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Accueil du site > Tribune Libre > La démocratie de l’inconséquence

La démocratie de l’inconséquence

« Les règles démocratiques, comme les promesses électorales, ne valent que pour ceux qui veulent y croire. » « Nous avons bien entendu, les élus que l’on mérite. » Ces phrases toutes faites sont utilisées à longueur de discours politiques et ont pour but de développer une sorte de fatalisme « démocratique » chez les citoyens. Fatalisme que les pouvoirs publics utilisent ensuite pour déconsidérer les principes juridiques à la base d’un édifice démocratique. Je prendrai deux exemples dans notre actualité politique : le parallélisme des formes, et la non-retroactivité des lois.

Le parallélisme des formes en matière de décision. (Exemple du TCE.)

Suite au référendum sur le TCE (55 % pour le NON), tous les candidats principaux aux élections présidentielles et les grandes figures morales françaises se sont empressés de faire assaut de conviction démocratique.

  • - (Ségolène Royal, le 27 mars 2007) « L’organisation d’un nouveau référendum en France est une “obligation démocratique”. »
  • - (François Bayrou le 9 mars 2007) Point fort du discours européen, le 9 mars 2007 à Bruxelles, François Bayrou, très applaudi, a affirmé que « seul le peuple peut refaire ce qu’il a défait », en s’engageant à soumettre à référendum un nouveau traité « court, lisible et compréhensible par tous ». « Seul le peuple peut refaire ce qu’il a fait », « c’est le devoir des gouvernants », « Il y a là une exigence qui n’est pas d’ordre juridique mais politique et morale ».
  • - (Nicolas Sarkozy, débat télévisé avec Ségolène Royal) « Les Français ont voté non à la constitution, nous n’y reviendrons pas, quelle que soit la qualité remarquable de Valéry Giscard d’Estaing, cette constitution n’entrera pas en vigueur, puisque les Français ont dit non. » Il a ajouté : « Je ne veux pas d’une nouvelle constitution. Les Français ont dit non à 55 %. On ne va pas recommencer un référendum. Pour leur dire quoi ? C’est clair, ils ont dit non. »
  • - (Jacques Delors, Les Echos, le 22 mars 2007) Jugez-vous utile de faire revoter les Français sur le traité constitutionnel ? Jacques Delors : «  Le bon sens veut qu’on interroge une seconde fois les Français. C’est une question de parallélisme des formes comme dirait Jean-Louis Bourlanges. Cela nous obligera à mieux écouter et à mieux expliquer ce qu’on a voulu faire en Europe. Mais avant tout, il faut retirer le terme de "Constitution". »

Mais on s’en fiche. Tous les partis représentés à l’Assemblée et les mêmes personnalités s’assoient sur leurs convictions pour accepter une ratification parlementaire du nouveau traité. Et rien n’y fera, même les sondages d’opinion qui pourtant font en général le fonds de commerce de nos représentants. Mais quand les sondages risquent de gêner, comme les référendums donc, on ne les fait pas.

  1. - Les sondages d’opinion. Aucun parti ni aucun organe de presse français n’a jugé utile de commander une étude d’opinion au sujet du traité européen que l’Union européenne propose de faire adopter par les Parlements nationaux. C’est ce qu’a fait le Financial Times en commandant à l’Institut Louis Harris une étude dans les cinq nations pionnières de l’Europe. Le résultat y est édifiant : 63% des Français sont favorables à l’organisation d’un référendum sur le sujet, et l’exigence est encore plus marquée en Allemagne et dans les autres pays européens.
  2. - Haute trahison. Il est alors sain de s’offusquer de telles pratiques et d’accuser, comme le fait Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, de "haute trahison" le chef de l’Etat. « Une question fondamentale se pose dès lors : comment le président de la République peut-il décider seul, alors que le peuple français a juridiquement rejeté l’intégralité du traité, de faire cependant ratifier par voie parlementaire la majeure partie des dispositions qu’il contenait au motif que celles-ci "n’auraient pas fait l’objet de contestations" ? » Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, auteur de Droit constitutionnel (Economica, 2007). Article paru dans Marianne (jeudi 18 octobre 2007).

La rétroactivité des lois. (Exemple de la loi sur le financement de la vie politique.)

Le gouvernement a décidé subitement de faire examiner en urgence par les députés une proposition de loi pour permettre au Nouveau Centre - les centristes alliés à M. Sarkozy - d’accéder au financement public.

Le texte du Nouveau Centre, ex parti de l’UDF, soutenu par le gouvernement, l’UMP et des députés PCF, vise à permettre à un parti politique de recevoir un financement public, même s’il ne compte pas au moins 50 candidats ayant obtenu aux législatives 1% des suffrages exprimés, comme le prévoit la loi en vigueur. Cette réforme a été ajournée en raison de l’absentéisme des députés de la majorité. Elle devrait néanmoins passer avant la fin du mois de novembre, date de la répartition des financements aux partis.

C’est une « loi de circonstance » et pour les seuls bienfaits du Nouveau Centre, proposée par le gouvernement. Elle est absolument scandaleuse et montre aussi le profond irrespect de ce gouvernement pour les propres commissions de réflexion qu’il met en place ; en l’occurrence la commission Balladur.


Car en effet, cette proposition aurait pu être faite avec raison, pour l’avenir à ce comité de rénovation démocratique (! !). Il faut signaler que le seuil de 50 candidats ayant fait au moins 1% a été établi par les partis installés. Mais ne bloque-t-elle pas l’émergence de nouveaux partis ? Par exemple on peut penser à des partis régionalistes, mais pas seulement, qui rencontreraient des difficultés à investir un candidat dans cinquante circonscriptions. Quoi qu’il en soit, une telle réflexion n’est valable que pour l’avenir et non pour les élections passées. Le Nouveau Centre et le gouvernement sont inexcusables de proposer une telle manœuvre qui bafoue le principe de la rétroactivité des lois.

Quand on vous dit que notre démocratie est mal en point !! La renovation démocratique passe bien évidemment par l’ouverture de débats institutionnels responsables et respectueux des principes juridiques fondamentaux.


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2 réactions à cet article    


  • cza93 cza93 31 octobre 2007 15:48

    Sur le Traité européen de Lisbonne :

    Allez voir sur ce lien, et vous constaterez que tout le monde ne cède pas au fatalisme ambiant : http://www.rue89.com/2007/10/31/europe-on-peut-contraindre-sarkozy-au-referendum

    ... Et pour compléter votre petite liste de citations sur le sujet :

    « Les parlementaires ont la capacité politique de faire barrage à Nicolas Sarkozy. » Marie-Noëlle Lienemann

    « Un texte qui a été rejeté par référendum doit de nouveau être soumis à référendum si un second vote est organisé », Paul Quilès

    CQFD : nous avons le pouvoir, nous, citoyens, de demander aux parlementaires que nous avons élus de faire barrage à la modification de la Constitution, ce qui obligera Sarkozy à recourir au référendum pour faire valider ou non ce traité modifié (mais certainement ni simplifié ni raccourci !). Accepterons nous sans moufter que le gouvernement actuel s’assoie sur la souveraineté du peuple français, comme il compte le faire ?????

    Corinne, Signataire Gauche Avenir

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