La croissance : c’est moi !
Tous nos bons historiens nous avaient appris (et à tort car c’est une pure invention) cette formule de Louis le XIVe : l’Etat c’est moi. A chaque roi soleil sa phrase. A l’actuel celle-ci : « La croissance : c’est moi ! ». A enseigner dès le jardin d’enfant - puisqu’à chaque lubie de notre Enseignant universel on descend en âge et en section -, je le demande instamment, après Môquet, les enfants de la Shoah et l’esclavage (celui-là pourtant déjà au programme).

Il est juste bon à rappeler que lors de la conférence-propaganda du 24 avril de l’an de grâce 2008 où tout a basculé : - il avait reconnu ses erreurs (sauf que ce n’était pas des erreurs de programme ou de comportement, mais de communication) - il avait changé de statut et s’était présidentialisé (sauf qu’il ressort son coup de décider des programmes à la place de tout le monde et impose maintenant l’esclavage, sauf qu’il attaque la presse et dénigre ses prédécesseurs, sauf qu’il passe une avoinée à Lefébvre pour ne pas avoir assez bozooqué Royal, sauf qu’il a engueulé Copé qui s’est vengé en se faisant applaudir comme un cabotin de théâtre de quartier, sauf qu’il a employé l’élégant terme très distingué et qui fait très présidentiel de foutu, un mot qu’il aime pour l’avoir dit en deux occasions : le 13 mai en bateleur-vendeur d’épluche-légume/tire-bouchon/couteau suisse à Vienne pour sa loi de la modernisation de l’économie promettant à nouveau un point de croissance qu’il irait chercher - « Je pense que ce n’est pas foutu » et le 16 mai en Seine-et-Marne (Melun) pour expliquer le bien-fondé de la fusion Unedic/Assedic où à l’occasion il en remontre aux économistes, à Bruxelles et aux députés - « Je le dis à tous ceux qui m’expliquaient que tout était foutu et qu’on serait à moins de 2 % » : effectivement il a changé... (en pire peut-être ?) - enfin, et c’est là où je voulais en venir, si cela ne marchait pas c’était la faute à la mondialisation insistant avec sa légèreté habituelle également qu’il était là pour cinq ans (en fait il ne restait que quatre, pas grave) et que c’est à la fin que l’on juge, comme on juge la maçon au pied du mur fini. Et cette phrase tirée du Figosky : « On a eu 2 % de croissance en 2006, 1,9 % en 2007, on verra ce qu’il en sera en 2008, mais l’objectif qui consiste à faire grosso modo pareil qu’en 2007 est parfaitement atteignable ». Au passage on ne dit pas "pareil que" mais "comme". Alors si notre Agence de pub gouvernante, chef de tout, a changé, ce n’est pas en tout cas dans sa communication avec ses petits travers, mensonges, incompétences, contradictions. Du reste, à nos fins observateurs qui ont pensé qu’il a changé et ont voulu nous le démontrer avec force argumentation et fine psychologie d’arrière-cuisine oubliant le célèbre adage : Chassez le naturel, il revient au galop, je leur dirai que Son Altessissime Elle-même n’est pas d’accord avec eux comme le révèle l’article de Libération citant Sarkomoi à propos de lui-même capable de se contredire dans une phrase de 6 mots : « Ben oui, j’ai pas changé » (en bon français : Eh bien non, je n’ai pas changé*). Du reste comment peut-il changer ? Il fonctionne comme un moteur deux-temps, un binaire surchauffé, le roi de l’informatique 0-1. 0 c’est les autres (si ça rate et je passe un savon à tout ce qui passe à ma portée) ou 1 c’est Moi qui avais, ai, aura raison (si quoi que ce soit réussit surtout si Sarko n’y est pour rien comme les Bulgares, la croissance, le traité de Lisbonne ni simplifié ni grâce à lui, l’Union pour la Méditerranée existant depuis 1995, etc.). Tout ceci entre invectives, insultes, rodomontades, gaffes et erreurs à répétition et vulgarité à couper le souffle à la Castafiore ou la poissonnière du quartier ou même le charretier du coin (tenez celui qui traite Devedjian de Brejnev. Il cumule celui-là avant il était Mao. Je conseille au prochain de l’appeler Castro). Je n’ai rien contre les charretiers ni les poissonnières, ce ne sont que des expressions populaires. Pour en terminer par la constance de notre Eminent Avocat qui remplace l’argumentation par le slogan, je vous laisse juge de l’élégance du personnage et surtout du rôle qu’il fait jouer à sa femme. Extrait :
A peine descendu de voiture, Monsieur peur de rien et de personne fond sur la poignée de militantes CGT parquées devant l’agence ANPE. Quelques minutes plus tôt, la police omniprésente a fait place nette pour les images et a dépouillé ces sept femmes de leur matériel syndical (tee-shirts, casquettes…). Une police qui, appareil photo et petite caméra au poing, numérise toutes les têtes présentes. « J’arrive, j’arrive… », lance le président détendu aux cégétistes. Le début de dialogue est âpre. Sur la barrière métallique, il prend les deux mains de son interlocutrice : « On se ressemble tous les deux, lance-t-il.
- Pas sûr…
- C’est flatteur pour moi, poursuit-il.
- Ouais, vous êtes toujours aussi beau parleur…
- Parleur tout court. »
L’exercice de pédagogie sarkozyste sur les bienfaits de ses réformes se poursuit. Il reprend les mains de la dame. Elle : « Mon amoureux ne veut pas que vous me touchiez. Il n’est pas prêteur ». Sarkozy, se tournant vers l’amoureux en question, dégaine son trophée : « Hé, je vous présenterai Carla ». Il rit et tourne les talons.
Version du second épisode selon Le Figosky : Touchant à plusieurs reprises le bras de son interlocutrice pendant la conversation, celle-ci lui a répondu : « Ne me touchez pas, mon amoureux est jaloux ». « Il a bon goût », a lancé un autre syndicaliste à propos de Carla Bruni : « Vous voulez que je vous présente Carla ? », a souri Nicolas Sarkozy.
Et après avoir "présenté" Carla, il relèvera les compteurs ? Ils se connurent, écrit la Bible...
Notre économiste donneur de leçons dans cette fameuse phrase citée plus haut nous apprend qu’en 2006 la croissance de la France aurait été de 2 % (et ceci afin que la comparaison avec les 1,9 % ne soit pas défavorable). Or, premier mensonge, elle a été de 2,2 %. Vous remarquerez comme moi, que notre Luminescence annonce lui-même que celle de 2007 est de 1,9 % (ce que j’ai mis en gras et souligné). Il ne manque pas de culot d’accuser, fustiger et brocarder, tous les autres quand lui-même annonçait 1,9 % pour 2007. Comme je suis un être simple et simpliste, je suppose que la bordée de reproches qu’il a faite aux "sachants", à Bruxelles et autres oiseaux d’augure mauvais et noircie à souhait, bordée qui englobait tous ceux qui avaient annoncé ce fameux taux de croissance, le concerne au premier chef d’après ses déclarations du 24 avril devant 11 millions de témoins. Je l’imagine devant une glace se moquer, avec cette agressive ironie qui fait son charme, du reflet qui lui fait face : Ah ! Connard, tu l’as bien profond d’avoir prédit un minuscule 1,9 % alors que J’ai réalisé un gigantesque 2,2 % (qui par parenthèse corrigé des variations saisonnières et du temps qu’il fait donne 2,1 %) Pauv’ con, va, allez cass’toi ! Et il s’en va. Pour en terminer dans la forme, si cela allait mal c’était de la faute aux autres et il fallait du temps pour que ses réformes à lui agissent et on le jugerait, on jaugerait ses résultats, au bout du quinquennat de quatre ans. Voilà que, tout à coup, un rayon de lune, du jour au lendemain, coup de baguette magique, la croissance n’est plus mondialisée mais sarkozysée, que les réformes n’agissent plus en quelques années, mais en huit mois chrono. Le guide émarge à La Redoute. Contradiction avez-vous osé penser. Mon Dieu, comme l’on murmure à Latran, que vous êtes mauvaises langues.
Alors cette croissance ? Soyez honnêtes, petits opposants mesquins, elle est bien là, elle fait ben, hein M’aâme Chabot, ses bons gros 2,2 % (euh 2,1 mais passons) ? Qu’avez-vous à dire là-dessus ? Soyez honnêtes et reconnaissez vos erreurs, cela vous grandira ! (paroles apocryphes et non certifiées d’experts). OK, de cette croissance parler, je vais (Merci Obi-wan, the first). Avant d’analyser finement cette croissance retrouvée, juste une première remarque à deux tiroirs : un - elle est inférieure à celle prévue dans le budget et donc mécaniquement le résultat est un creusement du déficit de 0,45 milliards supplémentaires ce qui nous amène à un déficit de plus de 17 % des rentrées d’argent, ce qui est faillitogène et augmente le fardeau pour les générations futures, celle non d’après-demain, mais de demain et même d’aujourd’hui. Deux - c’est qu’il n’y a pas à se glorifier d’un score qui est moins mauvais que ce qui était annoncé, mais qui reste toujours mauvais car inférieur à la moyenne européenne. C’est un peu comme, si en rentrant de l’école, vous arriviez fièrement avec vos notes et disiez, dressé sur vos arrogants ergots : papa, maman (dit d’un air joyeux, béat, satisfait, imbu, sûr de soi et à voix haute et haut perchée, en sautant comme un cabri aurait dit Pasqua), J’ai pas eu 4 sur 20 mais 6 ! Ô gloire à moi ! Quant au taux de plus de 0,6 % du premier trimestre (la prudence voudrait que l’on attende le vrai taux puisque nous avons celui de 2007 quatre mois et demi après la fin de l’année - et sans être suspicieux ce nouveau taux dépend de Cotis nouveau responsable de l’Insee, le précédent ne plaisait pas au chef des chefs et avait été débarqué en octobre 2007 ayant eu auparavant des mots avec Bercy dont le locataire était un certain Nicolas Sarkozy, alors ? - et celui du premier trimestre seulement 15 jours après la fin du susdit trimestre et en toute logique si le premier chiffre a été modifié il faut attendre la modification du second avant de faire cocorico. Le résultat corrigé pourra être meilleur ou moins bon) il est de 1,5 en Allemagne soit 2,24 fois le nôtre. Et là, c’est une vraie claque. On n’est plus à un écart de quelques dixièmes de points, mais en année pleine à plus de 3,44 points (2,56 contre 6). Cela est aussi à comparer du chiffre de 340 000 emplois créés l’un des 5 meilleurs scores des 25 dernières années. En 2000, il y en avait eu plus de 567 000. Et n’oubliez pas que le théorème à la mode et en vogue chez les affidés de Xavier Bertrand et des trompettes Lefèbvre et Castafiore c’est que rien n’a été fait depuis vingt ans, donc il ne peut en toute théorie scientifique y avoir de résultat meilleur que celui de notre bien-aimé Employeur tout-terrain. Il faudra que je pense à leur souffler dans le tuyau de l’oreille que ce n’est pas parmi les 5 meilleurs, mais le meilleur. La vérité n’a rien à voir avec la communication de l’UMP. C’est une chose acquise, sue, reconnue et entérinée.
Quelle est l’origine de cette croissance ? Le plan sarkozyaque était la relance par la consommation, par le pouvoir d’achat. Notre aimé Phare de l’économie se flatte pendant que Lagarde jubile et s’habille en rose (alors qu’on va se ramasser un carton jaune de l’Europe, on se réjouit de ce que l’on peut, à chacun sa joie). Or, que constate-t-on ? Que la consommation stagne et qu’en fait cette croissance est tirée par l’investissement des entreprises et celui-ci est boosté non par la bonne tenue de l’économie française, mais par nos exportations vers l’Allemagne qui avec sa croissance et la libération des contraintes après deux ans de vaches maigres imposés par le gouvernement d’outre-Rhin a emballé la machine qui nous a tiré vers le haut. Point de Sarkozy là-dedans, point de loi de RTT, d’heures supplémentaires et défiscalisées. D’autant que tout journaliste, sans être bêta, peut se demander à juste titre comment des lois appliquées en fin d’année peuvent agir en janvier 2007, par exemple. C’est le fameux effet kiss cool à l’envers. Il agit avant même d’être dans la bouche. Ensuite, il faut regarder de près deux autres points essentiels s’ajoutant aux fonds distribués par Villepin (5 milliards quand même) qui ont dopé la croissance au détriment du budget et de la part naturelle de croissance due à l’augmentation de 0,5 % de la population française où, là aussi, malgré ses performances en conquêtes féminines, n’est pas vraiment du ressort de notre Coq gaulois :
- l’agroalimentaire représente environ 4 % du PIB, plus que l’énergie et l’industrie automobile. Or, si vous faites vos courses, vous avez remarqué que les prix ont eu tendance à progresser. Imaginons deux choses assez compréhensibles et qui sont des faits : la population croît et donc mécaniquement la consommation augmente et les prix agroalimentaires ont une petite poussée de fièvre. Imaginons seulement une hausse des prix de l’alimentaire de 4 % cela nous donne une hausse de 0,16 points. Evidemment comme c’est Darcos qui tient les comptes de la maison et qu’il ne sait pas faire une règle de trois cela pose quelques problèmes à ce gouvernement.
- le tourisme est une vache à lait. 6,5 % du PIB. Or, l’année 2007 a été une année bien meilleure que 2006, notamment avec la Coupe du monde de rugby qui, me semble-t-il, n’est pas du fait de Sarkozy même si Laporte nous a régalé de son hymne à Môquet et de la défaite qui en a suivi, Laporte le pré-ministre, poste inventé.
* Je n’ai pas changé
Je suis toujours ce jeune homme étranger
Qui te chantait des romances
Qui t’inventait des dimanches
Qui te faisaient voyager,
Je n’ai pas changé
Je suis toujours ce garçon un peu fou
Qui te parlait d’Amérique
Et n’était pas assez riche
Pour t’emmener à Corfou...
Alors avec l’avion de Bolloré
A Malte, en first, je suis allé !
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