La démocratie à bout de souffle dans une société dépassée par les nouveaux codes sociaux
Une démocratie se meurt si son peuple est aveugle. Redonnons au Débat son rôle de fondateur des règles collectives. Soyons cet être politique qui domine les sciences y compris ces vices que l'économie répend.
Chacun le ressent, des plus impliqués aux plus indulgents, l’activité politique de notre nation perd de sa crédibilité. Un abîme inestimable se forme entre la classe politique et le peuple. Les élites universitaires et financières ont en mains un pouvoir immense qu’ils ne savent pas utiliser, même avec toutes les bonnes volontés, à des fins d’intérêt général. La « connectivisation » de la vie politique rend l’exercice de la communication délicat aux yeux des politiques eux-mêmes. Mais n’est-ce pas le principe de base d’une démocratie que de rendre des comptes à un peuple qui leur fait confiance ? N’est-ce pas de leur devoir de partager à leurs électeurs les tenants et aboutissants de leurs manœuvres politiques ? Oui ça l’est.
Seulement voilà, malgré tous les moyens mis en œuvre par les médias pour diffuser le son du moindre claquement de doigt dans le coin d’un couloir de ministère, le peuple ne sait plus où regarder, quoi penser, qui croire et que croire. Le geste collectiviste d’un don de confiance envers les politiques lors des élections et du paiement des impôts s’estompe. Les temps de cerveaux ne sont plus disponibles à cette communication offensive et offensante que les conseillers de politiciens tentent de maitriser sans vraiment réussir à l’évaluer. La lutte est permanente contre les cycles de marées que les médias s’amusent à rythmer aux grés de sandales d’ordre politique, déontologique ou personnels. À force de s’y soumettre, celui-ci devra considérer conjointement des faits aux impacts exogènes sur l’opinion. Autrement dit, une décision de grande ampleur peut être remise en question à cause d’une étincelle que la presse a fait briller dans un domaine tout à fait différent. L’opération militaire en Afrique est totalement éclipsée par les affaires people d’un président séducteur et d’un humoriste ringard. Parfois le temps suffit à l’oubli, comme on le sait avec la guerre en Syrie, le drame de Lampedusa, le tsunami de 2004, le tremblement de terre à Haïti. Tous ces faits ont marqué à jamais l’histoire de tout un peuple ou une région. Mais nos radar médiatiques sont trop pressés de varier les plaisir que notre faim raffole. La presse raconte avec romance et fanatisme, le destinataire en est emporté. Non pas comme un lecteur évasif fervent de littérature portant l’esprit en voyage, mais plutôt comme un nageur passif encaissant les déferlantes sans comprendre leur provenance ou leur nature, par fatigue ou par lassitude. Cette anarchie n’a pas d’essence, aucune idéologie n’est débattue, même les intellectuels les plus respectés s’inflige le devoir de vulgariser leurs opinions pour ne pas perturber le fil de l’info en continu. Une série de vague déferle avec panache et pertinence sur une plage embrumée par l’écume. L’horizon est invisible puisque très peu de médias nous laissent le choix de l’entrevoir.
Le peuple a droit à l’information, c’est le propre d’une démocratie où la liberté de la presse est une condition fondamentale. L’accusation n’est pas dans la quantité d’information que fait circuler nos journaux préférés, mais bien leur qualité, leur diversité, leur pertinence, leur utilité citoyenne. Personne n’est assez obstiné à vouloir tout comprendre dans le moindre détail, mais chacun aimerait apprendre de cette société, dans les limites de sa capacité et de ses intérêts. Car la société vit toujours lorsque l’individu s’endors, cette vie a un passé plus long qu’une époque, et son présent est plus vaste que le champ de vision de tout être de tout âge. Le tout n’est pas de tout savoir, mais d’en savoir assez pour réussir à juger. Le rôle du peuple est de décider, d’évaluer, d’estimer, et non de contempler ou de se contenter de constater sans contester. Le détail n’est pas de trop lorsque qu’il a sa place dans une explication, mais il est inutile lorsque l’explication n’a pas sa place dans l’information. Il y a un temps de diffusion, puis un temps de compréhension avant d’arriver à l’interprétation. Or, les chaines d’information tentent de faire les trois en même temps entre deux pages de pub, une météo et un JT sport. Une fois la demi-heure passée, le discours est rabâché pour que les cerveaux suivants profitent de leur temps pour se rassasier en informations brouillées.
Le pouvoir de jugement d’un système global est inaccessible à l’individu dans son unité. Simplement à cause des capacités physiques d’un être. Plus le monde se civilise, plus son développement se complique et sa compréhension dans son ensemble semble inhumaine. Nul n’est censé ignorer la loi, mais nul n’est supposé réussir à la connaitre en entier. C’est tout l’intérêt de se spécialiser, de rassembler les compétences autour d’une volonté d’objectivité dans le jugement. Chaque profession a son corps de spécialiste, certains rassemblent les informations, d’autres les évalues, et enfin certains autres les traitent. C’est un travail associatif, collectif, coopératif. C’est de cette embase que la société civile doit s’appuyer pour espérer peser en face de ceux à qui la démocratie a donné mandat. Le but n’est de blâmer, de contester sans répartie. Le rôle de la société civile est de juger, avec précision et force, les actions des politiques. Une fois le jugement rendu et entendue, le système régulateur de la machine démocratique peut fonctionner. Si le peuple est souverain, alors il doit être capable de juger. S’il sait juger, alors il saura élire.
La défense du modèle démocratique n’est pas une mégalomanie occidentale. Il ne semble pas absurde de considéré un peuple responsable de lui-même. Beaucoup de penseurs se sont penchés sur les conséquences injustes et parfois cruelles de la démocratie. L’idée la plus rependue est de dire que si une politique est voté à 51% par le peuple, alors près de la moitié de la population est soumise à une doctrine auquel il n’adhère pas. La liberté est entravée, certes. Mais il est facile de répliquer à ces théories sceptiques en affirmant qu’une politique est faite pour la collectivité, pour l’intérêt générale. Les 49% restant seront pessimiste pour leur avenir parce qu’ils estimeront que leur liberté individuelle sera atteinte, et donc leur bonheur réduit. Or, si la majorité de la population à juger bon de choisir le mécanisme de gestion collective le plus adéquat, alors chaque individu doit reconnaitre que c’est le bon choix.
Aujourd’hui, l’affrontement est quantitatif. Mais quand est-il de la qualité de jugement de ces 51% envers la politique choisie finalement ? Ont-ils eu raison ? Il est bien évidement très difficile de le savoir lorsqu’il est question d’élections aux grands enjeux, il faut donc que les électeurs se donnent les moyens d’expertiser avec la plus grande finesse les propositions des futurs élus. Si les expertises sont complètes et comprises, alors le combat deviendra qualitatif.
Aujourd’hui, l’affrontement est quantitatif et superficielle. Les candidats aux mandats démocratiques utilisent tous les moyens imaginables pour rassembler des voix, au détriment de la qualité de leur discours. La presse encourageant cette cacophonie assourdissante à l’oreille d’un peuple en quête de confiance. Les débats dérivent vers des sujets périphériques qui survolent et négligent la réalité des enjeux. Il y a donc urgence à ce que le peuple impose un droit de savoir, de comprendre, de juger et de choisir avec une volonté affirmée. Cette volonté passe par les urnes, car c’est dans ces boites que la démocratie repose avant tout. Le choix du peuple.
Nul n’est plus frustrant pour un électeur convaincu d’avoir le même pouvoir citoyen qu’un autre individu indifférent et corrompu par les discours abrutissants. L’idée n’est pas d’interdire le vote à certains, mais de le valoriser. Cessons de rabâcher que l’abstention au vote est une fraude morale et citoyenne, que le vote est un devoir, que sans une quantité suffisante de voix, les élus ne sont pas légitimes. Je ne remets pas en question l’intérêt du vote blanc, car c’est un fusible à l’erreur. Et l’histoire nous a prouvé qu’il pouvait y en avoir, je pense à 2002. Mais lorsque votre cousin ou voisin vous annonce qu’il compte voter pour tel candidat parce qu’il faut bien voter pour quelqu’un sinon sa conscience en prend un coup, alors vous le traiterez d’inconscient pour cause de négligence et d’irresponsabilité. En tant que fidèle citoyen, ayant suivi avec attention les débats politiques, vous sentez que votre voix ne vaut rien puisqu’elle vaut autant que quelqu’un qui ne soucis de rien.
L’effort à fournir n’est pas de repousser les moins instruits mais de stimuler l’implication politique de tous. De demander à chacun d’apporter son expertise. Le bonheur que chacun cherche se résume à la liberté de consommé le temps à sa guise. Au-delà de la consommation il y a la liberté, et cette liberté ne peut être préservée que dans un cadre politique de qualité. La volonté de liberté reste une volonté politique avant d’être une volonté matérielle.
C’est donc à la société civile, quatrième pouvoir républicain, de prendre en main le rôle du juge. Elle doit s’organiser pour expertiser. Elle ne doit pas imposer un dogme mais offrir de quoi estimer, à la population souveraine de sa propre liberté.
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