La chute du bloc de l’Est. Chronologie des évènements. Première partie : les années 1985, 86 et 87
- Les 7 et 8 janvier 1985. Le secrétaire d’Etat américain, George Schultz et le ministre soviétique des affaires étrangères Andrei Gromyko se sont rencontrés à Genève pour jeter les bases de la reprise du dialogue sur le désarmement. Le communiqué du 8 janvier met l’accent sur « l’interdépendance » des problèmes des armements cosmiques et nucléaires. Les américains acceptaient donc de mettre sur la table de négociations l’IDS (projet de défense spatiale : Initiative de Défense Stratégique) mais seulement à propos du déploiement d’éventuels systèmes de défense, décision qui au mieux ne pourrait intervenir qu’au début de la décennie 1990. Les dépenses d’armement des deux superpuissances (URSS et USA) sont gigantesques. L’heure est à la détente. L’un et l’autre souhaitent négocier pour réduire cette course folle aux armements. Ils veulent tenter de se mettre d’accord pour chaque type d’armement : armes conventionnelles, missiles à moyennes portées, missiles à longues portées, les armes spatiales.
- Le 13 février 1985 : trois leaders de Solidarnosc (Bogdan Lis, Adam Michnik et Władysław Frasyniuk) sont arrêtés. Le conflit en Pologne perdure depuis 1980. Il avait commencé par un licenciement. Le 7 août 1980, Anna Walentynowicz avait été licenciée pour avoir créé la première association indépendante afin de répondre aux besoins des ouvriers des chantiers navals de Gdańsk. Elle avait ainsi perdu son droit à la retraite à cinq mois de celle-ci. Pour protester, les 17 000 ouvriers des chantiers navals Lénine avaient cessé le travail le lundi
- Le 11 mars 1985, arrivée au pouvoir de Gorbatchev. Il fut élu secrétaire général du Politburo (et donc du Comité Central), trois heures après le décès, à l’âge de 73 ans, de son prédécesseur Konstantin Tchernenko. Il succède ainsi à trois vieillards qui ont occupé ce poste en moins de deux ans et demi : Leonid Brejnev (1906-1982), Iouri Andropov (1914-1984) et Konstantin Tchernenko (1911-1985). Gorbatchev, âgé de 54 ans, était le plus jeune membre du Politburo. Il affirmera que son objectif initial, en tant que secrétaire général, était de relancer l'économie soviétique et il estimait que cela nécessiterait une réforme des structures politiques. Il affirmera aussi qu’il ne voulait pas anéantir le système hérité du stalinisme mais tenter de le sauver. Il était cependant certainement conscient qu’il allait s’attaquer au seul acquis qui restait de la révolution de 1917 : la socialisation du travail par l’abolition de la propriété privée des moyens de production. Il ne voulait en aucun cas qu’une révolution politique balaie la caste des privilégiés à laquelle il appartenait. Il voulait garder le contrôle du processus. Qu’il s’en soit défendu ou non, il faisait partie de cette fraction de la bureaucratie qui aspirait à la restauration du capitalisme. Il prit des premières mesures dans ce sens dès juin 1987 quand il annonça un programme de réformes économique prévoyant d’instaurer une économie mixte ouverte sur l’extérieur avant 1993. De nombreux bureaucrates, immensément privilégiés par rapport à la masse des travailleurs d’URSS et de l’Europe de l’Est, voulaient asseoir leurs privilèges sur la propriété privée en réformant le système. Les réformes commencèrent par des changements de personnel parmi les hauts responsables de l'époque de Brejnev. Gorbatchev voulait écarter ceux qui entraveraient la libéralisation politique et économique qu’il voulait mettre en place. Durant ses deux premières années au pouvoir, les deux tiers de la composition du bureau politique, soit 40 % des membres du comité central, sont ainsi écartés pour permettre à des réformateurs d'entrer en nombre au sein du comité central du PCUS. Il parlera de perestroïka (restructuration) de l’économie nationale ce qui englobe la restauration du capitalisme. En 1986, la catastrophe de Tchernobyl l’amènera aussi à parler de glasnost (transparence) dans les affaires politiques et culturelles. L’opacité de la politique dut en effet être dénoncée à cette occasion. En arrivant au pouvoir, il est d’emblée confronté à la question de l’armement (ou du désarmement), au conflit en Pologne et à la guerre en Afghanistan. L’armée soviétique est engagée dans ce dernier conflit depuis décembre 1979.
- Le 12 mars 1985 : à la suite des entretiens Shultz-Gromyko (voir ci-dessus 7-8 janvier 1985), les négociations américano-soviétiques sur la limitation des armes spatiales, des missiles intercontinentaux et intermédiaires reprennent à Genève.
- Le 14 mars 1985, trois jours après son élection, dans un entretien téléphonique avec Babrak Karmal (Principal dirigeant stalinien de l’Afghanistan), Gorbatchev lui déclare que « les troupes soviétiques ne peuvent pas rester pour toujours en Afghanistan », preuve qu’un désengagement est envisagé à long terme. L’intervention soviétique en Afghanistan, qui devait à l’origine être rapide et limitée, s’était muée en un conflit long et coûteux, portant atteinte au prestige de l’invincible Armée rouge. Même au sein de l’état-major, beaucoup s’étaient opposés à cette guerre peu préparée. Durant tout l’été, Gorbatchev demande des conseils sur les moyens de résoudre la question afghane et réfléchit à une stratégie de sortie de crise. À l’automne, le Politburo prend position en faveur du retrait. Pour régler le conflit, il fallait toutefois que Moscou trouve une porte de sortie acceptable. De cette façon, les crédits alloués au soutien des forces afghanes seraient utilisés pour le développement économique de l’URSS, sans que ses intérêts stratégiques soient handicapés par un départ de ses troupes. Le désengagement militaire soviétique devait être effectif après la stabilisation politique du pays.
- Le 17 mars 1985 se tiennent les dernières élections législatives roumaines avant la révolution de 1989. Election des 369 membres de la Grande Assemblée nationale.
- Le 8 avril 1989, Mikhaïl Gorbatchev confirme son accord pour une rencontre au sommet avec Reagan et annonce un moratoire sur le déploiement des SS-20 (missile balistique nucléaire de moyenne portée développé par les soviétique de 1977 à 1988) en Europe.
- Le 11 avril 1985 : en Albanie, mort du secrétaire général du Parti du travail Enver Hoxha au pouvoir depuis 1944. Son successeur, Ramiz Alia, poursuit la politique d’autarcie extrême qui réduit le peuple à la pauvreté. L’Albanie faisait partie des régimes dits de « démocratie populaire ». Elle resta alignée sur l'URSS jusqu'en 1960, date à laquelle elle préféra s'aligner sur la république populaire de Chine, quittant alors le bloc de l'Est.
- Le 23 avril 1985, Gorbatchev réorganisa le Politburo en faisant entrer deux de ses protégés, Egor Ligatchev et Nikolaï Ryjkov. Egor Ligatchev était considéré comme le no2 du PCUS. Il s'est défendu d'être un conservateur, se présentant plutôt comme un « réaliste » par rapport à la perestroïka et à la glasnost. Gorbatchev nomme aussi Iakovlev au poste de responsable de l’Agitprop. Après cette reprise en main, il est également important que le Parti affirme son contrôle sur les questions militaires, si cruciales pour la politique étrangère. Pour recentrer la gestion des affaires militaires entre les mains du Parti, Gorbatchev crée en 1985 une commission spéciale du Politburo, présidée par Lev Zaïkov, un homme qu’il considérait comme un habile négociateur. Zaïkov avait été directeur général d’un combinat de Léningrad, maire de la ville, et enfin Premier secrétaire de son obkom. Séduit par Zaïkov lors de leur rencontre en 1985, Gorbatchev l’avait nommé la même année secrétaire du CC en charge de la défense. Le sens de cette nomination était clair : ce sera le Parti qui contrôlera désormais les questions militaires. Au sein de l’armée, Zaïkov bénéficie également du soutien du maréchal Akhromeïev, le chef de l’état-major, qui avait participé aux études pionnières du maréchal Ogarkov.
- Le 26 avril 1985 : reconduction « pour 20 ans » du pacte de Varsovie ; Gorbatchev met en garde les pays du pacte contre le projet américain d’Initiative de Défense Stratégique (IDS armement spatial).
- En mai 1985, Gorbatchev prononça un discours à Léningrad, dans lequel il préconisait des réformes et une campagne anti-alcool pour lutter contre l'alcoolisme généralisé. Il instaure une forme de prohibition qui consiste à fermer la moitié des points de vente d'alcool et à majorer de 30 % le prix de la vodka ainsi que celui du vin et de la bière. Ces mesures, très impopulaires, lui valent le surnom de « secrétaire minéral ». Elles se traduisent également par une énorme production clandestine d'alcool de mauvaise qualité, la disparition du sucre des étalages et une diminution des recettes (issues des taxes sur l'alcool) pour le budget de l'État. Un programme de rationnement fut également mis en place. Les citoyens se virent remettre des cartes perforées détaillant la quantité d'alcool qu'ils pouvaient acheter au cours d'une période donnée. Contrairement à la plupart des formes de rationnement, qui sont généralement adoptées comme stratégie pour conserver les biens rares, cela fut fait pour réduire l'ivresse. Le plan de Gorbatchev incluait également des panneaux publicitaires faisant la promotion de la sobriété, des peines plus lourdes pour l'ivresse publique et la censure de scènes de consommation de vieux films.
- Le 29 juin 1985, Gorbatchev plaça à dessein le Politburo devant le fait accompli en proposant le nom de Chevardnadze au Politburo.
- Le 1er juillet 1985, Gorbatchev promut Edouard Chevardnadze, premier secrétaire du parti communiste géorgien, au rang de membre à part entière du Politburo et il le nomma le lendemain (2 juillet) ministre des Affaires étrangères, en remplacement d’Andreï Gromyko. Édouard Amvrossievitch Chevardnadze avait fait toute sa carrière au sein du PC géorgien. Cet apparatchik était issu, tout comme Gorbatchev, des rangs du Komsomol (organisation de la jeunesse du parti « communiste »). N’ayant aucune expérience des affaires extérieures, cet homme dynamique au tempérament volcanique ne fit pas l’unanimité, ni au Politburo, ni au MID (Diplomatitcheskaya Akademia ministerstvo ; Département International du Comité central), où on pensait alors que Kornienko, spécialiste des questions américaines et adjoint de longue date de Gromyko, succéderait à ce dernier. Gromyko était désigné sarcastiquement par le surnom de « M. Niet » en Occident. Il avait été pendant 28 ans ministre des Affaires étrangères. Gromyko fut relégué à la position essentiellement cérémonielle de président du Présidium du Soviet suprême (officiellement chef de l'État soviétique). Le 1er juillet également, Gorbatchev écarta son principal rival en retirant Grigori Romanov du Politburo et en faisant entrer Boris Eltsine et Lev Zaïkov au secrétariat du Comité central du PCUS.
- Le 30 juillet 1985, l’URSS annonce la suspension de ses essais nucléaires du 6 août au 31 décembre à l’occasion du dixième anniversaire des accords d’Helsinki.
- Le 6 août 1985, date anniversaire du bombardement d'Hiroshima, Gorbatchev décide de reconduire le moratoire unilatéral concernant l'arrêt des essais nucléaires.
- Le 27 septembre 1985, pour lancer son programme de réformes économiques en URSS, Gorbatchev remplace au poste de Premier ministre le récalcitrant Nikolai Tikhonov par Nikolai Ryzhkov, jugé plus ouvert.
- 13 octobre 1985 : Elections législatives polonaises. Ces élections, comme toutes les autressous le régime stalinien ne sont pas libres mais falsifiées, comme celles des autres démocraties populaires. La distribution des sièges au Sejm (Parlement Polonais) est ainsi décidée par les caciques du FJN (Front d’Unité Nationale) ; le rôle des électeurs n'est alors qu'artificiel. Néanmoins, cette élection est boycottée par l'opposition : ainsi, alors que les précédentes élections se targuaient d'être démocratiques en raison des taux de participation élevés (entre 95 et 100 %), celle-ci est la première du régime à pâtir des mouvements de contestations notamment incarnés par le syndicat Solidarność (ne faisant « que » 79 %).
- Le 14 octobre 1985, Nikolaï Talytsine remplaça Nikolaï Baïbakov à la présidence du Comité de planification (GOSPLAN).
- Le 15 octobre 1985, lors de la réunion du Comité Central, Tikhonov se retira du Politburo et Talyzin devint candidat. Le plénum du Comité Central adopte les orientations économiques pour 1986-1990 et le projet de nouvelle rédaction du programme du Parti communiste avec modification des statuts.
- 17 octobre 1985 : Mikhaïl Gorbatchev fait accepter par le Politburo le principe d’un retrait des troupes russes d’Afghanistan, assorti de certaines conditions : l’Union soviétique demande aux États-Unis qu’ils cessent d’approvisionner la résistance afghane pour que le régime du président Mohammed Nadjibullah puisse survivre, au prix de concessions aux islamistes fondamentalistes. Au milieu des années 1980, les forces gouvernementales et quelque 120 000 militaires soviétiques contrôlent les villes et routes principales mais le reste du pays est aux mains des rebelles.
- En novembre 1985 : l'ouvrage de Boris Pasternak, Le Docteur Jivago, toujours interdit, est autorisé à paraître en URSS.
- Du 19 au 21 novembre 1985 : sommet de Genève amorçant une coopération entre les États-Unis et l’URSS. Il s’agit de la première rencontre au sommet entre les deux superpuissances depuis près de six ans.
- Le 21 novembre 1985 : Gorbatchev déclare aux dirigeants du pacte de Varsovie :« Ne comptez plus sur nos chars pour préserver vos régimes et vous maintenir en poste ». Gorbatchev a donc desserré le contrôle sur l'Europe de l'Est. Le Politburo a refusé d’utiliser la force pour maintenir le régime hérité du stalinisme en Pologne et en Tchécoslovaquie. Cependant, il ne voulait pas que cette politique s’étende à l'URSS elle-même. Or, les Pays-Baltes faisaient partie de l’URSS, depuis 1944, par application de l’accord Hitler/Staline. Des interventions violentes ont vites étaient lancées pour réprimer des manifestations dans ces trois pays de même qu’au Kazakhstan (17 et 18 décembre 1986) puis, en Arménie (Karabakh), en Ukraine...
- Le 23 décembre 1985, Gorbatchev nomma Eltsine premier secrétaire du parti communiste de Moscou, en remplacement de l'économiste Viktor Grichine.
- Le 1er janvier 1986, un mois et demi après une première rencontre entre Gorbatchev et Reagan à Genève (sommet de Genève du 19 au 21 novembre 1985), dans un message de Nouvel An, le président américain adresse un court message télévisé à toute l'URSS, tandis que le président de l'URSS fait de même sur une chaîne de télévision américaine. Le projet séduit : chacun des deux présidents se montre très modéré.
- Du 25 février au 6 mars 1986 : renouvellement des dirigeants soviétiques durant le 27e congrès du parti. 44 % des élus sont des têtes nouvelles, contre 28 % aux élections de 1981. De nombreux conservateurs sont écartés, et les partisans de la glasnost sont nommés à la direction des principaux médias.
- 20 avril 1986 : concert à Moscou du pianiste Vladimir Horowitz après 61 ans d’exil.
- 26 avril 1986 : explosion à la centrale nucléaire de Tchernobyl, en URSS. Elle fait 32 morts et 197 victimes hospitalisées (irradiées) d’après les autorités ; 100 000 personnes sont évacuées, 4 000 sont victimes de cancers de la thyroïde (selon l’OMS et l’AIEA). L’accident se produit dans la salle du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire Lénine, située sur un affluent du Dniepr, à une quinzaine de kilomètres de la ville ukrainienne de Tchernobyl et proche de la République de Biélorussie. Baptisée « centrale Lénine » en avril 1980, elle est alors le fleuron de l’industrie nucléaire civile du pays. La ville nouvelle de Pripiat, bâtie dans le plus pur style soviétique, la jouxte. Suite à une erreur humaine lors d’un test d’alimentation électrique, le cœur du réacteur explose puis fond dans l’incendie qu’il provoque, libérant une grande quantité de radioéléments dans l’air. Il est aux alentours d’1 heure du matin, ce 26 avril 1986. Les responsables du site, ne saisissant pas tout de suite l’ampleur de la catastrophe, attendent plus de trois heures avant d’appeler le ministre de l’Énergie. Ordre est donné de maintenir le refroidissement du réacteur en l’arrosant. Cette mesure n’a pour effet que d’envoyer plus d’éléments radioactifs dans l’atmosphère, accroissant le risque d’explosion en cas de contact entre l’eau et le cœur du réacteur en fusion. Alors que les pompiers de Pripiat luttent pendant toute la journée contre les flammes, sans autre protection que leurs masques, 900 élèves des environs participant à un marathon de la paix respirent à pleins poumons l’air printanier gorgé de particules mortifères. Ce n’est que le lendemain que les habitants sont priés de quitter les lieux au plus vite. Ils ne reverront plus jamais leur ville, transformée depuis en une Pompéi du nucléaire, figée et fantomatique.
- Le 28 avril 1986, les gouvernements suédois et ouest-allemand relèvent un taux de radioactivité anormal dans l’atmosphère. Ce n’est donc qu’en réponse aux inquiétudes européennes que le gouvernement soviétique est contraint d’informer le monde de ce qui est en train de se passer à Tchernobyl.
- Le 29 avril 1986, dans un communiqué de presse établi par l’agence officielle TASS, l’URSS annonce publiquement, mais aussi prudemment, qu’une explosion a eu lieu à Tchernobyl. Ce même jour, Gorbatchev tient ces propos fort encourageants : « Plus nous serons honnêtes, mieux cela vaudra. » Mais il poursuit : « Lorsque nous donnerons l’information, il faut dire que des travaux avaient été prévus dans la station, pour ne pas jeter l’opprobre sur nos infrastructures. » Le ton est donné : une honnêteté toute en retenue, puisque l’information sera livrée tronquée.
- Le 14 mai 1986, soit plus de quinze jours après « l’accident » de Tchernobyl, Gorbatchev fait enfin une intervention publique de vingt-cinq minutes, retransmise à la télévision. Mais sa déclaration prend une tournure politique lorsqu’il propose l’extension du moratoire sur les tests nucléaires souterrains jusqu’à août 1986 et renouvelle ses vœux d’un dialogue avec Reagan, dans un contexte où la menace nucléaire est plus que jamais d’actualité. La comparaison entre la vérité officielle et la réalité des faits, établie grâce à l’examen du contenu des sessions de la commission spéciale du Politburo chargée de gérer la catastrophe, nous permet de mettre en lumière la très cynique stratégie de communication du Kremlin. On y perçoit un réel désir de minimiser l’accident, en particulier auprès de l’opinion occidentale.
- Le 3 juillet, s’adressant aux experts du nucléaire et aux scientifiques réunis pour une conférence au Kremlin, Gorbatchev affirme : « Nous devons répondre à de nombreuses questions relatives à Tchernobyl. Des millions de personnes ici et à l’étranger le demandent […]. Ce qui est arrivé a discrédité notre science et notre technologie. […] Mais dans aucune circonstance nous n’essaierons de dissimuler la vérité, ni en ce qui concerne la résolution pratique des problèmes, ni dans notre réponse au peuple. […] Toute tentative de prendre des demi-mesures ou d’éviter les questions est inacceptable. Il doit y avoir une information complète du désastre. Une position politique de lâcheté est inacceptable… » Mais cette transparence s’impose également comme une priorité dans la gestion interne du pays. Pour Gorbatchev, le dysfonctionnement entre les différents échelons du pouvoir et le culte du secret ont aggravé le bilan de la catastrophe : « Durant quarante ans, vous nous avez dit que tout était sécurisé. Et vous espériez que nous prendrions cela comme parole divine. C’est là la source de nos problèmes. Les ministères et les centres de recherche sont devenus hors de contrôle, ce qui a mené au désastre. Et je ne vois aucun signe de votre part que vous ayez tiré des leçons de cela… » Nombre d’aspects fondamentaux de la tradition politique soviétique furent remis en question à la lumière de l’accident : le culte du secret, la lourdeur administrative. La glasnost a été imposée par la catastrophe de Tchernobyl.
- Le 21 juillet 1986 ; L’ampleur de la tragédie de Tchernobyl est enfin en partie officialisée par le Kremlin : dans un communiqué de presse, l’agence TASS évoque une véritable catastrophe et une perte de près de 2,7 milliards de dollars pour le budget du pays. Après la construction d’un sarcophage de béton autour de l’usine en août, signe que la situation est sécurisée, arrive le temps du jugement et du châtiment des coupables : les responsables de l’usine sont mis en accusation et taxés d’incompétence. Mais c’est surtout auprès de la communauté internationale que l’URSS doit désormais se justifier.
- En juillet 1986, Le CTAG-Helsinski-86 (groupe letton : Cilvēktiesību aizstāvības grupa, groupe de défense des droits de l'homme) fut fondé dans la ville portuaire de Liepāja, en Lettonie, par trois travailleurs : Linards Grantiņš, Raimonds Bitenieks et Mārtiņš Bariss. Son nom fait référence aux déclarations des accords de Helsinki sur les droits de l'homme. Helsinki-86 fut la première organisation ouvertement opposée au système politique de l’URSS constituant un exemple pour les mouvements indépendantistes d’autres minorités ethniques. Les républiques baltes, qui avaient été intégrées de force dans l'Union soviétique en 1944 en application du pacte Hitler/Staline, réclamaient leur indépendance.
- Le 26 août 1986, une conférence rassemblant 400 experts soviétiques et occidentaux se tient à Vienne à propos de la tragédie de Tchernobyl. Les Soviétiques se déclarent prêts à ce que les experts internationaux aient un droit de regard sur le programme nucléaire soviétique, ce qui constitue une nouveauté sans précédent. La mauvaise gestion des suites de l’accident a depuis été mise en lumière. Afin d’éviter la panique, le ministère de la Santé augmenta par dix les taux admissibles de matières radioactives dans l’organisme. Les errances et dissimulations du Kremlin au sujet de Tchernobyl sont aujourd’hui bien connues. Les acteurs principaux, témoins survivants d’une époque disparue, se rejettent de nos jours encore la responsabilité des faits. « Si certaines choses n’ont pas été faites en temps utile, ce fut exclusivement par ignorance. Ni les politiques, ni même les scientifiques, n’étaient préparés à vraiment saisir la portée des événements », écrira Gorbatchev dans ses mémoires. Pour lui, le cloisonnement administratif, la peur de l’initiative et de la hiérarchie, la culture du secret engendrée par la guerre froide furent autant de facteurs aggravants. Tchernobyl est bel et bien une catastrophe, dont l’Occident et l’URSS saisissent une part de l’ampleur en cette fin d’été 1986.
- 11 et 12 octobre 1986 : Gorbatchev rencontre Reagan à Reykjavik (capitale de l’Islande) et échange avec lui de nouvelles propositions de réduction des armements. Les négociations achoppent sur la demande soviétique de limiter la recherche et les essais de l’Initiative de Défense Stratégique (IDS. Il s’agit d’un projet de défense spatiale).
- Le 17 décembre 1986, à Almaty (Kazakhstan), des manifestations commencèrent dans la matinée avec 200 à 300 étudiants placés devant le bâtiment du Comité central sur la place Brejnev. On appelle ces émeutes les « Jeltoqsan » de 1986 (décembre de 1986 en kazakh). Gorbatchev avait voulu remplacer le premier secrétaire du Parti communiste du Kazakhstan d’ethnie kazakh (Konayev), par un « étranger » de la RSFS russe, Guennadi Kolbine. Ce limogeage d’un responsable kazakh fut perçu comme un acte de colonialisme et il a déclenché des manifestations à Almaty. Celles-ci commencèrent dans la matinée du 17 décembre 1986, avec cette manifestation d’étudiants. Les manifestants augmentèrent de 1 000 à 5 000 alors que d'autres étudiants se joignirent à la foule. Le Comité central du PCK ordonna aux troupes du ministère de l'Intérieur, aux droujiniki (volontaires), aux cadets, aux policiers et au KGB de boucler la place et d'enregistrer sur vidéo les participants. La situation dégénéra aux alentours de 17 heures, les troupes ayant reçu l'ordre de disperser les manifestants. Les affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants se poursuivirent toute la nuit à Almaty.
- Le lendemain, le 18 décembre 1986, les manifestations se transformèrent en troubles civils, à la suite d'affrontements entre soldats, volontaires, unités de la milice et étudiants kazakhs, qui se transformèrent en affrontement à grande échelle. Les affrontements ne purent être contrôlés que le troisième jour. Les événements d'Almaty furent suivis de manifestations et de protestations moins importantes à Chimkent, Pavlodar, Karaganda et Taldykourgan. Les rapports des autorités de la RSS du Kazakhstan estimèrent que les émeutes avaient attiré 3 000 personnes. D'autres estimations font état d'au moins 30 000 à 40 000 manifestants, dont 5 000 furent arrêtés et emprisonnés et dont le nombre de victimes est inconnu. Les dirigeants de Jeltoqsan affirment que plus de 60 000 Kazakhs participèrent aux manifestations. Selon le gouvernement de la RSS du Kazakhstan, il y eut deux morts lors des émeutes, dont un policier volontaire et un étudiant. Tous deux étaient morts de coups à la tête. Environ 100 autres personnes furent arrêtées et plusieurs autres condamnées à des peines de prison dans des camps de travail. Selon des sources citées par la Bibliothèque du Congrès, au moins 200 personnes seraient mortes ou auraient été exécutées sommairement peu après. Certains comptes estiment le nombre de victimes à plus de 1 000. L’écrivain Mukhtar Shakhanov affirma qu’un officier du KGB avait déclaré que 168 manifestants avaient été tués, mais ce chiffre ne fut pas confirmé.
- Le 23 décembre 1986, le dissident soviétique le plus en vue, Andreï Sakharov, rentra à Moscou peu après avoir reçu un appel téléphonique personnel de Gorbatchev lui annonçant que son exil intérieur pour avoir défié les autorités était terminé. Il était assigné à résidence dans la ville fermée de Gorki depuis janvier 1980.
- Le 26 décembre 1986, au petit matin, après un concert de rock, 300 jeunes citoyens lettons se rassemblèrent sur la place de la cathédrale de Riga et descendirent l'avenue Lénine en direction du Monument de la liberté en criant : « La Russie soviétique dehors ! La Lettonie libre ! ». Les forces de sécurité affrontèrent les manifestants et plusieurs véhicules de la police furent renversés.
- Le 1er janvier 1987, Gorbatchev refuse de renouveler l’initiative du 1er janvier 1986. Il avait adressé un court message à tous les américains à l’occasion du nouvel an sur une chaîne de télévision américaine. Un très net refroidissement était apparu à la suite d’expulsions de diplomates soviétiques des Nations unies (25 diplomates) et des États-Unis (55 diplomates) décidées par Reagan et des mesures de rétorsion par Gorbatchev (10 diplomates, suppression du personnel de service soviétique affecté à l'ambassade et aux consuls américains en URSS ainsi que l'imposition de la parité stricte du nombre de touristes dans les deux pays). La nouvelle politique soviétique adoptée envers l'Occident depuis 1985 impose qu’en échange de l'acceptation d'importantes concessions sur le désarmement, les autorités russes répondent du tac au tac à certaines rebuffades. En réponse à l'expulsion de quatre diplomates soviétiques par Paris et de deux par Rome, Moscou avait riposté en expulsant quatre diplomates français et deux italiens. Gorbatchev explique qu'on aurait tort de croire qu’il veut la détente à n'importe quel prix. Précédemment en septembre 1985 on avait assisté à ce scénario en deux étapes 25/25 6/6 entre Londres et Moscou.
- Les 26-27 janvier 1987 : lors du plénum du Comité central, Mikhaïl Gorbatchev relance la libéralisation et la démocratisation en URSS (perestroïka et glasnost).
- Du 28 au 30 janvier 1987 se tint la séance plénière du Comité central. Gorbatchev suggéra une nouvelle politique de démokratizatsiya dans l'ensemble de la société soviétique. Il proposa que les futures élections du Parti communiste offrent un choix entre plusieurs candidats, élus au scrutin secret. Cependant, les délégués du PCUS au Plénum diluèrent la proposition de Gorbatchev et le choix démocratique au sein du Parti communiste ne fut jamais mis en œuvre de manière significative. Gorbatchev élargit également de manière radicale le champ d’application de la glasnost, déclarant qu’aucun sujet n’était interdit à une discussion ouverte dans les médias. Malgré tout, la bureaucratie prudente mit presque un an à repousser les limites pour voir s'il pensait réellement ce qu'il disait. Pour la première fois, le chef du Parti communiste avait fait appel à la tête du Comité central pour obtenir le soutien du peuple en échange d'une expansion des libertés. La tactique porta ses fruits : en deux ans, les conservateurs du parti ne purent plus faire obstacle aux réformes politiques.
- Le samedi 7 février 1987, M. Andrei Sakharov et son épouse ont fait état d'un décret du Soviet suprême qui n'a pas été rendu public mais qui a permis que plusieurs dizaines de dissidents soviétiques soient libérés de prison ou de camp. La liste des personnes libérées au cours du week-end est très loin de correspondre à celle de tous les détenus politiques connus, mais elle comporte néanmoins plusieurs "grands prisonniers" contre lesquels les autorités semblaient jusqu'à présent s'acharner. C’est la première fois depuis le dégel de Khrouchtchev au milieu des années 1950 qu’on assiste à une telle vague de libérations.
- Le 17 février 1987, des pourparlers informels entre les 16 pays de l'OTAN et les 7 pays du Traité de Varsovie ont commencé à Vienne sur un mandat de négociations conventionnelles en Europe, qui définirait les directives de négociation du traité sur les forces armées traditionnelles en Europe.
- Le 1er mai 1987, en Estonie, des jeunes se présentèrent avec des banderoles et des slogans malgré une interdiction officielle de manifestation. Au printemps 1987, un mouvement de protestation naquit contre les nouvelles mines de phosphate en Estonie. Des signatures furent rassemblées à Tartu et des étudiants se rassemblèrent dans le hall principal de l'université pour exprimer leur manque de confiance envers le gouvernement.
- Le 6 mai 1987, Pamiat, un groupe nationaliste russe, organisa une manifestation non autorisée à Moscou. Les autorités n’interrompirent pas la manifestation mais empêchèrent la circulation des manifestants alors qu'ils se rendaient à une réunion impromptue avec Boris Eltsine, chef du parti communiste moscovite et à l'époque l'un des plus proches alliés de Gorbatchev.
- Les 28 et 29 mai 1987 se tient le 22ème sommet du pacte de Varsovie à Berlin-Est. En tête de l'ordre du jour de cette réunion, qui se tient une fois l'an, figure l'examen des négociations en cours sur le désarmement. Le 29 mai 1987 : les dirigeants reconnaissent que le rapport des forces militaires classiques sur le continent européen est à leur avantage et que des réductions asymétriques se justifient.
- Le 14 juin 1987, environ 5 000 personnes se rassemblèrent au monument de la liberté à Riga (capitale de la Lettonie) et déposèrent des fleurs pour commémorer la déportation massive de Lettons par Staline en 1941, à l'occasion de son 46ème anniversaire. Il s'agissait de la première grande manifestation organisée dans les républiques baltes pour commémorer un événement contraire à l'histoire officielle soviétique. Les autorités ne réprimèrent pas les manifestants, ce qui encouragea des manifestations de plus en plus importantes dans l'ensemble des États baltes.
- Les 25 et 26 juin 1987, Alexandr Iakovlev, partisan des réformes, devient membre du Politburo soviétique lors du plénum du Comité central. Face à la crise, Gorbatchev annonce un programme de réformes économique prévoyant d’instaurer une économie mixte ouverte sur l’extérieur d’ici 1992 (perestroïka).
- Le 27 juin 1987, l'OTAN a présenté un projet de mandat lors de la conférence des 23 nations à Vienne. Le mandat prévoyait l'élimination des disparités de forces (forces armées traditionnelles), la capacité d'attaque surprise et d'opérations offensives à grande échelle, ainsi que la mise en place d'un système de vérification efficace.
- Loi du 30 juin 1987. Avec cette loi le Comité central prévoit la réorganisation du secteur étatique. Les entreprises d’état deviennent autonomes. Gorbatchev confirme ainsi qu’il est bien un partisan du retour au capitalisme. Il veut que cela se fasse progressivement et que le processus soit contrôlé par la bureaucratie au pouvoir. La bureaucratie, notamment celle du « Parti Communiste » est ainsi susceptible de devenir la nouvelle bourgeoisie.
- Le 22 juillet 1987 : Mikhaïl Gorbatchev accepte l’option double zéro (zéro SS-20, zéro Pershing). En d’autres termes, il accepte le principe d'une élimination totale des missiles de portée intermédiaire non seulement en Europe, mais aussi en Asie, alors qu'auparavant Moscou voulait conserver 33 SS-20 dirigés vers le Japon et la Chine. Le 28 juillet, Washington se déclare à son tour favorable à cette option « double zéro globale », qui suppose l'élimination en Europe et en Asie de tous les missiles nucléaires américains et soviétiques d'une portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres.
- Les 25 juillet 1987, 300 Tatars de Crimée organisèrent une manifestation bruyante près du mur du Kremlin pendant plusieurs heures, réclamant le droit de retourner dans leur pays d'origine, d'où ils avaient été déportés en 1944. La police et les soldats regardèrent simplement la scène.
- Le 15 août 1987, en Estonie, d'anciens prisonniers politiques formèrent le groupe MRP-AEG (les Estoniens pour la divulgation publique du pacte Molotov-Ribbentrop), dirigé par Tiit Madisson.
- Le 23 août 1987 est le jour du 48ème anniversaire des protocoles secrets du pacte Hitler-Staline de 1939 qui mirent fin à l’indépendance des pays baltes obtenue en 1918. Des milliers de manifestants marquèrent cet anniversaire dans les trois capitales baltes en chantant les hymnes nationaux de la période d’indépendance, interdits sous la domination soviétique, et en rendant hommage aux victimes du stalinisme. Les rassemblements furent vivement dénoncés dans la presse officielle et étroitement surveillés par le KGB, sans pour autant être interrompus. Rappelons à l’occasion que le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes" n’a pas été appliqué aux pays Baltes lors de leur intégration à l’URSS. Ce droit, mis en avant par Lénine, se déclinait en deux règles : d’une part, toute population avait le droit de constituer une république autonome ; d’autre part toute république autonome pouvait librement adhérer à l’URSS ou s’en séparer. Ce droit a été appliqué jusqu’au milieu des années 20 pour les républiques soviétiques. Il est ensuite resté inscrit dans les textes mais, sous la dictature de Staline, il ne fut plus appliqué car toute revendication nationale (non russe) était réprimée. Depuis le pacte Hitler-Staline de 1939, les pays Baltes ont subi l'occupation soviétique, puis nazie, et à nouveau soviétique pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Les populations n’ont jamais eu à donner leur avis.
- Le 23 août 1987, eurent lieu en Lituanie les premières manifestations contre le pouvoir de l’URSS. La réunion fut organisée par la Ligue de la liberté de la Lituanie au monument à Adomas Mickevičius (Adam Mickiewicz) à Vilnius et rassembla autour de 2 000 participants. Cette réunion était destinée à condamner l'occupation soviétique de la Lituanie en 1944. Celle-ci avait été décidée conjointement par Hitler et Staline (pacte Molotov-Ribbentrop).
- En septembre 1987, en Estonie, le journal Edasi publia une proposition d'Edgar Savisaar, de Siim Kallas, de Tiit Made et de Mikk Titma appelant à la transition de l'Estonie vers l'autonomie. Initialement axé sur l'indépendance économique, puis sur une certaine autonomie politique, le projet Isemajandav Eesti (« Une Estonie autogérée ») devint connu sous son acronyme estonien, IME, qui signifie « miracle ».
- Le 10 septembre 1987, après une conférence prononcée par Egor Ligatchev au Politburo Boris Eltsine adressa une lettre de démission à Gorbatchev, qui passait ses vacances sur la mer Noire. Gorbatchev était stupéfait. C’était bien la première fois qu’un membre du Politburo demandait lui-même sa démission. La conférence de Ligatchev portait sur les deux manifestations non autorisées à Moscou : celle du 6 mai organisée par Pamiat (un groupe nationaliste Russe) et celle de juillet (23, 24 ou 25) organisée par des Tatars de Crimée.
- 27 septembre 1987 : fondation du Forum démocrate hongrois à l’initiative de cent quatre-vingts intellectuels réunis par Sándor Lezsák à Lakitelek. L’opposition démocratique s’étend en République populaire de Hongrie.
- Le 17 octobre 1987, environ 3 000 Arméniens manifestèrent à Erevan (Erevan ou Yeravan, capitale de l’Arménie) pour se plaindre de l'état du lac Sevan, de l'usine de produits chimiques Nairit et de la centrale nucléaire de Metsamor, ainsi que de la pollution atmosphérique à Erevan. La police tenta d'empêcher la manifestation, mais ne prit aucune mesure pour l'arrêter une fois la marche commencée. La manifestation était dirigée par des écrivains arméniens tels que Sylva Kapoutikian, Zori Balayan et Maro Margarian et des dirigeants de l'organisation nationale de survie. La marche eut lieu sur la place de l'Opéra après que des orateurs, principalement des intellectuels, se soient adressés à la foule.
- Le 18 octobre 1987, 1 000 Arméniens participèrent à une autre manifestation appelant à la revendication des droits nationaux arméniens au Karabakh. Les manifestants exigeaient l'annexion de Nakhitchevan et du Haut-Karabakh en Arménie et portaient des pancartes à cet effet. La police tenta d'empêcher physiquement la manifestation et, après quelques incidents, dispersa les manifestants. Le Haut-Karabakh allait éclater dans la violence l'année suivante.
- Le 21 octobre 1987, en Estonie, une manifestation en l'honneur de ceux qui avaient donné leur vie lors de la guerre d'indépendance estonienne de 1918-1920 eut lieu à Võru, ce qui aboutit à un conflit avec la milice. Pour la première fois depuis des années, le drapeau tricolore national bleu, noir et blanc fut affiché publiquement.
- 21 octobre 1987 : Boris Eltsine, lors du plénum du Comité central, dénonce « l’essoufflement de la perestroïka » ; il s’en prend au numéro deux du parti, Egor Ligatchev qui est destitué du politburo. L'ordre du jour portait essentiellement sur le rapport que Gorbatchev devait présenter le 2 novembre, lors des célébrations du 70e anniversaire de la révolution d'Octobre. Boris Eltsine demande la parole pour dénoncer les lenteurs de l'appareil du comité central et du secrétariat, qui ruinent toutes ses tentatives pour assainir la situation dans la capitale. Il accuse aussi le secrétariat national, et nommément Egor Ligatchev, le numéro deux du parti, d'intervenir dans le choix des responsables de la ville et des arrondissements. Il clame : « Les corrompus, les pourris sont ici même, parmi nous, et vous le savez parfaitement ! ». Son intervention provoque un tollé. Ligatchev adopte le ton de celui qui a été injustement accusé. Suit une offensive généralisée. On accuse Boris Eltsine de tous les crimes. Ceux qui ne prennent pas le micro lui crient leur hostilité de leur place. Eltsine est forcé de faire son autocritique et sort complètement démoralisé de cette séance. Plusieurs sources attestent qu'il a eu un malaise cardiaque à la suite de cette réunion et qu'il a dû être hospitalisé.
- Le 27 octobre 1987, lors de la séance plénière du Comité central, Eltsine, frustré que Gorbatchev n’ait abordé aucun des problèmes exposés dans sa lettre de démission, critiqua la lenteur des réformes, la servilité envers le Gorbatchev et l’opposition de Ligatchev qui avait conduit à sa propre démission. Personne ne s’était jamais adressé au chef du parti devant le Comité central aussi effrontément depuis Léon Trotski dans les années 1920. Dans sa réponse, Gorbatchev accusa Eltsine d’« immaturité politique » et d’« irresponsabilité absolue ». Néanmoins, la nouvelle de l'insubordination et du « discours secret » de Eltsine se répandit et bientôt les versions du samizdat de son discours commencèrent à circuler. Ceci marqua le début du changement de marque de Eltsine en rebelle et de sa popularité en tant que personnage anti-establishment. Les quatre années suivantes de lutte politique entre Eltsine et Gorbatchev jouèrent un rôle important dans la dissolution de l'URSS. Nous voyons ainsi que la fraction restaurationniste de la bureaucratie n'est pas homogène. Ceux qui sont avec Gorbatchev souhaitent que les réformes passent en douceur en s’assurant que tous les mouvements sociaux seront contrôlés. Ceux qui sont avec Eltsine veulent une suppression radicale et rapide de l’ancien pouvoir avec toutes ses administrations.
- Le 11 novembre 1987, Eltsine fut limogé du poste de premier secrétaire du parti communiste de Moscou comme suite à son intervention au Comité Central du 21 octobre (voir ci-dessus). La sanction tombe au cours d'une réunion du comité moscovite du parti. Depuis l'arrivée de Gorbatchev à la tête du comité central, de nombreux membres du parti ont été renvoyés, mais c'est la première fois qu'un homme nommé par le secrétaire général lui-même et qui est, de plus, un ardent défenseur de la perestroïka (avec le retour au capitalisme) est limogé. L'éviction de Boris Eltsine représente une victoire pour les conservateurs opposés au capitalisme puisqu’ils veulent conserver une dictature de type stalinienne.
- Le 18 novembre 1987, Eltsine, le disgracié, est nommé vice-président du comité pour la construction, ce qui correspond à un poste ministériel.
- Le 18 novembre 1987, la Lettonie fêtait l’anniversaire de son indépendance acquise en 1918. Des centaines de miliciens de la police et de civils bouclèrent la place centrale pour empêcher toute manifestation au monument de la Liberté. Des milliers de personnes parcoururent les rues de Riga en signe de protestation silencieuse.
- 29 novembre 1987 : référendum polonais sur les réformes économiques et politiques. La politique de perestroïka et de glasnost de Gorbatchev déteint sur les pays d’Europe de l’Est. La chape de plomb imposée par les dictatures liées à l’URSS aux peuples se soulève mais ne fait qu'amplifier les contestations qui étaient en germe depuis longtemps. Ce référendum est ainsi considéré comme le premier échec électoral de ces régimes d’Europe de l’Est depuis quarante ans. Le but de ce référendum était d'obtenir l'aval populaire en vue de réformes économiques et politiques. Les électeurs étaient invités à répondre « oui » ou « non » à deux questions : « Êtes-vous favorable à une réforme économique radicale ? et êtes-vous pour une démocratisation profonde de la vie politique ? » La première proposition permettrait au gouvernement de mener à bien un « programme gouvernemental complet de reprise économique radicale » visant à « améliorer les conditions de vie », étant entendu que cela nécessiterait une période « difficile » de deux à trois ans de « changements rapides ». La seconde aboutirait à l'introduction d'un nouveau « modèle polonais » pour « démocratiser la vie politique », visant à renforcer l'autonomie gouvernementale, à étendre les droits des citoyens et à accroître leur participation à la gestion du pays. Environ un tiers des électeurs n'ont pas participé, en guise de défiance envers le régime communiste. Seulement 44 % des 26 millions de Polonais votent « oui » à la question portant sur la réforme économique et politique (question 1) et 46 % votent « oui » à la question de démocratisation du pays (question 2). Le référendum est un échec même si la majorité des suffrages exprimés ont soutenu les propositions du gouvernement (respectivement des 66 % et 69 %). En effet, selon les règles du référendum, la majorité des électeurs éligibles devaient voter oui pour qu'il soit adopté. La majorité des Polonais n'ont pas voté « oui » notamment ceux qui ont boycotté le scrutin. L'échec du référendum qui en a résulté était sans précédent, car c'était la première fois que qu'un gouvernement d'Europe de l'Est perdait un vote.
- Du 7 au 10 décembre 1987 : sommet Reagan-Gorbatchev à Washington. Les « deux Grands » s'accordent pour réduire de 50 % leurs arsenaux nucléaires, bien que les Américains refusent de renoncer à l'Initiative de Défense Stratégique (IDS). Le 8 décembre 1987, ils signent le « traité sur les Forces Nucléaires à portée Intermédiaire » (FNI en français ; INF en anglais pour Intermediate-Range Nuclear Forces Treaty). Ce « traité FNI » concerne l'élimination de tous les missiles de croisière et missiles balistiques, à charge conventionnelle ou nucléaire, américains et soviétiques, lancés depuis le sol et ayant une portée se situant entre 500 et 5 500 km. Il est le premier traité à avoir éliminé totalement une catégorie d'armement. Il est ratifié par le Sénat des États-Unis le 27 mai 1988 et par l'URSS le lendemain. Il entre en vigueur le 1er juin 1988, sans limitation de durée. Mikhaïl Gorbatchev est en réalité conscient que la course aux armements n'est plus soutenable pour son pays.
- 17 décembre 1987 : Gustáv Husák démissionne de son poste de secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, mais reste président. Il est remplacé à la direction du Parti par Miloš Jakeš, un bureaucrate conservateur qui défend la politique stalinienne.
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