La civilisation sur le point de s’effondrer ?

Le mois d’août se prête à des méditations riches comme un désert d’ennui parsemé de quelques oasis d’idées émergeant tel un mirage dans une conscience détendue face à l’éternité du mouvement estival filmée par une docilité médiatique qui n’en fera pas un festival. Ainsi sombre l’ennui dans la chaleur d’un été chaque année de plus en plus insignifiant.
Cette année 2010 a vu se dessiner quelques catastrophes naturelles ayant marqué les esprits. La tempête Xynthia fut certes dévastatrice mais à une échelle limitée, sans commune mesure avec le séisme en Haïti puis les deux événements atmosphériques extrêmes que connaît le continent asiatique et est européen. Au Pakistan, des inondations comme le pays n’en a jamais connu, alors qu’en Russie, une canicule tout aussi exceptionnelle assomme ce pays avec les incendies de forêt. Autant dire que ces événements font réfléchir non sans susciter quelque sentiment apocalyptique. Ames sensibles s’abstenir. La réaction d’un pays face aux catastrophes naturelles marque le plus souvent l’état de son développement industriel. Les Etats-Unis ou le Japon ont les capacités pour rebâtir après un séisme de forte amplitude. Le Chili aussi, bien que le défi soit plus difficile à relever. Quant à Haïti, force est de supposer que ce pays, déjà miséreux, ne se relèvera pas de sitôt après le fléau qui l’a frappé. La Russie semble avoir également les moyens de reconstruire les villages partis en fumée, néanmoins, ces incendies laisseront des traces pendant une bonne décennie. La globalisation de l’information nous fait prendre conscience d’une planète aux pays inégalement développés. Vivre dans un pays industrialisé, sécurisé, pacifié, pas trop secoué par le climat, constitue un privilège sans égal. On se demande bien comment des gens habitués à un confort existentiel finissent par se pourrir la vie. Au Pakistan, peut-on parler d’existence pour ces quinze millions de personnes déplacées suite aux inondations et dont la préoccupation première est de survivre. Le Pakistan est plus développé que Haïti mais mettra des années à se relever de cette catastrophe, sans compter l’opportunité pour les talibans de se renforcer avec les moyens que l’on connaît.
Les catastrophes naturelles sont des fléaux dont on se relève souvent avec difficulté mais cela n’empêche pas les hommes de pourrir les situations en jouant de guerres civiles ou de conflits classiques avec comme spécialité récente la toute nouvelle guerre d’ingérence, menée par les Etats-Unis en Irak puis en Afghanistan. Deux pays où il ne fait pas bon vivre. C’est l’homme qui cette fois crée un climat pourri. Lors d’une catastrophe naturelle, il est préférable de ne pas croiser un arbre se déracinant ou se trouver face à une coulée de boue ou sous un immeuble s’écroulant. Dans un pays en guerre, il vaut mieux éviter les mines, ne pas se trouver près d’un kamikaze doté d’une ceinture d’explosif, ni croiser une balle, qu’elle soit perdue ou pas. Réjouissons-nous donc d’habiter en France, sans pour autant fermer les yeux sur le monde qui ne va pas très bien et dont les événements laissent penser que la course au progrès a peut-être trouvé ses limites. L’avenir ne reposant pas tant sur les innovations industrielles que sur le psychisme humain. Réfléchissons aux 60 millions de contrats passés en téléphonie mobile, presque un par habitant. Par contre, il reste des millions de mal (ou pas) logés mais l’industrie produits des véhicules de plus en plus luxueux et donc coûteux. Le blé augmente, l’électricité aussi, plus un tas de services essentiels, sans compter les impôts locaux et les loyers. Mais les salaires n’augmentent pas. Concluez par vous-même. Quelque chose ne fonctionne plus. Sans l’imagination de la raison et la raison du cœur, point de solutions aux défis qui nous attendent. 2010 aura-t-elle été l’année de la prise de conscience ?
Méfions-nous cependant des gourous climatiques. Il semble que des phénomènes naturels extrêmes augmentent en nombre et en intensité. Cela nous pouvons le constater et compter sur les Etats pour réparer les dégâts. Par contre, invoquer un dérèglement climatique lié au réchauffement reste une hypothèse et il y a pire. Ceux qui pensent qu’on peut réduire ces phénomènes et agir sur le climat nous font perdre notre temps et notre argent. Il faudrait les licencier de leur emploi dans les instituts, cela ne pourrait que rendre plus serein le climat ambiant. Le climat repose sur les lois de la physique statistique. C’est un phénomène entropique auquel s’ajoute l’entropie produite par l’homme. Entropie et anthropie. Nous ne savons pas si la sécheresse en Russie et les inondations sont influencées par l’activité humaine. Mais nous savons que ces phénomènes sont catastrophiques.
La perception du monde varie en fonction des périodes. Force est de constater que l’époque n’est plus à l’optimisme que les plus de cinquante ans ont connu dans les années 1970. Pourtant, à cette époque, nous vivions dans la perspective d’une possible destruction de la planète au cas où les deux blocs décident d’appuyer sur le bouton nucléaire. Néanmoins, cette option n’altérait pas le cours ambiant du monde car tant que l’arsenal dissuasif était sous contrôle, les affaires continuaient. A l’inverse, la situation économique en 2010 aux Etats-Unis ne semble plus être sous contrôle et si la destruction de la planète n’est plus à l’ordre du jour, certains analystes s’interrogent sur le devenir du pays de l’oncle Sam avec ses masses errantes, sans logement, sans emploi, se précipitant pour demander des formulaires d’aide. A voir cette foule de 30 000 Américains quémandant un bout de papier, on se met à imaginer les scènes de famine avec ces Somaliens attendant leur ration de riz. Quant à ces queues d’Américains attendant de pouvoir bénéficier de soins dentaires organisés par l’aide publique, elles évoquent l’ancienne Union soviétique et ses files d’attente pour quelques morceaux de viande.
Si l’on suit cette inquiétante analyse proposée par Dedefensa, les Etats-Unis, pays qu’on croyait inébranlable, capable de surmonter toutes les crises, eh bien ce pays serait en voie d’effondrement. Quant à notre vieille Europe, on dira en usant d’un euphémisme qu’elle n’est pas bien servie par ses dirigeants, surtout ceux d’Italie et de France. Le pays qui s’enorgueillit d’avoir inventé les droits de l’homme vient de promouvoir un racisme d’Etat par la voix de son président. Signe supplémentaire d’une mauvaise passe. Le débat philosophique est lancé. La civilisation moderne est-elle sur le chemin d’un lent effondrement ? Voilà une interrogation digne de mobiliser les esprits. Mais sans doute, est-il plus facile et juteux de jouer les inquisiteurs de la cause freudienne en allant fouiller les fonds de tiroirs de Sigmund. Après tout, la crise étant ce qu’elle est, rien n’interdit de faire des affaires. Tant que le système tient, tout ce qui est technique et répond à un besoin ou un désir est réalisable, avec quelque profit en perspective. Ensuite, la chute finale est envisageable. Il est des civilisations, celle des Mayas par exemple, qui ne se sont pas relevées. La civilisation moderne livre quelques signaux montrant qu’elle prend le chemin du chaos mais nul ne peut prédire l’avenir. Rome s’est transformée en s’effondrant. Quid de l’Occident après 2000 ?
Pour être honnête, la thèse d’un effondrement généralisée relève de l’eschatologie spéculative, empruntant quelques ressorts aux vieilles prophéties et autres gnoses millénaristes. Les conditions matérielles vont certainement changer, mais le système restera productif. Les sociétés amorceront sans doute quelques virages politiques, avec la crainte de dispositifs policiers très « agressifs », le tout adossé à une surveillance généralisée. L’homme s’est plus dévoilé comme un animal docile ou despotique que comme un sujet épris de liberté. L’ordre devrait régner sur les territoires, avec des zones problématiques, marquées par le non droit, la délinquance, la pauvreté, les trafics illicites. Le système fonctionne de manière absurde. Les fonds nécessaires pour aider le Pakistan sont équivalents à ce que coûte deux ou trois d’intervention militaire en Irak et en Afghanistan. La Russie souffre des incendies alors que les milliardaires russes emplissent les palaces. Le système est stupide.
Au bout du compte, les effets positifs du progrès semblent décliner et même le progrès en lui-même. Est-ce le progrès qui régresse ou bien notre perception d’un progrès continu ? Sans doute, si nous transformons nos règles d’évaluation, tant matérielles qu’axiologiques, nous verrions que le progrès suit non pas « sa course » mais peut emprunter un chemin que nous ne savons pas encore pratiquer avec une docte sérénité et une application déterminée.
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