La COVIDélation une spécificité de la Nouvelle-Zélande pas encore française
A distance respectable, je croisais mon voisin qui rentrait de sa sortie journalière autorisée d’une heure. Prêt à se faufiler par la porte de son jardin pour éviter toute proximité inutile, il m’a laissé le temps de le saluer, et quand je m’apprêtais à me promener à mon tour, il ressorti la tête et se pencha pour me glisser un commentaire qui semblait un tracas :
- « Vous savez, pour les confinés en prison la promenade est le lieu de tous les dangers, là-bas c’est la loi du plus fort. Ici le danger, ce sont des hors-la-loi inconscients qui nous menacent ! »
Etonné, je lui demandais de m’en dire un peu plus.
- « Vous avez vu dans la rue au n°22, les voitures et les motos rassemblées comme leurs jeunes propriétaires dans le jardin pour un apéro musical ? »
« En effet, le confinement est élastique pour certains. Je l’ai entendu dire pour quelques endroits ailleurs aussi » lui répondis-je.
- « Il faudrait pouvoir les dénoncer comme en Nouvelle-Zélande où une plateforme a recueilli plus de 4000 appels en 24h. Ils sont cinq millions et un seul décès au 30 mars. Vous voyez ça marche !! En France 30% des français l’envisageraient. »
Je l’interrompais sans y avoir réfléchi davantage.
- « Je ne crois pas que nous soyons prêts, les descendants de Juda ont toujours eu du mal à exister dans notre pays. Vous voyez, la majorité rechigne ».
A peine ma phrase prononcée, son argument fusait.
- « Détrompez-vous, il y aurait de bonnes raisons à cela. Si habituellement la délation n’a pas trouvé sa place dans notre société c’est parce que la cause lui manquait. »
Son œil pétillait, il voulait développer.
- « Imaginez. Un des récalcitrants du 22 répand son virus à son entourage et dans quelques jours, plusieurs se retrouvent à attendre aux urgences encombrées de l’hôpital. En même temps, une respectueuse personne moins jeune, caissière, atteinte dans l’exécution de son métier au profit de la société, attend également. Les services sont débordés, et comme en Italie le médecin doit choisir entre un de ces jeunes du 22 ou la personne plus âgée. Qui croyez-vous qu’il soignera ? »
Je n’osais pas la lui donner la réponse qui me venait à l’esprit.
- « Nous sommes d’accord » enchaina-t-il.
Je croyais en rester là mais il voulait me livrer ce qui était sûrement la réflexion qui suivit son énervement causé par l’incivisme de la réunion du 22.
- « De quoi croyez-vous que cette brave dame décèdera, du virus ou de l’inconséquence du 22 ? Croyez-vous que le médecin aurait pris la même décision s’il avait été informé des fanfaronnades incrédules de l’équipe du 22 ? »
Il me voyait gêné, bousculé par son argument avec une réflexion moins mature que la sienne. Après être descendu d’un ton, il continuait.
- « Croyez-vous que les néozélandais soit moins respectables que nous ? N’ont-ils pas les mêmes scrupules que nous ? Nous avons la même éducation occidentale et pourtant ils n’hésitent pas. »
Pendant qu’il voyait mon embarras, il préparait la suite de ce qu’il voulait me dire.
- « Peut-être y aurait-il une autre solution. Que diriez-vous d’informer les auteurs d’une infraction aux conditions prévues par l’attestation de sortie, sur les conséquences qu’il y aurait pour eux à perdre leur droit à priorité de soins en cas de débordement des hôpitaux ? Cette information dégagerait le cas échéant, les médecins d’une charge supplémentaire, pour leur conscience. »
Sans arguments pour continuer cette conversation impromptue, je lui promettais d’y réfléchir en lui souhaitant un bon confinement.
Chemin faisant, je me demandais quel pouvait-être le comportement des dizaines de millions d’américains qui n’ont pas de couverture médicale.
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