La complexité de la Guerre en Ukraine. Le risque envisageable d’une Troisième Guerre mondiale nucléaire
Un bref rappel du discours sur l’état de l’Union de George Bush père adressé au Congrès le 6 mars 1991. « ... La guerre est finie. C'est une victoire pour tous les pays de la coalition, pour les Nations Unies (...) C'est une victoire de la loi et du droit (...) Saddam Hussein était l'agresseur, le Koweït la victime. Sont venues à l'aide de ce petit pays des nations de l'Amérique du Nord et de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique du Sud, de l'Afrique et du monde arabe, tous unis face à cette agression. Notre coalition hors du commun doit travailler maintenant dans un même but : préparer l'avenir (...)
Ce soir, laissez-moi définir quatre objectifs clés.
Premièrement nous devons travailler ensemble à mettre sur pied des accords de sécurité mutuelle dans la région. (...) Que nos amis et nos alliés sachent (...) que l'Amérique se tient prête à assurer la paix à leurs côtés. Cela ne signifie pas le stationnement de forces américaines terrestres dans la péninsule arabique, mais la participation à des exercices conjoints, terrestres et aériens, et la présence d'une force navale conséquente dans la région, comme ce fut le cas depuis 40 ans. Que ce soit clair : nos intérêts nationaux dépendent d'un Golfe stable et sûr.
Deuxièmement nous devons agir pour contrôler la prolifération des armes de destruction massive et les missiles utilisés pour les envoyer. (...) L'Irak requiert une vigilance particulière (...) et ne doit avoir aucun accès aux moyens de la guerre.
Troisièmement nous devons travailler à créer de nouvelles occasions pour assurer la paix et la stabilité au Moyen Orient (...). Et maintenant il devrait être évident pour toutes les parties que faire la paix au Moyen Orient exige des compromis. Une paix globale doit être fondée sur les résolutions 242 et 338 des Nations Unies et le principe de l'échange du territoire contre la paix. Il faut, en élaborant ce principe, garantir à Israël sécurité et reconnaissance et aux Palestiniens leurs légitimes droits politiques. Il est temps de mettre fin au conflit israélo-arabe. (...)
Quatrièmement, nous devons favoriser le développement économique pour le bien de la paix et du progrès. Le Golfe Persique et le Moyen Orient forment une région riche en ressources naturelles avec un potentiel humain riche mais inexploité. (...)
En atteignant ces quatre objectifs nous pouvons bâtir un cadre pour la paix. (...) Maintenant nous pouvons voir venir un nouveau monde. Un monde dans lequel il existe une véritable perspective de nouvel ordre mondial, (...) Un monde dans lequel les Nations Unies, libérées de l'impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les droits de l'homme sont respectés par toutes les nations. La guerre du Golfe est le premier test de ce monde nouveau... » (Extrait du discours de Georges Bush adressé au Congrès le 6 mars 1991.)
Or, que se passe-t-il aujourd’hui, après ces trente et un an de conflits et de guerres dans le monde, depuis ce discours historique de George Bush père ? Un Nouvel ordre mondial sous l’égide de la puissance américaine, marqué par une succession de guerres civiles, de conflits interétatiques, de révoltes sociales, de luttes pour l’autonomie et l’indépendance, des déchirements ethniques, des antagonismes confessionnels qui touchent le monde depuis 1991. Une hécatombe pour les peuples qui a fait plus de 10 millions de morts.
Aujourd’hui, ce qu’il y a d’étonnant, c’est que les guerres qui se passent au Moyen-Orient, ou des conflits interethniques dans d’autres parties du monde auxquels le monde a été habitué depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, touche aujourd’hui le premier allié des États-Unis, l’Europe, dans sa région orientale, en Ukraine. Pourtant l’Ukraine ne faisait pas partie de l’Otan mais elle était intimement intégré en partenariat avec l’Otan, dès qu’elle a recouvré son indépendance, suite à la dislocation de l’URSS. Ses liens avec l’Otan n’ont pas cessé de progresser.
Malgré la ferme opposition de la Russie à l’élargissement de l’Ukraine, les Occidentaux, passant outre, ont continué à travailler pour l’intégrer dans l’Organisation du traité de défense collective des pays occidentaux. Pour rappel, le Pacte Atlantique Nord (Otan), initialement composé de douze membres fondateurs, a été élargi en 1952 à la Grèce et à la Turquie, et en 1955 à l’Allemagne de l’Ouest, puis à l’Espagne en 1982. A partir de cette date, composé de 16 pays membres, tous de l’Europe de l’Ouest, y compris la Turquie à cheval entre l’Europe et l’Asie, trois pays de l’Europe de l’Est (Hongrie, Pologne, République tchèque) sont intégrés à l’Otan en 1999, qui passe à 19 ; en 2004, sept pays de l’Europe de l’Est (Bulgarie, Lettonie, Estonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) sont intégrés à l’Otan qui passe à 26 ; en 2009, l’Albanie et la Croatie sont intégrées ; en 2017, le Monténégro et en 2020 la Macédoine. L’Otan est constitué aujourd’hui de 30 pays membres.
Les deux pays auxquels la Russie s’opposait à leur intégration et qui constituait une « ligne rouge » à ne pas franchir par l’Occident étaient l’Ukraine et la Géorgie. La Chine aussi s’opposait à l’élargissement de l’Otan vers l’Est. Si, selon les médias, le président russe Vladimir Poutine avait déclaré, lors d’un sommet Otan-Russie en 2008, que si l’Ukraine rejoignait l’Otan, son pays pourrait envisager l’annexion de l’Ukraine orientale et de la Crimée, c’est chose faite en 2014. En effet, à l’occasion de la révolution ukrainienne dite révolution de Maïdan, la proclamation de l’indépendance de la République autonome de Crimée et le référendum pour son rattachement à la Russie, Moscou officialise son annexion le 18 mars 2014.
Tout de suite après les événements de Crimée, une guerre civile éclate dans la région du Donbass. Après deux référendums d’autodétermination le 11 mai 2014, les séparatistes pro-russes proclament l’indépendance de deux Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk. La guerre du Donbass débute à partir de cette date.
À l’annexion de la Crimée et au soutien aux séparatistes pro-russes, l’Occident a imposé des sanctions économiques à la Russie, en juillet 2014. Aux sanctions coordonnées par l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et ses autres Alliés, la Russie, en représailles, adopte des contre-sanctions à l’encontre des pays occidentaux.
Telle était la situation de guerre épisodique au Donbass, entre 2014 et 2021. La Russie cependant ne cessait de prévenir du danger que serait l’élargissement de l’Otan à l’Ukraine. Le président russe Vladimir Poutine a déclaré qu’un élargissement de l’Otan à l’Ukraine, qui amènerait à déployer des systèmes missiles pouvant toucher le territoire russe, comme ceux implantés en Pologne – les systèmes missiles et anti-missiles qui ont commencé à être installés en 2016 seront opérationnels en 2022 – et ceux déjà en service en Roumanie, constituerait une ligne rouge » à ne pas franchir. Il met en avant l’objectif stratégique central des États-Unis dans le déploiement de systèmes de missiles et anti-missiles dans le territoire de l’Ukraine, s’il venait à rejoindre l’Otan, qui vise à octroyer un « avantage stratégique majeur » en cas de guerre nucléaire. L’objectif stratégique des États-Unis était de réduire considérablement le temps de vol d’une arme nucléaire vers le camp adverse, et c’est la Russie qui est visée, en tant que première puissance nucléaire du monde, par le nombre d’ogives nucléaires et de missiles lanceurs qu’elle détient, et qui a des frontières avec l’Ukraine.
Selon, le président russe, un missile nucléaire mettrait sept à dix minutes pour atteindre Moscou, et cinq minutes pour une arme hypersonique. Et l’Otan ne prend pas en compte la demande russe, son secrétaire général Jens Stoltenberg a déclaré lors d’une interview, en décembre 2021 : « Je viens moi-même d'un petit pays frontalier de la Russie, et je suis très heureux que nos alliés de l'OTAN n'aient jamais respecté le fait que la Russie a le genre de droit d'établir une sphère d'influence dans le nord, en essayant de décider ce que la Norvège en tant que petit pays indépendant pays peut faire ou ne pas faire. Et c'est exactement la même chose pour l'Ukraine », a déclaré Stoltenberg.
Donc, cette idée que le soutien de l'OTAN à une nation souveraine est une provocation est tout simplement fausse. C'est pour respecter la souveraineté de la volonté du peuple ukrainien. Je pense donc que cela en dit plus sur la Russie que sur l'OTAN.
Seuls l’Ukraine et les 30 alliés décident quand l’Ukraine est prête à rejoindre l’Otan, la Russie n’a pas de veto, la Russie n’a pas son mot à dire, et la Russie n’a pas le droit d’établir une sphère d’influence pour essayer de contrôler ses voisins. » (1)
Devant deux positions contradictoires, tant russe qu’occidental, il faut comprendre ce qui en ressort exactement du problème des systèmes d’armes missiles et anti-missiles, sur le plan de l’équilibre de puissance, qui est l’objet du litige dans l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan. Et l’importance des temps de vol des missiles nucléaires balistiques et hypersoniques qui sont à moyenne portée, compte tenu de la distance qui sépare la Pologne et l’Ukraine de Moscou (800 à 1700 km), joue un rôle majeur dans la sécurité de la Russie. Ce qui explique pourquoi le pouvoir russe reste braqué sur cette question.
On peut se projeter sur une situation quelle qu’elle soit qui peut survenir, de guerre ou non, qu’un missile nucléaire soit lancé d’un pays de l’Europe de l’Est pour toucher Moscou. Postulons qu’un missile est lancé de l’Ukraine comme il peut l’être de la Pologne sur Moscou. Le président russe déclare que le missile nucléaire mettra 7 à 10 minutes pour toucher Moscou. Que se passera-t-il dans ces 10 minutes à Moscou ? Qui sera rasé par une explosion nucléaire à la fin de ce temps.
Le personnel du gouvernement russe que ce soit au Kremlin ou aux différents organes (ministères, directions centrales) aura-t-il le temps de se diriger vers les abris antiatomiques ? La population moscovite sera-t-elle prévenue pour se diriger vers les abris antiatomiques. A Moscou et dans plusieurs villes, les stations de métro sont très profondes et sont construites pour servir d’abris antiatomiques pour la population ? Depuis la guerre en Ukraine, l’Allemagne, la Belgique et d’autres pays d’Europe s’intéressent aux abris antiatomiques.
Il est clair que l’effet de surprise et le temps de vol extrêmement réduit feront que tout s’opèrera très vite à Moscou. La ville de Moscou, après 10 minutes, ressemblera à Hiroshima et Nagasaki surtout si la puissance de l’explosion nucléaire se mesure en mégatonnes de TNT. Comparativement à celles larguées au Japon de puissance de 20 kilotonnes de TNT, l’effet de l’explosion sur Moscou sera multiplié par 100, soit 100 bombes A si l’ogive lancée est de 2 mégatonnes de TNT. Il est certain que ce cas de frappe sur Moscou a déjà été étudié et développé par le pouvoir russe, et déjà prévu des postes de commandement en plusieurs points de la Russie pour apporter la « réponse nucléaire similaire » à l’Occident.
Dès que l’information et l’alerte donnée dans les minutes voire moins d’une heure qui suivront l’explosion, et donc la « neutralisation de Moscou » devenue effective, les postes de commandement qui prendront la relève de manière coordonnée conformément aux plans élaborés pour ce type de situation, mettront immédiatement à exécution les plans de riposte déjà préparés depuis longue date. Il est clair que toutes les capitales occidentales seront touchées dans les heures même qui suivent la nucléarisation de Moscou. On doit comprendre Londres, Paris, Berlin, Moscou, Bruxelles, Washington, New York et d’autres villes. Les capitales du Canada, de l’Australie et du Japon seront également touchées. Il faut relever que le « téléphone rouge » n’aura pas servi à arrêter la guerre puisque Moscou a cessé d’exister.
Toutes les villes russes seront aussi détruites. Une Troisième Guerre mondiale a tout simplement commencé et sans déclaration de guerre ; elle durera très peu de temps, de quelques heures à quelques jours.
La Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord seront-ils touchés ? Plus de cent millions de morts en un laps de temps très court, c’est comme si une apocalypse s’est abattue sur l’humanité, sauf qu’elle est provoquée par l’aveuglement dans la recherche de puissance des hommes. Un nuage radioactif entraînera un hiver nucléaire pour le monde ; toute l’humanité en paiera le prix.
On comprend dès lors que les déclarations du président russe ont toutes leur importance ; que l’enjeu est à l’échelle de la survie même de l’humanité ; l’Occident comme la Russie joue également son existence dans ce bras de fer avec la Russie ; le monde sera autre.
Aussi, lorsque l’on entend le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, le 10 janvier 2022, dire : « Nous voudrions que la formule adoptée par le sommet de Bucarest en 2008 soit retirée et remplacée au sommet de l'Otan à Madrid : « L'Ukraine et la Géorgie ne deviendront jamais membres de l'Alliance de l'Atlantique Nord », a déclaré Ryabkov.
Il a déclaré que dans les conditions de méfiance vis-à-vis de l'autre côté de la Russie, « des garanties concrètes renforcées et juridiquement significatives » sont nécessaires, ce qui, selon lui, est une question prioritaire de la sécurité nationale de la Russie.
Plus tôt, Ryabkov a également déclaré que « les risques de confrontation militaire ne doivent pas être sous-estimés » et que la partie américaine, refusant de ne pas élargir l'OTAN, sous-estime la gravité de la situation. » (2)
Il est évident que les demandes russes à l’Occident ne sont pas simplement des exigences ou des lignes rouges, elles relèvent d’un ordre existentiel tant pour la Russie que pour les États-Unis, l’Europe et le reste des puissances dans le monde. On comprend pourquoi Vladimir Poutine parlait de « guerre existentielle ». Comme on le lit dans une chronique, Le Devoir :
« L’idée d’une guerre « existentielle » entre l’Est et l’Ouest, menée par Moscou sur la ligne de crête qu’est l’Ukraine en 2022, est fondamentale pour comprendre ce qui motive Vladimir Poutine et ceux qui l’appuient.
Pour Poutine, l’Ukraine, ce n’est pas seulement une histoire d’alliances militaires, d’expansion occidentale, de menace américaine et d’OTAN diabolisée. Ça, c’est la stratégie, la géopolitique : important… mais il y a autre chose.
L’Ukraine, c’est aussi la ligne rouge, une ligne de défense capitale de la tradition russe, d’une certaine conception de la civilisation, contre l’envahissement par la « décadence » capitaliste et occidentale. […]
Cet affrontement « existentiel »… l’est-il aussi aux yeux des Occidentaux, ou de ceux et celles qui représentent l’Occident ? » (3)
Oui, l’Occident doit aussi se poser la question sur le côté existentiel de l’affrontement en cours en Ukraine. Le problème est que, lorsqu’on entend les déclarations du président Joe Biden, à Varsovie, le 26 mars 2022, il y a une non perception des dangers qui guettent l’Occident et le monde. Comme on le lit dans le NouvelObs : « Biden a réaffirmé ce samedi 26 mars à Varsovie que l’article 5 du traité de l’Otan, stipulant que l’attaque contre un pays membre est une attaque contre tous, constitue un « devoir sacré » pour les Etats-Unis.
Le président américain a donné cette assurance lors de son entretien avec le président polonais Andrzej Duda, dont le pays craint l’agressivité de Moscou après le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine. Il a ajouté : « vous pouvez compter là-dessus », avant de citer une ancienne maxime polonaise « pour notre liberté et la vôtre ».
Ce mot d’ordre remonte à une insurrection polonaise contre l’occupation par la Russie tsariste, lorsqu’il avait pour but de montrer aux Russes que le soulèvement devait aussi les libérer du despotisme des tsars.
Joe Biden a déclaré aussi que le président russe Vladimir Poutine « comptait sur une Otan divisée », mais que cette division ne s’est pas produite. De son côté, Andrzej Duda a affirmé que les relations polono-américaines étaient « florissantes » et seraient « immensément renforcées » par la visite de son invité, et enfin que son pays était un allié « sérieux » des Etats-Unis.
Il a évoqué la coopération à venir avec les entreprises américaines dans les projets de centrales nucléaires en Pologne et souhaité que les entreprises aéronautiques polonaises puissent participer à la fabrication des hélicoptères américains Black Hawk. » (4)
Mais, au point où en sont les choses entre l’Occident et la Russie sur la guerre en Ukraine, peut-on dire que l’Europe n’est pas divisée malgré les sanctions prises en commun ? On parle déjà en Europe d’Europe de puissance, d’augmentation des budgets d’armements notamment pour l’Allemagne. D’autre part, la Russie pour précisément cette question existentielle et comme l’a déclaré le président russe qu’avec des preuves avérées sur la cobelligérance d’un pays européen, membre de l’Otan, ce pays serait considéré comme « participant au conflit armé », et donc susceptible d’être l’objet d’une attaque russe.
Dès lors, si une telle situation arrive, qu’un pays de l’Otan, qui a des frontières avec l’Ukraine, soit touché par des missiles russes, quelle sera la réaction de l’Otan ? Appliquera-t-il l’article 5 du traité de l’Otan, comme l’a déclaré le président américain, à Varsovie, « que toute attaque contre un pays membre est une attaque contre tous, et donc constitue un « devoir sacré » pour les Etats-Unis » ? Tout d’abord, au-delà de la déclaration de Joe Biden, devant la réalité, il est certain que l’Otan ne pourra pas s’attaquer à la Russie à moins de déclencher une Troisième Guerre mondiale. D’autant plus que l’attaque russe contre un pays de l’Otan, frontalier avec l’Ukraine, ne pourrait s’opérer que s’il y a preuve de cobelligérance affirmée par Moscou.
Des condamnations en cascades vont fuser partout en Occident, mais les États-Unis et l’Europe seront obligés de reculer malgré l’article 5 du traité de défense collective des pays membres de l’Otan. Pourquoi ? Parce qu’une riposte de l’Otan ne serait pas une défense collective mais un suicide collectif. Et pourquoi alors a été acté le « principe de dissuasion nucléaire » ? Ce ne sont pas les puissances nucléaires qui l’ont acté mais l’arme nucléaire elle-même par ses destructions apocalyptiques qu’elle peut produire qui l’a acté. La Russie n’est pas la Corée du Nord, ni l’Inde ni le Pakistan ni la France ; en nombre d’ogives et de missiles porteurs, elle est la première puissance nucléaire du monde. Et même si elle était deuxième après les États-Unis, le nombre d’armes nucléaires est pratiquement équivalent.
Avec l’arme nucléaire, il n’y a pas de « devoir sacré » ni d’article 5 du traité de l’Otan, il y a un problème de survie. L’Otan ne peut être en aucun cas offensif, le Pacte de l’Atlantique Nord a été créé en 1949 pour avant tout prémunir l’Occident d’une attaque nucléaire. Et l’URSS avait fait le premier essai d’une bombe nucléaire la même année. Donc, l’Otan, une organisation avant tout défensive, ne peut être offensive comme il l’a été au Proche et Moyen-Orient, contre l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan… Mais contre la Russie, une puissance nucléaire à l’échelle mondiale, le rapport de force est tout autre, et surtout suicidaire si une partie rompt le consensus de dissuasion nucléaire.
Déjà avec l’Iran qui est au seuil nucléaire, seuil qui signifie que l’Iran peut du jour au lendemain, par des essais nucléaires, devenir une puissance nucléaire, a amené l’Occident à user de sanctions économiques et non de menaces de guerre. Israël, par exemple, a une peur « existentielle », compte tenu de l’exiguïté de son territoire, si l’Iran passe le seuil nucléaire.
Donc une riposte supposée de l’Otan contre la Russie en réponse aux représailles russes contre un pays membre qui provoquerait une Troisième Guerre mondiale ne sera en aucun cas une « défense sacrée collective des pays membres de l’Otan », mais plutôt un « suicide collectif de puissances à l’échelle mondiale ». Rien n’existera de puissance en Europe de l’Est, en Europe de l’Ouest, en Russie, aux États-Unis, et peut-être même en Chine, en Inde, au Pakistan…. L’Australie, le Japon seront certainement touchés en tant qu’alliés des États-Unis.
Le monde entier entrera dans un hiver nucléaire, on ne saurait ce qui passera après l’apocalypse et les radiations émises dans l’atmosphère terrestre. Que sera l’humanité ?
Donc, lorsque le président Vladimir Poutine a ordonné le quatrième jour de l’offensive russe contre l’Ukraine, le 27 février 2022, aux chefs des armées de « mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en régime spécial d'alerte au combat », ce n’est pour faire peur, mais simplement pour avertir l’Occident des conséquences qui pourraient résulter de leurs actions dans le conflit armé en Ukraine. Et on a vu, en réponse, les atermoiements de l’Occident quant à une aide en moyens lourds à l’armée ukrainienne.
Il est clair que l’objectif des États-Unis est de faire de l’Ukraine une plateforme pour l’implantation de systèmes missiles et anti-missiles du fait de sa proximité immédiate avec la Russie. Comme elle l’a fait en Pologne et en Roumanie. En fait qui souffle sur le feu ? N’est-ce pas les États-Unis et avec eux leurs alliés européens dont les deux puissances nucléaires, la France et la Grande-Bretagne, et les 30 pays moins trois qui suivent sans qu’ils ne sachent réellement où cette politique d’élargissement otanienne avec en elle les visées américaines risque de les mener.
Toujours est-il, de cette guerre sortira des surprises, non pas pour l’Ukraine dont le peuple, pris en otage, se trouve à payer un lourd tribu, en souffrances, en nombre de morts, de blessés et d’handicapés à vie, mais d’un nouvel ordre géostratégique qui est en train de se profiler, que, paradoxalement, l’Occident a lui-même provoqué. D’autre part, on peut comprendre pourquoi le président américain est allé à Varsovie, et tant de hautes personnalités occidentales, de ministres, de la Commissaire de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, au Premier ministre Britannique, Boris Johnson, qui défilent dans la capitale ukrainienne, pour rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelensky ? Le but certes est pour aider le président ukrainien et aider l’Ukraine face à la Russie, mais le pourront-ils ?
Ne serait-il pas plus juste que l’Occident regarde pragmatiquement la guerre qui se joue en Ukraine ? N’est-ce pas que l’Ukraine dépend aujourd’hui de tout de l’Occident ? Sur tout, tant sur le plan économique, le soutien financier, militaire en armements, médiatique à l’échelle mondiale que sur les sanctions économiques occidentales contre la Russie qui fusent par vagues jusqu’à la condamnation de l’invasion russe par l’Assemblée générale de l’ONU, la suspension de la Russie du Conseil des droits humains de l’ONU et son exclusion du Conseil de l’Europe.
Cette situation nous amène à dire que le poids de l’Europe et des États-Unis est prépondérant dans la résolution de la guerre en Ukraine. Ne reste-t-il pas pour l’Occident une alternative pour arrêter la guerre au regard des rapports des forces et des revendications par les parties en guerre ? A regarder seulement la position de la Russie face à l’Ukraine, qui, en tant que première ou deuxième puissance militaire et nucléaire mondiale, ne laisse aucune chance à l’Ukraine de remporter une victoire.
Ne perdons pas de vue que la Russie agit dans son propre immédiat, à ses frontières, et affirme une crainte existentielle qui est réelle au regard des systèmes d’armes défensives et offensives qui l’entourent dans les pays frontaliers. Pour l’Ukraine, elle ne demande que la « neutralité », qu’elle ne se transforme comme la Pologne en plateforme de systèmes de missiles et anti-missiles qui mettent en danger la sécurité de la Russie. N’est-ce pas une revendication de paix ? Ce sont des arguments de fonds et non pour donner raison à l’invasion russe.
D’autre part, à ses frontières, dans les territoires ukrainiens où vivent des russophones (d’origine russe) qui cherchent à se séparer du pouvoir central ukrainien et se rattacher à la Russie, doit-elle les abandonner ? Le bon sens est non, elle ne peut abandonner des russophones d’ethnie russe qui cherchent à être intégrés à la patrie russe.
Que la Russie s’oppose à l’Occident parce celui-ci mène une politique d’encerclement stratégique par des systèmes d’armes de missiles et d’anti-missiles auprès des pays de l’Europe de l’Est (de l’ex-aire d’influence soviétique) et met en péril la sécurité nationale de la Russie mais aussi la paix mondiale, et si on inversait les rôles, c’est l’Occident qui se trouverait encerclé par des systèmes de missiles et anti-missiles implantés dans des pays à ses frontières, n’aurait-il pas agi comme la Russie, en envahissant un de ses pays limitrophes pour instaurer une « neutralité nucléaire » ? Car, en fait c’est de la « neutralité nucléaire » qu’il s’agit et non de l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne. La Russie ne s’oppose pas à ce que l’Ukraine entre dans l’Union européenne. L’Occident aurait donc agi comme la Russie pour sa sécurité nationale.
Contrairement à l’Otan qui déploie des systèmes d’armes de missiles et anti-missiles aux frontières de la Russie pour avoir un avantage stratégique sur elle. Et cet avantage stratégique peut amener à une Troisième Guerre mondiale. Où ce n’est pas l’Ukraine en guerre mais le monde entier sera en guerre, et non une guerre conventionnelle mais nucléaire donc apocalyptique.
La souffrance indicible du peuple ukrainien qui souffre pour absolument pour rien dans cette guerre, et on a beau revendiquer pour lui des référendums pour la neutralité ou pour des territoires qui veulent se séparer de la souveraineté nationale, un peuple qui souffre dans sa chair et sait qu’il ne peut contraindre sinon à subir la mort, la souffrance et la guerre pour servir ce qu’on veut lui assigner de défendre, à son corps défendant, des objectifs stratégiques de l’Occident qui le dépassent et surtout sont vains.
Plus grave encore ces objectifs stratégiques américains mettent la nation et le peuple en danger, et c’est ce qui est arrivé avec l’invasion russe. Le peuple ukrainien est en train de payer pour les autres puissances qui l’ont mis dans cette situation en le programmant comme un « poste avancé » à l’instar de la Pologne qui a peur aujourd’hui des systèmes d’armes de missiles et anti-missiles qui se trouvent sur son territoire, et sait qu’ils sont déjà dans le viseur des missiles nucléaires tactiques russes.
Le président polonais, lors de la visite du président américain à Varsovie, ne s’est-il pas ouvert à Joe Biden sur le risque d’une attaque russe sur son territoire. Quelle réponse lui a été donnée ? « Le président américain a donné cette assurance lors de son entretien avec le président polonais Andrzej Duda, dont le pays craint l’agressivité de Moscou après le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine. Il a ajouté : « vous pouvez compter là-dessus », avant de citer une ancienne maxime polonaise « pour notre liberté et la vôtre ». [..] L’attaque contre un pays membre est une attaque contre tous, constitue un « devoir sacré » pour les Etats-Unis. » (4)
Ce qui signifie que si la Russie lance des frappes de missiles pour détruire le site en Pologne où sont implantés les systèmes d’armes américains, c’est soit se diriger vers une Troisième Guerre mondiale à cause d’une attaque missile russe et donc l’apocalypse nucléaire pour le monde soit reculer face à la Russie. Et les États-Unis évidemment reculeront pour éviter la fin des États-Unis et du monde. Quant à la Pologne, si cette situation vienne réellement à exister, qu’elle en subisse les conséquences, il est clair qu’elle arrêtera l’exploitation de ce système d’armes et exigera des États-Unis son retrait.
Ce qu’ici nous postulons en possibilité d’un événement qui peut arriver est déjà étudié en profondeur dans les états-majors de l’armée russe, avec tous les cas de figure conjecturés, et l’issue ou les issues qui peut ou peuvent en ressortir. La question de l’armement nucléaire est un problème non seulement sensible mais existentiel pour les grandes puissances.
Que l’Occident qui ne peut atteindre le camp adverse et veut les faire endosser à des pays tiers, en l’occurrence aux pays de l’Europe de l’Est, qui sont frontaliers avec la Russie, a des limites. La guerre en Ukraine montrera certainement l’« anti-rationalité » de la stratégie américaine et certainement fera, dans les années à venir, sentir l’aberration de ces systèmes d’armes qui ne peuvent que mettre en danger les relations entre les puissances nucléaires mais aussi la sécurité mondiale. Pour cause, les fonctionnements de ces systèmes relevant de plusieurs centres distants géographiquement sur terre, air et mer et qui travaillent en réseau sont très complexes et peuvent échapper à l’homme. Leur fonctionnement global s’opère comme suit.
Connecté à un réseau satellitaire (lanceurs d’alertes), en lien avec des radars navals et terrestres, mû par des logiciels complexes qui calculent avec une grande précision la trajectoire balistique de ou des ogive (s) ennemies, détachée (s) du missile lanceur, définissant exactement la ou les cible (s) visée (s) dans la minute qui suit pour les transmettre au sol, en vue de leur interception immédiate, et la réponse immédiate à l’ennemi par un missile nucléaire balistique, où le temps de vol doit être le plus court possible (selon l’emplacement géographique du site du système missile le plus proche de l’adversaire) nous font dire que le progrès technologique fou de ces systèmes d’armes, entièrement automatisés, où l’action de l’homme pour arrêter le processus pourrait être entièrement absente, du fait de l’extrême temps de vol de quelques minutes, ne pourront que mener le monde vers la destruction. En clair, une guerre nucléaire peut ne pas être une vue de l’esprit, mais réellement envisageable et mener le monde vers l’apocalypse.
Aussi peut-on dire, s’il y a prise de conscience des dangers qui guettent le monde, l’Occident peut se rattraper et, par des réponses pragmatiques et pacifiques aux doléances tout à fait légitimes de la Russie, en orientant la partie ukrainienne dans ses négociations avec la Russie, peut mettre fin à la guerre. Les blessures de guerre et les sanctions pourraient progressivement se réparer, et le monde aller vers plus de sécurité.
Sinon l’aveuglement de l’Occident ne le mènera nulle part, qu’à d’autres souffrances inutiles, vaines pour le peuple ukrainien et pour d’autres peuples. L’histoire de l’humanité ne s’arrêtera pas, elle continuera son chemin et c’est au Tribunal de l’Histoire qui jugera entre les puissances ; la rétribution ne sera alors qu’à la juste valeur de leurs actes.
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
Notes :
1. NATO chief : “Russia has no right to establish a sphere of influence” Par axios.com Dec 1, 2021
https://www.axios.com/nato-russia-ukraine-invasion-18619fd7-be80-4d37-86f8-fcebcb1fbe8a.html
2. У РФ хочуть замінити « формулу » про нерозширення НАТО на мадридському саміті 10.01.2022
https://www.ukrinform.ua/rubric-world/3382779-u-rf-hocut-zaminiti-formulu-pro-nerozsirenna-nato-na-madridskomu-samiti.html
3. « Une guerre existentielle », par Le Devoir. Le 14 mars 2022
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/685641/une-guerre-existentielle
4. « Joe Biden réaffirme que l’article 5 de l’Otan est « un devoir sacré » pour les Etats-Unis », par le NouvelObs. Le 26 mars 2022
https://www.nouvelobs.com/guerre-en-ukraine/20220326.OBS56226/joe-biden-reaffirme-que-l-article-5-de-l-otan-est-un-devoir-sacre-pour-les-etats-unis.html
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