La Culture Européenne dans la course à la mondialisation

La nouvelle donne de l’information impose un double impératif, d’abord le défi du traitement des données, mais aussi la question de la qualité de cette création de contenus. Avec la mondialisation, les échanges se sont multipliés et de nombreux opérateurs ont submergé le marché, réduisant du même coup la valeur de ces informations. Frédéric Martel expliquait déjà dans une note en 2010 à Terra nova que « la mondialisation n’a pas seulement accéléré l’américanisation de la culture et l’émergence de nouveaux pays, elle a aussi promu des flux d’information et de culture intra-régionaux, passeulement globaux, mais aussi transnationaux ».

Cependant, les flux des productions audiovisuelles ont commencé à s’inverser dans les échanges internationaux, entamant irréversiblement la bataille du softpower. La situation actuelle confirme la faiblesse de l’Union Européenne dont le principe de l’exception culturelle ne parvient plus à porter la création du vieux continent sur la scène planétaire. Nathalie Sonnac, présidente de la commission info & com à l’IFP Assas s’interroge, quels acteurs peuvent « encore participer au financement des œuvres face à un Netflix installé au Luxembourg et qui introduit des distorsions de concurrence » ?

D’un côté on a les Etats-Unis qui trustent les revenus publicitaires générés par le nouveau trafic numérique, avec l’aide conjointe des grandes productions artistiques et des nouvelles firmes du digital, communément regroupées sous l'acronyme GAFA au sein de l’administration française. De l’autre, les pays émergents qui inondent le marché de l’audiovisuel en pratiquant un dumping agressif, particulièrement en Chine.

Dans l’Europe de la norme sans la force chère au socialiste Zaki Laïdi, toute avancée est rendue impossible par les dogmes libéraux, eux-mêmes entérinés par les traités. D’abord la politique de concurrence qui interdit les synergies à l’échelle continentale afin de « protéger les consommateurs ». Ensuite, en raison du délabrement de nos comptes publics, toute politique industrielle est aujourd’hui proscrite. Enfin, malgré la satisfaction d’Aurélie Filippetti de voir la culture exclue des négociations pour le traité transatlantique, le Figaro rappelle que « Bruxelles peut lever l'interdit à tout moment de la négociation avec Washington ».

Le pouvoir de marché que nous avait accordé l’Acte Unique dans les années 80, profite désormais aux géants américains et asiatiques tandis que nos industries créatives sont bridées par une vision datée de la compétition économique en Europe. Pourtant l’horizon n’est pas totalement sombre, l’Europe continentale dispose encore d’atouts considérables, la nouvelle stratégie de Vivendi donnera à la France un leadership mondial de la production et de la diffusion de contenus, tandis que le groupe média allemand Bertelsmann a réussi à faire plier Google dans les négociations sur le partage des revenus publicitaires. La course sera longue, mais à l’aube de la révolution numérique tous les acteurs partent sur la même ligne…