La déréglementation en quelques mots
La déréglementation est le fait d'alléger, voire même de supprimer des contraintes réglementaires inhérentes au fonctionnement d'un marché concurrentiel ou non.
D'inspiration libérale − parfois appelée libéralisation, car généralement conjuguée à la dérégulation et au décloisonnement des marchés 1 − la déréglementation est la thèse contemporaine selon laquelle l'économie peut mieux fonctionner et se développer plus vite, donc créer plus de richesse, sans pour autant recourir à une réglementation excessive.
La déréglementation que nous connaissons depuis 3,5 décennies, a commencé au Royaume-Uni, dès 1979, avec Margaret Thatcher fervente admiratrice de l'ultralibéral Friedrich von Hayek (Nobel d'économie 1974), et aux États-Unis, dès 1981, avec Donald Reagan, inspiré par le libéral Milton Friedman (Nobel d'économie 1976). Puis, elle s'imposa dans toutes les économies de marché au milieu des années 80. En France, elle débuta avec la loi bancaire de 1984, qui ne distingua plus les catégories d'établissements de crédit. La banque devint universelle et banque-assurance. Les Caisses d'épargne, des banques à part entière. Etc.
L'objectif de la déréglementation, à travers la libre circulation des capitaux, des marchandises et des individus, est d'obtenir une meilleure efficience des marchés nationaux et internationaux, conjuguée à un État de moins en moins présent, réglementateur et régulateur. Ainsi, dans des économies libre-échangistes et mondialisées, elle a permis le développement spectaculaire de la totalité des marchés et notamment : des marchés financiers, du transport des marchandises et des personnes, des télécommunications, des énergies, etc.
Pour beaucoup d'économistes, la déréglementation fut trop basée sur le fait que les marchés, livrés à eux-mêmes, pouvaient s'autoréglementer et s'autoréguler. Joseph Eugene Stiglitz (Nobel d'économie 2001) accuse "la déréglementation des années 80 d'avoir conduit à des dizaines de crises financières dans les trois décennies qui ont suivi. [...]. La dérégulation a conduit à l'instabilité ; avec moins de surveillance, il y a eu plus de fraudes et moins de concurrence." 2
Dès la crise de 2008, les G20 se succèdent et conviennent qu'il ne faut pas confondre déréglementation et laisser-faire 3, et qu'il faut rapidement "combler les lacunes de la réglementation, [...]." 4. Si ces G20 s'adressaient essentiellement aux marchés financiers, convenons qu'aucune activité économique ne doit confondre déréglementation et laisser-faire. Ce dernier est la loi de la jungle, de l'anarchie 5 : le retour au 19ème siècle.
La déréglementation c'est autre chose. C'est l'abaissement du niveau des contraintes réglementaires pour pouvoir accroître la concurrence libre et non faussée. Notamment celle décrite dans le Traité sur l'Union européenne et sur son fonctionnement (article 119 et protocole n° 27) 6. L'auto-entrepreneur en a bénéficié, les taxis VTC, ceux UberPop… et bien d'autres aussi : les travailleurs déplacés, les loueurs personnes physiques, etc. Et demain plus encore, avec la montée en puissance de l'"ubérisation" de l'économie.
Malheureusement, la déréglementation a aussi ouvert le champ au marché de la concurrence fiscale entre les pays. L'Union européenne en est l'exemple vivant, même si elle s'efforce − enfin aujourd'hui − de trouver une parade si elle ne veut pas voir chaque année des dizaines de milliards d'euros fuir les caisses de la plupart de ses États membres… et in fine, devoir accroître l'imposition des contribuables restants dans leur pays ou bien... diminuer l'État-providence.
1. À voir dans un prochain article.
2. Dans : Le prix de l'inégalité (Babel Essai, Arles, 2014), Chap. 2, p.74 et Chap. 6, p. 250.
3. Voir "Économie du laisser-faire", dans La crise en quelques mots, du début du 19ème siècle à nos jours (L'Harmattan, Paris, 2015), p. 156. N.B : le laisser-faire ne succède pas à la réglementation, il se nourrit de son absence.
4. Déclaration des chefs d'État et de gouvernement (Washington, le 15/11/2008), paragraphe : Mesures prises et action future, point 5.
5. "[...] we are in a epoch of anarchy. Anarchy plus a constable !", in Inaugural address at Edinburgh, p. 401 (Thomas Carlyle (1795-1881) parlant de la Révolution industrielle). Traduction : "[...] nous sommes dans une époque d'anarchie. L'anarchie plus un agent de police.".
6. Ces articles étaient aussi dans le Traité constitutionnel (sous un seul article : Partie I, titre I, art. I-3-2) que le référendum français, du 29/05/2005, avait refusé à 55%.
Crédit photo : oll.libertyfund.org.
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