La Commission pour les droits de l’homme, ou les aberrations de l’ONU
Au sein des nombreuses aberrations onusiennes, la Commission pour les droits de l’homme, manifestation ultime des contradictions qui caractérisent tant l’Organisation internationale, fait figure de héraut incontesté. Ce département, sensé observer la situation des droits élémentaires parmi les États membres, n’est en effet pas à un paradoxe près, en témoigne une partie proprement édifiante de sa composition actuelle : Soudan, Chine, Zimbabwe ou encore Arabie Saoudite. L’aporie était telle que Kofi Annan, secrétaire général des NU, avait reconnu il y a quelques mois la nécessité d’une réforme, rejoignant ainsi a priori la position des Etats-unis et de plusieurs autres démocraties.
Toutefois, il est rapidement apparu au cours des négociations, entamées le 6 février dernier, que ladite réforme, outre son caractère illusoire, aboutirait à une situation tout aussi défavorable pour les droits humains. La mouture finale du projet, présentée le 24 février, ne fait que confirmer la défaite de ces derniers face aux forces totalitaires représentées au sein de l’ONU.
La volonté américaine
d’imposer entre autres le respect des droits essentiels comme prérequis
à toute candidature, d’instaurer le vote aux 2/3 et de mettre en place
un système de surveillance mutuelle, a été contrecarrée par une
farouche opposition qui comprend la Malaisie, l’Egypte, l’Indonésie,
l’Iran, la Chine, Cuba ainsi que l’intégralité du Mouvement des pays non-alignés. Le régime castriste avait par ailleurs été autorisé à
jouer fréquemment un rôle d’interlocuteur, affirmant que le statu quo constituait une "approche neutre"
- comprendre inoffensive- pour les dictatures du globe. La théocratie
iranienne s’était quant à elle dite inquiète du fait que le substitut à
la commission "favoriserait
simplement l’atmosphère de soupçon et de crise de confiance qui a
affligé [...] le système entier durant les dernières décennies".
Rappelons qu’en 2002, le régime perse des Ayatollahs avait été dénoncé
par l’envoyé spécial des Nations unies pour ses violations des droits
de l’homme, envoyé qui s’était vu refuser l’entrée du pays durant les
six années précédentes. Quelle a été la réponse de la commission ?
Celle-ci a fait échouer la tentative d’une résolution condamnant les
dérives iraniennes et a purement et simplement supprimé le poste
d’envoyé spécial dans le pays, poste qui n’a, depuis, toujours pas été
réinstauré. On comprend donc aisément les aspirations dictatoriales au
maintien du statu quo.
Cette même opposition s’est néanmoins dite satisfaite de la version ultime du projet de création du nouvel organe onusien qui remplacera la Commission des droits de l’homme, pompeusement nommé Conseil des droits de l’homme. Il en ressort que son adoption constituerait un succès indéniable pour les régimes autoritaires du monde. Le projet final, présenté par le chef de l’Assemblée générale de l’ONU, Jan Eliasson, le 24 février dernier, est en effet une réforme illusoire et un échec de plus pour les droits de l’homme.
Tout d’abord, l’établissement de critères de sélection, ardemment défendu par les États-Unis, n’a bien sûr pas été retenu. Le nouveau texte stipule simplement que lors de leur vote, les États membres devront "prendre en considération" la situation dans les pays candidats. Concrètement, des pays tels que la Chine, l’Iran ou même le Soudan et la Côte d’Ivoire - actuellement sous le coup de sanctions pour violation des droits de l’homme - pourront se présenter et être élus.
Ensuite, certains mettent en avant le fait qu’un membre du Conseil pourra être destitué en cas de violation importante et continue des droits humains sous réserve d’un vote aux 2/3 de l’Assemblée générale. Sachant que cette dernière n’avait même pas pu atteindre la majorité simple l’année dernière lors du vote de sanctions à l’encontre du Soudan, coupable de nettoyage ethnique - 250 000 morts et plus de 3 millions de réfugiés -, l’on comprend aisément pourquoi aucune dictature n’a véritablement émis d’objection à l’institution de cette clause purement formelle et effectivement illusoire.
Des réunions extraordinaires pourront en outre être convoquées par un vote de 1/3 du Conseil. Si cette mesure a été applaudie, car permettant potentiellement d’agir rapidement en cas de situation humanitaire urgente par exemple, il est fort à parier que de telles sessions aborderont plutôt la question d’Israël et des États-Unis que celle du Soudan ou de la Chine. Rappelons que l’Empire du milieu, dont le mépris pour les droits élémentaires est légendaire, n’a jamais été la cible d’un seul avertissement de la part de la Commission depuis la création de cette dernière.
Il est également nécessaire de rappeler qu’Israël demeure le seul État à ne pouvoir postuler à une place au sein du Conseil ou assister à l’une de ses réunions. Ce qui est indéniablement anormal lorsqu’on sait que des États comme Cuba, la Corée du Nord ou encore la Libye en ont la possibilité.
Pour finir sur cet extrait de mesures inefficaces et/ou aberrantes, relevons l’ajout, sous la pression de l’Organisation de la Conférence islamique, d’un passage mettant l’accent sur la responsabilité plutôt que sur la liberté d’expression à la suite de l’affaire des caricatures danoises.
Les États-Unis sont donc actuellement isolés dans leur opposition à l’adoption d’un tel projet et ceci, au sein même du camp démocratique. La plupart des membres de l’Organisation des Nations unies ne souhaitent pas en effet prolonger les négociations, ou soutiennent activement, à l’image de dictatures telles que la Chine ou l’Iran, la création du nouveau Conseil.
Les espérances du secrétaire général Kofi Annan, qui souhaitait "voir un réel progrès sur la question des droits de l’homme", ont donc été déçues même si, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il n’est pas de cet avis et considère, conjointement avec le chef de l’Assemblée générale, que l’institution du Conseil constituerait une "réforme" et "un pas en avant" indéniables. M. Annan, dont le mandat arrivera bientôt à expiration, a en outre affirmé qu’un rejet du projet, peu probable en l’état actuel des choses, "minerait la crédibilité de l’organisation [...] et porterait un coup à la cause des droits de l’homme". A croire qu’une naïveté insondable est la condition sine qua non à l’accession au poste de secrétaire général.
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