La danse de saint Guy Roux ?
C’est amusant comme, à 68 ans, Guy Roux est devenu l’icône du travailler plus longtemps. L’entraîneur s’est vu refuser dans un premier temps le droit à entraîner pour avoir dépassé la limite des 65 ans, avant, suite à un certain battage médiatique, de se voir déroger ce droit. Les instituts de sondage se sont saisis de l’affaire et - fausse - surprise : 63 % des Français sont favorables à la perspective de travailler au-delà de 65 ans.
Pourquoi est-ce que je parle d’une fausse surprise ? Simple, si je prends mon cas particulier : exerçant un métier passionnant dans la recherche scientifique, je n’aurais rien, "personnellement", contre la perspective de travailler au-delà de 65 ans. Mais, étant donné que je cumule les CDD, faute de places de permanents libres, j’aimerais bien que "les autres", tous ces scientifiques qui s’accrochent à leur sièges, prennent leur retraite en temps voulu. D’où le biais introduit par le sondage cité par sa formulation : demande-t-on aux sondés s’ils souhaitent personnellement travailler au-delà de 65 ans, ou un report de l’âge légal de la retraite ?
Ce que l’on souhaite pour soi est forcément différent de ce que l’on souhaite pour les autres et Guy Roux, à l’origine involontaire de ce mic-mac, en est la parfaite illustration. L’ex-entraîneur auxerrois et nouvel entraîneur lensois (qui vient de connaître son premier changement de club à... 68 ans) en est la parfaite illustration. Certes, Guy Roux est un excellent entraîneur, qui a transformé un club de division amateur en un des clubs phares de la première division française. Guy Roux, c’est cinq montées avec l’AJ Auxerre, une demi-finale de Coupe d’Europe (la Coupe UEFA 1992-1993), un titre de champion de France (1996) et, surtout, quatre Coupes de France (1994, 1996, 2003, 2005) qui font de lui l’un des entraîneurs les plus titrés de cette épreuve. Guy Roux a aussi l’image d’un entraîneur paternaliste ayant formé plusieurs grands noms du football français, un père fouettard qui mettait un antivol à la mobylette du jeune Basile Boli pour l’empêcher de sortir en boîte, un père tranquille quand il s’agissait de tolérer les extravagances vestimentaires et capillaires de Djibril Cissé.
Mais Guy Roux a aussi ses mauvais côtés. Celui d’un commentateur parfois chauvin (très remonté contre les Allemands et les Anglais, entre autres). Celui d’un pingre excessivement près de ses sous (Les Guignols ont divulgué cette réputation... et pour ne pas gâcher, Guy Roux a accepté de l’entretenir dans une pub vantant les semaines promotionnelles d’un célèbre constructeur automobile aux chevrons...). Et celui d’un adepte du "Faites ce que je dis, pas ce que je fais". Ainsi, quand il fut l’éphémère président du syndicat national des entraîneurs (il en fut rapidement révoqué, à cause de son caractère et de sa personnalisation excessive de la fonction), Guy Roux s’était opposé avec succès à ce que Michel Le Milinaire devienne l’entraîneur du Stade rennais. Motif ? Trop vieux, alors qu’il avait à l’époque 68 ans, l’âge qu’a notre néo-Lensois à l’heure actuelle.
De plus, notre amnésique Guy Roux semble oublier ce qui arrive quand on veut travailler au-delà du raisonnable : il fut lui-même victime d’un malaise cardiaque ayant nécessité une intervention à coeur ouvert. Ceci dit, l’argument de la santé ne permet pas forcément de définir une limite de travail : Guy Roux n’avait "que" 62 ans à l’époque. La même année, Gérard Houiller, bien qu’il n’avait que 56 ans, fut victime du même pépin de santé, nécessitant un pontage coronarien. Dans les deux cas, la limite des 65 ans n’était pas atteinte... mais on sait que les risques d’accident cardiovasculaire augmentent avec l’âge, donc Guy Roux n’aura pas à se plaindre en cas de nouveaux pépins de santé...
Donc même si l’envie de travailler au-delà de 65 ans a pu guider quelqu’un comme Guy Roux à rempiler à Lens, il ne faudrait pas en faire une généralisation au point d’empêcher les plus jeunes de débuter une carrière professionnelle... à l’image du jeune entraîneur Laurent Blanc, qui pour son premier match avec une équipe professionnelle (Bordeaux) a battu... Lens. L’honneur des jeunes est sauf !
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