La crise économique de 2008, pendante à la crise-mère de 1929 ? L’« Herméneutique de l’argent dans l’Histoire » ?
Important : L’article précédent paru le 14 avril 2014, sous le titre « La particularité de la crise de 1929 par rapport à la crise de 2008. Une crise économique-mère dans l’« Herméneutique de l’argent dans l’Histoire » » et qui a suscité certaines incompréhensions des agoranautes a été remanié pour expliciter la « phénoménologie de l’argent et des crises » dans l’évolution de l’humanité. En espérant qu’il suscite l’adhésion des intelligences des phénomènes monétaires et leurs réponses dans le développement du monde.
On a tant écrit sur la crise de 1929 que son sujet n’apporte que peu de chose à ce qui était dit, décortiqué, analysé. Combien d’économistes, de banquiers, d’universitaires se sont penchés sur cette crise, combien de milliers de livres et d’articles ont été publiés et pourtant aujourd’hui même, et souvent lors des grandes crises, la crise de 1929 revient d’actualité. Et toutes les sciences économiques et financières ne sont pas arrivées à épuiser le sujet. Un sujet qui non seulement historiquement revêt une importance particulière dans l’évolution de l’humanité mais a été la clé de voûte dans la transformation du monde.
La crise de 1929 n’a pas été seulement la plus grave une crise économique que l’humanité ait connue, dépassant de loin les crises qui ont suivi, dont les crises monétaires et pétrolières des années 1970, des années 1980, 1990 et la dernière, la crise de 2007-2008. Il n’y a aucune comparaison possible entre la crise de 1929 et les crises qui ont suivi. Certes les crises contemporaines ont joué un rôle considérable dans le développement du monde, mais la « crise de 1929 » a été exceptionnelle. Doit-on dès lors l’affubler de « crise des crises », ou de « crise-mère » ? Il est évident que ce n’est là qu’une question de sémantique. Toute crise joue un rôle historique dans l’histoire. Sauf que la crise de 1929 a eu un bien plus grand rôle, elle a été un des moteurs de l’histoire, on peut même dire que ce moteur a été central dans l’accouchement du monde d’aujourd’hui. Une crise qui n’est pas sortie ex nihilo mais était déjà « comptabilisée par l’Histoire », par « le tribunal du monde ». Et l’homme n’en savait rien ! Comment comprendre alors que cette crise, malgré nos contradictions, peut être assimilée quand même à une « crise-mère », à la « crise des crises » qui a donné cette humanité d’aujourd’hui ? Qu’elle n’est pas sortie ex nihilo, et si elle a pris au dépourvu les puissances occidentales qui régnaient, à cette époque, sur l’ordre du monde, cela a été par méconnaissance du sens des crises. Pour comprendre, faisons parler l’Histoire !
- La crise avant 1929. Le phénomène de l’argent dans sa « fonction de véhicule de richesses »
Les années 1920 étaient mauvaises en Europe suite aux destructions engendrées durant le Premier Conflit mondial, alors qu’aux États-Unis, elles étaient merveilleuses. Le chômage était très faible : l’emploi, la production, les salaires et les profits augmentaient régulièrement d’année en année. Quant à l’Europe, la situation était difficile surtout pour l’Allemagne et la Grande-Bretagne, la première se remettait difficilement de la défaite d’autant plus que son économie était tournée vers la guerre et les sanctions du traité de Versailles (juin 1919) stipulaient la démilitarisation, la seconde par les erreurs de la Grande-Bretagne dans sa tentative de retour de la livre à l’étalon-or, à la valeur d’avant 1914 – décision prise par le chancelier de l’Echiquier Winston Churchill - ce qui a nui fortement aux exportations britanniques, qui se sont traduites par une augmentation du chômage, une réduction des salaires…
On a vu ce qui s’est passé en Allemagne, suite à l’occupation de la Ruhr par la France pour obliger les Allemands à rembourser les réparations liées aux destructions de guerre sur le territoire français, ce qui n’est que justice quand ce pays se trouve lui-même confronté aux problèmes politiques, économiques et sociaux. Par conséquent l’Allemagne devait payer, mais le problème est que l’Allemagne elle-même ne pouvait pas payer puisque tout lui a été confisqué. Les colonies, la démilitarisation donc une économie exsangue puisque son industrie tournée vers la guerre devait se reconvertir dans les réalisations civiles et non plus militaires. Et pour rembourser, elle devait disposer d’un excédent commercial ce qui lui était impossible dans la situation qu’elle avait été dans l’après-guerre. Une situation difficile pour toutes les puissances européennes.
Le recours à la « planche à billet » par le nouveau gouvernement allemand ne surprend pas, c’était le seul moyen pour s’en sortir et financer son économie par les émissions monétaires Quant au remboursement, il était impossible pour la France. L’Allemagne n’avait pas de contreparties-or pour ses émissions monétaires. L’hyperinflation qui a été un mal nécessaire a obligé à la fois les États-Unis et la Grande-Bretagne à réagir. La propagande communiste menaçait la jeune république de Weimar. Les prix des denrées étaient montés au sommet. Comme on l’a dit dans notre précédent article, l’indice des prix était multiplié par plus d’un milliard. Le dollar qui s’échangeait contre 7 200 marks en janvier 1923 valait 130 milliards en novembre.
Il était évident que ni les États-Unis ni la Grande Bretagne, devant cette situation menaçante, n’avaient le choix. Ils étaient « sommés » de prendre toutes les mesures économiques et financières urgentes pour sauver l’Allemagne de ce péril. Comme on l’a déjà dit, un péril qui était bien plus grand que ne l’étaient les réparations de guerre envers la France. L’Allemagne présentait tous les risques avec la montée en puissance du parti communiste K.P.D. de passer sous régime communiste. Le « feu communiste » montait et risquait de prendre dans le pays le plus puissant d’Europe. D’autant plus que le 30 décembre 1922 fut proclamé l’Union des républiques socialistes soviétiques (U.R.S.S.) – une fédération regroupant la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la République fédérative socialiste soviétique de Transcaucasie. Que seraient la France et la Grande-Bretagne si l’Allemagne devenait communiste ? Le cœur de l’Europe serait communiste. Que pourrait-on dire, sinon adieu la France et la Grande-Bretagne libérale. Impossible pour ces deux pays de faire face aux trois-quarts d’une Europe communiste.
Ce danger a amené les États-Unis à mettre en application le plan Dawes qui permit à l’Allemagne de lancer des emprunts sur les marchés internationaux, à l’époque les seuls marchés nantis étaient anglais et surtout américains. On peut même dire essentiellement américains car c’était la seule puissance occidentale qui n’a pas souffert sur le plan économique. Bien plus, la machine économique américaine battait son plein à cette époque, et le « plan Dawes » est venu à point nommé jouer comme « stimulant » à l’économie américaine. L’Europe en détresse constituait ainsi une « formidable locomotive » pour l’économie américaine.
Déjà, durant la guerre, l’endettement des pays d’Europe en guerre a dopé l’économie américaine, la crise de 1923 en Europe vient donc encore maintenir la croissance américaine. Pour ce plan de soutien à l’économie européenne, Charles Dawes reçut un prix Nobel de la paix en 1925.
Ce qu’il faudrait comprendre dans ses échanges économiques et financiers, ce n’est pas l’argent en lui-même qui est important dans les phénomènes qui jouent dans la croissance économique d’un pays. L’argent est certes important, mais c’est ce qu’on peut faire de cet argent qui est important.
On peut penser que les États-Unis ne doivent pas aider l’Europe qui était insolvable, cette opinion est fausse. En réalité l’argent n’est qu’un « véhicule des forces, un véhicule de transmission de richesses ». En adoptant le plan Dawes et en permettant à l’Allemagne de lancer des emprunts sur les marchés, ceux-ci dont une partie finance l’économie allemande et l’autre partie couvre des montants des réparations de guerre pour la France permettent aussi à l’économie américaine d’en profiter. Grâce à ses emprunts, l’Allemagne et la France importent équipements, matières premières et produits agricoles des États-Unis, qui sont devenus, par la force des choses, la première puissance économique du monde. Ces deux pays viennent renforcer l’Europe dans sa fonction de « locomotive » pour l’économie américaine.
Il y a donc un lien de causes à effets positif dans le soutien américain à l’Allemagne. On peut même dire un lien triplement positif puisque le soutien américain permet à la fois de financer l’Europe via l’Allemagne, et donc permettre à son économie de croître ou à défaut d’éviter une décroissance économique qui va impacter l’emploi américain et se traduire par une hausse du chômage, deuxièmement amener à une stabilisation de l’économie européenne dont l’Allemagne et la France, et enfin troisièmement, par cette embellie économique, repousser tout péril communiste. Et tous ces phénomènes le doivent au phénomène de l’argent dans sa fonction « herméneutique » de l’histoire.
- La hausse inconvenante des actions à Wall Street. Le miracle de l’argentd’« être ou ne pas être »
Que peut-on dire de ces années après-première guerre mondiale ? Que tout compte fait les problèmes malgré les heurts des uns et des autres ont été résolus. Mais la situation va évoluer. Comme on a dit, l’argent provenant des États-Unis se répandit en Allemagne, une partie passa de l’Allemagne en France et dans une moindre mesure en Grande-Bretagne. Une fraction des fonds qui vinrent en France retournèrent en Amérique en remboursement des dettes françaises. En 1928, les sorties de capitaux américains vers l’Allemagne diminuèrent fortement, parce que les Américains estimèrent qu’il était désormais beaucoup plus rentable d’investir dans leur propre Bourse des valeurs, alors en pleine expansion. Après le krach de 1929, cette baisse s’accentua encore et l’industrie allemande se retrouva sans les fonds nécessaires. L’investissement tomba et l’activité économique tout entière commença à se réduire.
Comment comprendre ce changement de situation aux États-Unis, et la crise qui a surgi le « jeudi noir » du 24 octobre 1929 ? On ne peut pas penser que l’« argent américain » est retourné sans raison aux États-Unis pour la seule raison que la hausse des valeurs boursières était plus attractive. La première question que l’on pourrait poser est « pourquoi l’Europe de locomotive » pour les États-Unis est devenue « inintéressante ». Et pourquoi ce désintéressement est allé de pair avec la hausse des valeurs boursières de Wall Street. Il y a forcément des explications logiques. Et comme on l’a dit, l’argent n’est qu’un véhicule porteur de richesses ou libellé d’une valeur estimée et estimable. Par conséquent, ce n’est pas l’argent en lui-même dans sa « fonction véritable » de véhicule de richesse qui a causé la crise, mais une situation historique et son mauvais usage qui ont été le déclencheur de la crise. Dès lors pour comprendre, il faut procéder par étapes.
Tout d’abord, l’argent octroyé ou « prêté » par les Américains aux pays d’Europe n’a pour objectif que de reconstruire les économies européennes via des importations massives de produits américains. Il est évident que reconstruction ne signifie pas pour l’Europe dépendance. La France, l’Allemagne et l’Angleterre sont de grandes puissances économiques. Leur dépendance vis-à-vis de l’Amérique n’est que conjoncturelle et relève essentiellement des destructions et de l’endettement qui a suivi vis-à-vis des États-Unis. Par conséquent, en tant que grandes puissances dans le monde, leur reconstruction a certainement été menée en rythme accéléré, ce qui les a de plus en plus libérées de leur dépendance des importations massives américaines. D’autant plus que la France et la Grande-Bretagne étaient, à l’époque, de grandes puissances coloniales. Forcément, l’Europe devenait à terme inintéressante pour l’industrie américaine. Comme on peut dire l’Europe commençait à voler de ses propres ailes. Mais voler de ses propres ailes avait un impact négatif sur l’économie américaine.
Que s’est-il passé en Amérique ? Et pourquoi la crise de 1929 a surgi, pris au dépourvu les grandes puissances et surtout remet de nouveau à plat la situation mondiale sur tous les plans ? Et par plans, on ne prend pas seulement les volets économiques et financiers entre les grandes puissances. Et c’est là qu’entre d’emblée l’« herméneutique de l’histoire » !
Il est évident que les autorités monétaires n’entendent pas parler d’« herméneutique de l’argent » qui lui-même a « essence avec l’Histoire ». Justement, les décideurs de la Fed américaine, i.e. la Banque centrale américaine constituée de ses douze banques, et dont le rôle est surtout de favoriser la croissance américaine, n’ont pas lésiné sur les émissions monétaires pour doper l’économie américaine. Prenant compte de cette décélération de l’industrie américaine, vu que les pays d’Europe non seulement importent moins des États-Unis mais se trouvent leurs concurrents sur le marché mondial, les autorités monétaires n’ont pas mis de « garde-fous » pour limiter la « hausse inconvenante » des actions à Wall Street, qui progressivement allaient atteindre des sommets. Les entreprises économiques qui n’arrivaient pas à écouler leurs marchandises s’alimentaient en argent frais en bourse mais en monnaie virtuelle. Les petits porteurs comme les banques s’endettaient, sous le regard placide des décideurs « monétaires » américains. Pourquoi le terme « placide » pour qualifier le comportement des responsables de la FED, parce qu’il faut être à leur place pour comprendre. Il est évident qu’ils ont espéré un miracle pour que l’économie américaine se retourne et reprend le chemin de la croissance. Jusqu’à la dernière minute, ils l’ont espérée et, évidemment, ils ont commencé à augmenter les taux d’intérêt et à diminuer les injections monétaires. Ils ont toujours espéré que la consommation américaine reprenne le dessus, et ont tant injecté d’argent que cet argent n’a pas répondu à leurs vœux sinon à doper artificiellement le marché des actions. Le système a débouché sur des valeurs fausses, virtuelles. Un truquage sans être réellement un truquage.
Mais le débouclage de la ceinture monétaire n’a pas concerné uniquement la Fed mais aussi les banques de dépôt et d’affaires. Ces banques prêtaient à tout va comme si l’argent qu’ils n’avaient pas leur brûlait les mains. Et effectivement ils prêtaient à tout va sans couverture de contreparties réelles (d’or…). Comme d’ailleurs la Fed qui créait de l’ « argent qu’elle n’avait pas ». Et c’est le miracle de « l’argent d’être ou ne pas être », via le « bouclage puis le serrage monétaire », qui va faire son effet et provoquer la crise du siècle. Et ce miracle comme l’a démontré la crise de 1929 aura été chèrement payé par l’Amérique et le monde entier.
- Le déficit de l’« absorption mondiale » dans la crise de 1929
Evidemment, l’explication ne s’arrête pas là. Les décideurs de la Fed avaient-ils raison d’espérer que l’économie pourrait repartir ? Tout porte à le croire, sinon il n’y aurait pas eu d’injections massives et au bout du compte, la crise. Ils ont espéré que les entreprises économiques déstockent leurs marchandises. Mais comment déstocker des millions de produits et d’équipements et des millions de tonnes de matières premières et produits agricoles, des produits en tout genre quand il faut se rappeler que l’industrie d’une Amérique dans toute sa puissance à l’époque, tournait à plein régime et suppléait aux besoins de l’Europe en guerre et post-guerre et à la population mondiale, et ce pendant des années.
Il faut souligner un problème important qui a joué dans la crise de 1929. En effet, après le rééquilibrage de l’Europe avec les États-Unis entre 1927 et 1928, celle-ci est devenue un concurrent sérieux pour l’Amérique, et le monde s’est trouvé inondé de produits manufacturés occidentaux, de produits de bases agricoles… Mais qui a profité de ces équipements et produits manufacturés, en réalité ? Les peuples d’Afrique ? Les peuples d’Asie ? Les peuples d’Amérique du Sud ? Ces peuples comptaient pour les « Trois-quarts de l’humanité », mais étaient « Colonisés ! Dominés ! ». Ils ne comptaient pratiquement rien dans la « Consommation mondiale ». C’est à peine s’ils existaient. Exploités outrageusement et toute rébellion était écrasée dans le sang, les richesses extraites ou produites par les indigènes, les noirs africains, les arabes, les indochinois… étaient acheminées vers les métropoles des grandes puissances. Et on comprend pourquoi, à l’époque ,il y avait un décalage entre l’offre et la demande mondiale. Les productions occidentales ne pouvaient pas être toutes « absorbées », une grande partie du monde ne comptait pas dans l’« absorption mondiale ». Surtout avec les méthodes et moyens modernes de productions qui avaient fortement évolué dans le premier tiers du siècle précédent (taylorisme, économie d’échelle, chaîne de fabrication et de montage dans les usines, etc.). C’est ainsi que la production américaine a été fantastique, et le retour de manivelle aussi fantastique, sans appel.
Un cas de figure aurait pu exister si on avait attribué à chaque américain deux ou trois frigos, une ou deux voitures, des kilo de viandes, de café et de céréales par jour, etc., et même avec cette situation, l’économie américaine ne pourrait pas repartir puisque l’argent ne pourrait remplir sa « fonction de véhicule de richesse ». Il est clair que ni la demande américaine, ni la demande européenne ni la demande mondiale « hors-occident » qui était « minimale voire nulle par rapport aux richesses produites par les colonies » ne pouvaient s’ajuster à l’offre de richesses des États-Unis et d’Europe. Il y avait donc un problème de déficit dans l’« absorption mondiale ». L’« herméneutique de l’argent » montrait une discordance entre la demande et l’offre mondiale. Et on ne peut jouer avec l’argent, il brûle quiconque s’en sert mal.
Le stratagème utilisé par les autorités monétaires de la Fed a été de créer une illusion de création de richesse en 1929 en injectant massivement de l’argent crée à partir de rien (suivi par le système bancaire américain), pour doper les valeurs boursières, ce qui donnait un effet de richesse aux entreprises industrielles et aux millions de petits porteurs américains qui n’ont rien vu de l’artifice monétaire, de la tromperie par le haut. Le même scénario de 1929 s’est reproduit dans les années 2000. Et la crise immobilière et financière que nous connaissons et qui a éclaté en 2008 avec les « subprimes », les fameuses créances hypothécaires qui ne valaient rien (irrécouvrables à cette époque) et vendues aux millions d’investisseurs aux États-Unis et dans le monde.
En 1929, c’était le marché des actions qui était touché, et il représentait l’essentiel de l’économie américaine, à cette époque. Les décideurs monétaires américains de la Réserve fédérale américaine caressaient de vaines chimères en croyant que l’économie allait se retourner et repartir vers la croissance. Mais il n’y avait aucune issue.
Aujourd’hui les économistes occidentaux ne disent pas la vérité sur ce qui s’est passé réellement en 1929. Impossible de croire qu’ils n’ont pas analysé le problème de l’« absorption mondiale » à cette époque. Et s’ils ne le disent pas, c’est peut-être par pudeur compte tenu qu’une grande partie de l’humanité qui était colonisé ou sous tutelle manquait à l’appel de la « demande mondiale ». Contrairement à aujourd’hui.
Précisément, c’est cette formidable force qui existe dans l’« argent » qui va, via la crise de 1929, changer le cours de l’histoire. Beaucoup d’économistes, et même des prix Nobel en économie, ont reproché à la Réserve fédérale d’avoir tardé de détendre le loyer de l’argent, ou de n’avoir pas injecté suffisamment d’argent. Il est évident que c’est facile d’émettre de telles propositions mais dans les faits, ces propositions sont irréelles sinon à relancer de nouveau la bulle financière. La demande était au point mort, on jetait des millions de tonnes de produits industriels, des produits agricoles à la mer. 75% de l’industrie américaine était à l’arrêt entre 1929 et 1933. On dénombre 12 millions de chômeurs aux Etats-Unis, 6 millions en Allemagne et 3 millions en Grande-Bretagne. La question qui se posait à l’époque « créer des richesses pour qui ? » puisqu’on jetait des richesses à la mer.
- La crise de 1929 diffère dans son « essence » de la crise de 2008
Pourquoi la crise en 2008 n’a pas eu les effets escomptés de la crise de 1929 ? Bien au contraire, la Fed comme les autres grandes banques centrales du monde ont réagi rapidement et positivement. La situation en 2008 peut ressembler à la situation en 1929, mais les forces en mouvement dans les deux crises sont complètement différentes. L’« argent de sauvetage » a joué très bien son rôle de véhicule de richesse en 2008, contrairement à 1929 au cours duquel les conditions n’étaient pas remplies pour l’emploi de l’argent en vue d’atténuer voire étouffer la crise. Précisément, en créant de l’argent de rien, i.e. qui n’existait pas, les Banques centrales, à travers les « quantitative easing » ou assouplissement monétaire non conventionnel, dès 2008, ont commencé à juguler la crise, donc ont répondu à la situation mondiale. Et même s’ils l’ont crée de rien, cet argent a trouvé sa « consommation ». L’économie européenne comme les pays du reste du monde via la « demande » avait besoin des QE, ce qui n’était pas le cas en 1929 où les émissions monétaires excédaient sans commune mesure avec la « demande ». Une grande partie du monde était colonisée et avait une consommation insignifiante en termes d’équipements, de malnutrition, etc.
Si l’argent a brûlé avant en donnant la crise à partir de 2007 voire même 2006, parce que mal utilisé dans les crédits hypothécaires et autres, après la crise de 2008, l’« argent ne brûlait pas ». Au moment de l’éclatement de la crise, les « quantitatives easing massives synchronisés » par la Fed, suivie par les autres quatre grandes Banques centrales du monde (BCE, Banque d’Angleterre, Banque du Japon, Chine) – la Chine n’a joué qu’un rôle de « suiveur » puisque son yuan n’est qu’une monnaie commerciale peu fluctuante selon les lois des marchés monétaires – ont permis d’éteindre progressivement le feu issu de la crise hypothécaire pour la simple raison que l’économie mondiale en attendait avec « fébrilité » des capitaux ( d’autant plus qu’une partie a été détruite par la crise et se posait le problème de liquidités internationales que seules les Banques centrales occidentales émettaient).
La demande mondiale en capitaux et en biens manufacturés, énergie, matières premières et produits de base, en 2008, était très forte, les pays émergents à eux seuls produisaient et constituaient plus de la moitié du commerce mondial et de la « consommation mondiale ». Sans oublier les pays en développement, tels les pays arabes et d’Afrique. Ce qui n’était pas le cas en 1929.La création monétaire était donc une « nécessité historique absolue ».
D’autre part, peu importe l’endettement occidental –libellé en monnaies occidentales, l’endettement ne représentait pas un danger imminent –, la consommation européenne et américaine comme les émissions monétaires occidentales ont joué un rôle essentiel dans la stabilisation de la crise et le retour de la croissance pour l’ensemble des économies du monde. Ce qui n’existait pas en 1929, où le reste du monde dominé ne constituait pas une force dans le commerce mondial. On comprend dès lors l’« herméneutique de l’argent dans l’Histoire » et pourquoi on a qualifié la crise de 1929, de« crise-mère » de toutes les crises économiques, et qui a constitué, par les événements qui ont suivi, une véritable charnière dans l’histoire de l’humanité.
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
Note :
Cet article est la partie XI des articles qui ont paru antérieurement : « Les 144 années qui ont changé la face du monde ? », par Medjdoub Hamed. www.agoravox.fr
Parties parues : I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X par Medjdoub Hamed. www.agoravox.fr
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