La démocratie, à quoi bon ?
Le centrisme est l'objet aujourd'hui d'une OPA par des gens qui veulent dépasser le système démocratique dans lequel nous sommes. Le titre "Révolution" du livre d'Emmanuel Macron n'est pas qu'un slogan. Décryptons.
D'où vient Emmanuel Macron ? Le météore de la politique française, jeune et fringant, semble apparaitre de nulle part, remplit les salles et se dirige, si on en croit les sondages, vers une victoire à l'élection présidentielle.
Il serait "brillant", et cela expliquerait tout. Droite et Gauche, le rassemblement ; une sorte de François Bayrou sans le tracteur en plus jeune, en plus light.
Il y a pourtant une histoire derrière l'émergence de Macron. Une histoire qui naît dans un monde que je connais bien, que je fréquente sans en appartenir.
Un monde où l'on parle de fusion-acquisition, de marché ouvert et où, le terme "babiole" s'applique à une bricole qui vaut plus que ce qu'a obtenu Pénélope de son "emploi" en 30 ans de carrière de son mari.
Un monde où l'on se méfie des états, qui peuvent parfois devenir des empêcheurs de faire des affaires en rond. Mais un monde où l'on sait "manager" les autres à son avantage et les États aussi.
L'Europe
La construction européenne est un projet qui suscite beaucoup d'espoir. Mais avant de crier "Europe, Europe, Europe" dans un meeting, les sympathiques partisans de Macron devraient vérifier qu'ils mettent derrière ce terme le même projet que leur leader.
Car il y a l'Europe des Centristes, de Schuman à Bayrou. C'est un projet de paix, de construction d'un état fédéral constitutionnel, démocratique, sur le modèle de la France avec des frontières extérieures et une civilisation partagée.
Ces européens-là regrettent le "déficit démocratique" de l'Europe gouvernée par un conseil qui n'est pas issu de l'élection.
Ce que certains regrettent, d'autres l'admirent : l'Europe est belle pour eux, car justement, c'est un marché ouvert et protégé des risques de soubresaut de la démocratie. Personne ne pourra y élire Donald Trump président, car, précisément, il n'y a pas d'élection directe du président. Les citoyens sont éloignés de la chose publique —qui sait que le président du Conseil européen est Donald Tusk ?— et priés de rester dans leur rôle de consommateur.
Cette Europe-là que les vrais centristes veulent voir remplacer par un état fédéral démocratique convient parfaitement dans le milieu qui a conçu le produit Macron.
Ils ne souhaitent d'ailleurs pas plus de frontières extérieures qu'intérieure à l'Europe. Si l'Europe de Bayrou est une super-France qui se donne, par sa taille, les moyens de son indépendance, l'Europe de Macron est un continent mondialisé.
Les partis
Il y a une petite chanson qui revient régulièrement en France de Louis-Napoléon Bonaparte à Charles de Gaulle contre les partis.
François Bayrou a tiré sa légitimité de l'élection à la tête d'un parti (l'UDF) puis a pour construit un autre parti le Mouvement démocrate. Macron lui refuse cela. Il n'a pas cherché à prendre le pouvoir dans un parti quelconque, mais c'est situé publiquement en dehors des partis.
La critique des primaires de Bayrou et de Macron sont différentes. Bayrou dit, en gros, que le danger des primaires, c'est de susciter des camps et d'envoyer à la présidentielle des leaders de camps. À ces primaires, il préfère le processus de désignation interne aux partis.
Macron refuse les primaires, car il est contre les partis, ni de droite ni de gauche. Il a fondé En Marche ! qui est un parti ? Juridiquement oui, En Marche est un parti politique. Mais rien dans le fonctionnement, les statuts de En Marche ! en font un parti ou même une association ordinaire :
- les statuts ne prévoient pas de réunion à périodicité précisée de l'assemblée générale, ces réunion n'ont lieu qu'au bon vouloir du conseil d'administration.
- si le conseil d'administration, par son bon vouloir, consent à réunir une assemblée générale, celle-ci peut être virtuelle, se dérouler par "voix électronique". D'autre part, il n'y est pas question de délibérer d'autres choses que ce que le conseil d'administration a prévu. Les "questions diverses" ne sont pas prévues à En Marche !.
- s'il est prévu que les membres du conseil d'administration soient élu (lors d'une assemblée générale électronique par exemple), ne peuvent être candidat à cette élection que ceux qui sont désignés par le conseil d'orientation. Les membres d'En Marche ! peuvent donc voter librement pour les administrateur que l'on a choisi pour eux...
- bien sûr le conseil d'orientation qui doit choisir qui est autorisé pour être candidat au conseil d'administration est constitué de membre désignés par le conseil d'administration... Et révocable à tout moment par eux.
Bref, le risque de la démocratie n'est pas pris au sein du mouvement En Marche. Pas de parlement élu par tous les adhérents comme au MoDem, pas de congrès où l'on peut débattre de ce que l'on veut. Le même déficit démocratique qu'en Europe. Qui s'en étonne ?
Les moyens
Normalement, un citoyen qui veut se présenter à une élection aussi importante que l'élection présidentielle n'a aucune chance en dehors des moyens qu'offre un parti politique.
Emmanuel Macron, pourtant, y est arrivé. Avec l'aide de ces amis, vous savez, ceux pour qui une babiole vaut... Ils financent, protègent, soutiennent Macron. Il y a une question qui me turlupine.
Le font-ils par philanthropie parce qu'ils pensent que Macron va défendre l'intérêt général ou par égoïsme parce qu'ils pensent que Macron va défendre leur propre intéret.
Non, la réponse à cette question n'est pas aussi évidente que ce que vous croyez. Il y a beaucoup de généreux philanthropes chez les personnes fortunées. Je ne fais pas mien les cris contre la finance internationale... Mais la question demeure légitime.
Au passage, on peut être contre les partis comme l'ont été jadis d'autres hommes politiques. Mais quand on est contre les partis, voire même contre la démocratie, on n'est pas centriste.
Marketing
Dans le monde de Macron, on a longtemps essayé de manager le pouvoir public, avec pas mal de réussite, il faut dire.
Ici, on va plus loin. C'est une révolution qui se prépare. À l'instar des révolutions communistes, mais à l'envers.
La révolution communiste, c'est l'état qui va prendre le pouvoir sur les entreprises, les banques, le monde des affaires. Ici, c'est exactement le contraire. Le monde des affaires, les banques, le pouvoir économique qui va s'emparer d'un état.
Évidemment, on ne fait pas la révolution avec la même culture chez Mélenchon et chez Macron. La culture du monde de Macron, c'est le plan Marketing, c'est le choix d'un produit jeune et souriant que les consommateurs (ne parlons plus de citoyens...) pourront désirer.
Bien sûr, les conseillers en communication sont présents dans l'espace politique depuis longtemps. Ils choisissent les tenues, les slogans, les phrases chocs des politiques. (Bayrou est le seul qui échappe à cette pratique) Mais jusque-là, la com, le marketing ne venait qu'en soutien d'un projet politique. Ici, c'est le projet ! Le nom même du mouvement de Macron ne dit rien d'autre.
Appel à mes amis
Dans le public des meetings de Macron, dans les gens qui aujourd'hui pensent voter pour Macron, j'ai beaucoup d'amis. Des gens qui pensent comme moi, qu'il faut se garder des extrêmes, qu'il faut une place pour chacun. Que l'économie privée et le bien public vont ensemble, que nous avons besoin d'Europe, que nous devons faire une politique d'avenir.
Mes amis, authentiques centristes, ne vous laissez pas avoir par le mirage Macron. Allez voir les statuts du mouvement, ils sont en ligne sur leur site. Vérifier chacun de mes dires.
Et en avril, choisissez celui qui se garde de ce monde-là et qui conduit son tracteur pour labourer sa terre.
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