En avril 1962, il rejeta le principe de l’intégration européenne (ce qui motive officiellement le départ de quelques ministres MRP du gouvernement) :
« Le 15 mai (1962), cinq ministres issus du Mouvement Républicain Populaire, prenant prétexte d’une conférence de presse dans laquelle, de nouveau, j’ai préconisé l’union de l’Europe par le concert organisé des États et rejeté l’intégration, se retirent du gouvernement. Il est vrai que deux d’entre eux, Pierre Pflimlin et Maurice Schumann, qui n’y sont que depuis un mois et doivent d’ailleurs, ce jour-là même, opter entre leur portefeuille de ministre et leur siège de parlementaire, peuvent affecter d’être surpris par mes propos. Mais les trois autres : Robert Buron, Paul Bacon et Joseph Fontanet s’en vont aussi, alors qu’ils ont fait, sans interruption, partie de mon gouvernement en s’accommodant fort bien du fond et de la forme des directives que j’ai toujours données à la politique de la France. En fait, si les cinq se séparent tout à coup de moi, c’est parce que leur parti, à son tour, entre dans la coalition adverse. Le 22 mai, les Indépendants en font autant, somment les quatre ministres (*) qui proviennent de leur groupe de donner leur démission et, sur leur réponse négative, prononcent leur exclusion ». (* NDLR) V. Giscard d’Estaing, Raymond. Marcellin, Louis Jacquinot, Jean de Broglie. C. de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome II, L’effort 1962-1965 (Plon) :
En janvier 1963 il annonce que la France rejette la candidature anglaise au Marché commun ; en mars 1966, il annonce que la France quitte le commandement intégré de l’OTAN (le traité OTAN signé le 4 avril 1949 à Washington organise des conférences diplomatiques et un système d’organisation militaire placée sous commandement américain tourné contre le bloc communiste) ; en juillet 1967, il lance, au cours d’une visite officielle à Montréal le célèbre « Vive le Québec libre » ...
Dans les périodes de cohabitation, les chefs de l’État ont continué à aller représenter la France dans les négociations internationales, et ne furent « accompagnés » que par le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères.
Mais quelle que fut la période, les épouses n’assuraient aucunement et pour aucune part, la « représentation de la France ». Les rédacteurs de la constitution auraient probablement été fort étonnés, compte tenu de ce qui a été rappelé ci-dessus, à l’idée que cela put arriver un jour.
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