« LA » démocratie se mord la queue
L’ouroboros représente un serpent ou un dragon qui se mord la queue et ne cesse de tourner sur lui-même, comme condamné à ne jamais échapper à son cycle pour s'élever à un niveau supérieur : il symbolise le perpétuel retour, la continuelle répétition, la pulsion de mort en voie de réalisation.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la règle du jeu imposée à ses nouvelles colonies par l’"Empire" consiste à faire passer pour « LA » démocratie, ce qui n’est qu’un simulacre de choix, une alternance entre conservateurs et progressistes, démocrates et républicains, socio-démocrates et libéraux.
Le nouveau clergé médiatique a pour mission de stigmatiser toute nouvelle perspective alternative à cette complicité de frères ennemis en l’affublant du qualificatif infâmant de « populiste », mettant dans le même sac tout ce qui lui résiste, en espérant sans doute que ce qui n’est pour lui que de la « vermine » va s’autodétruire par un phagocytage réciproque, ce qui traduit une conception de la vie politique proche du fonctionnement des fosses septiques dans lesquelles des bactéries anaérobies activent la fermentation et permettent la décantation des matières fécales et déchets de cuisine,pour ne laisser fuiter que de l'eau claire.
Les libéraux triomphants, les libertaires du papier monnaie et chantres de la privatisation à tout crin, adorateurs de la politique de renard libre dans le poulailler libre croient en la toute-puissance des marchés « libres » et concurrentiels tout en dressant des barrières protectionnistes. Ils préconisent la limitation des responsabilités de l’état à la défense nationale, à la protection de la propriété privée (surtout la leur), au maintien de l'« ordre » (encore le leur), à la lutte contre les incendies (même pour les cathédrales), et à quelques autres questions impossibles à gérer par le secteur privé et non rentables, même en les subventionnant. Par contre, ils pensent que tout ce qui peut être géré par le secteur privé doit intégrer leur giron, quitte à se livrer à un pillage sans vergogne comme celui auquel on a pu assister dans les anciens pays de l’est après la dissolution de l’URSS. Leur conception de l’action sociale se limite au maintien de l'ordre public et des traditions.
Les libéraux repentants, eux, pensent que le mécanisme du marché libre ne peut ni corriger les déséquilibres tels que le chômage ni éviter les fluctuations économiques. Ils estiment qu'il incombe à l’état, et donc au gouvernement, de compenser ce qu’ils considèrent comme « les imperfections et l'instabilité du marché ». Sur le plan social, ils privilégient le ‘politiquement correct », la « discrimination positive », et se gargarisent des « valeurs démocratiques » en privilégiant les aspects sociétaux (féminisme, LGBT) et individualistes au détriment du collectif et du social jugés plutôt vulgaires.
Ce scenario de fausse alternance sponsorisé par les services de communication des multinationales et publié sous forme de feuilletons télévisuels tous les soirs aux JT fonctionne tellement bien que la grande prêtresse de la secte, la Pythie Thatcher, avait pu lancer le slogan « TINA » (There is no alternative), traduit en français par « Il n'y a pas d'autre choix » ou « Il n'y a pas d'alternative » ou « Il n'y a pas de plan B », lorsqu'elle était Premier ministre du Royaume-Uni. Cette présentation est particulièrement machiavélique, car elle induit l’idée, intégrée d’une manière subliminale par les éponges téléphages, selon laquelle les « bobos » incriminés par Thatcher seraient le contre-pouvoir à mettre en selle pour réparer les dégâts de la « globalisation » (mondialisation en français), alors qu’il ne s’agit que du masque souriant d’un même personnage de la « comedia del arte ». Pie VII aurait dit : « comediante, tragediante ! ». Thatcher, était une tragédienne comme Macron est un comédien. L’alternance entre l’eau chaude, l’eau froide et l’eau mitigée n’est pas une alternative à l’eau !
Après l’épopée gaullienne assurant la transition entre Vichy et Bruxelles, Mitterrand et sa cour ont saturé les ondes hertziennes de pèlerinages à Solutré et de pyramides du Louvre. Pendant ce temps-là, les petites mains et les seconds couteaux opéraient en coulisse et privatisaient subrepticement les trésors de guerre de la résistance, la « régie » Renault, Airbus Industrie et EDF en priorité, et leurs émules s’en prennent aujourd’hui à la Poste, à la SNCF, aux hôpitaux, aux aéroports, ne laissant à la « charge » des contribuables que les budgets de la police et de l’armée utilisées pour contenir un mouvement social de moins en moins contrôlable autrement que par la violence.
Cette fausse querelle entre « conservateurs » et « progressistes » a aujourd’hui du mal à tenir la scène.
« Macron, comment vous dire ? Ras le bol… » avait dit Martine Aubry en septembre 2015. Cela n’a pas empêché l’élection de ce pur produit de la « fabrique du consentement », cette machine tellement bien rôdée qu’elle conditionne les victimes à porter au pouvoir leurs persécuteurs en les conditionnant par de fortes doses de culpabilisation et le recours aux épouvantails « populistes » sortis de la malle aux accessoires au moment du « deus ex machina » pour attirer le regard des dupes vers un spectacle formidable (qui fait peur) pendant que les machinistes s’emploie à combiner les fumées et lumières du spectacle. Mais le spectacle ne dure que le temps des élections, et le palais est amer au réveil, après un excès de narcotiques.
Pour les idéologues occidentaux, la « démocratie » et l'économie de marché ne font qu’un. Cette pseudo-démocratie semble avoir atteint ses limites comme instrument de conditionnement. Les adeptes d’ Hannah Arendt considéraient comme la « fin de l’histoire » la disparition de ce qu’elle présentait comme les deux « fléaux totalitaires », le fascisme et le communisme, ces deux ennemis du « système démocratique » de la « liberté » et des « droits de l’homme ».
Les patriciens de l’empire ont perdu leur meilleur ennemi avec la disparition de l’URSS présentée comme la réalisation du communisme. Aujourd’hui, la démonstration de leur supériorité par la présentation d’un modèle en échec n’est plus possible, et le nouveau repoussoir baptisé « terrorisme » est trop impersonnel et impalpable pour suffire à calmer la colère de ceux qui se sentent à juste titre lésés.
Mais le petit jeu qui consistait à mettre en avant la démocratie risque maintenant de se retourner contre ceux qui l’ont habilement utilisé depuis plus d’un demi-siècle. Dans tous les pays, les masses constituent la majorité, et cette démocratie-là représente une contradiction qui pourrait bien se transformer en piège. Encore faudrait-il que la vériable alternative se présente avec un contenu et ne se limite pas à revendiquer le recours à une consultation permanente d’un « peuple » indifférencié et sans programme structuré.
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