La dictature du « monopole du coeur »
Le décès du Président Giscard d'Estaing nous rappelle à notre bon souvenir la phrase devenue historique qu'il rétorqua à François Mitterrand en 1974 : "Vous n'avez pas le monopole du coeur"
Valéry Giscard d'Estaing était-il visionnaire ? En 2020, le monopole du coeur existe bien et a fait largement son chemin inoculant un lent et doux poison dans la société Française.
Il est toujours décevant d'attendre le décès d'une personne pour s'y intéresser. Les être humains sont ainsi et l'Histoire d'autant plus. Ceci étant, comment séparer un jugement le plus honnête possible sur ce Président nouvellement défunt de celui porté envers François Mitterrand ? Comment ne pas analyser cette fin du 20ème siècle sur les actions politiques de ces deux personnages de l'Etat ?
Le septennat de Mr Giscard d'Estaing fut le premier à connaître les coups de butoir d'un ordre international en crise à l'issue de cette longue période après guerre dite les 30 glorieuses. Le pétrole devenait une arme économique et stratégique capable d'inquiéter voire de soumettre en partie les grandes puissances occidentales. Intimement lié à la production industrielle, l'or noir pesa déjà de tout son poids sur la croissance des pays riches et fit naître impitoyablement le chômage de masse. Ce chômage de masse ne nous quittera jamais plus tel un cancer sociétal et viral auquel il ne fut jamais possible d'inventer le moindre vaccin, pas plus hier qu'aujourd'hui.
Lorsque François Mitterrand prit sa revanche en 1981 sur un Giscard intrônisé en diamantaire et décrété grand monarque, le dit socialisme prit la barre du navire France, non pas pour un combat en haute mer mais pour une croisière que les Français dans la majorité crurent follement heureuse. Le coeur était le fondement même des promesses de ce Président de gauche. A ce titre, une nouvelle jeunesse invitée à voter grâce à Giscard ne le remercia pas. Les déçus de 68 retrouvèrent une raison bien naturelle d'assoir enfin définitivement des libertés dont le pays avait besoin. Le coeur s'installa partout où le greffage de la bienveillance, des bonnes intentions, de l'empathie fut possible. Qui pouvait être contre cela ? Personne, le piège était là ! Mois après mois, année après année, le monopole du coeur construisit son empire. Des inclinaisons puis des jusqu'au-boutismes philosophiques, éthiques, humanistes, culturelles prirent le pas sur les réalités d'un monde beaucoup plus cruel que tous ces tontonmaniaques s'entêtèrent à ignorer.
Il n'est pas faux sans aucun parti pris de constater que les suprématies technologiques de la France datent en fait de Giscard : la fusée Ariane, le Concorde, le TGV. D'autres lancées avorteront malheureusement comme le Minitel et la fabrication de microprocesseurs. Quant au plan informatique mal entamée sous la Giscardie, il dévissa complétement en Miterrandie et notre pays décrocha à jamais d'une technologie qui allait mener le monde économique tout entier.
Par la suite, la France au rythme de ses "croisières du coeur" abandonna progressivement par pans entiers son industrie soit par manque de stratégie ou de capacité d'investissement soit par pure spéculation en épousant des plans de production délocalisés. Le mirage de développer une "industrie" touristique et culturelle directement issue de cet empire du bien avait pris le pas. A l'Allemagne l'industrie et à la France les millions de visiteurs de la Tour Eiffel et du château de Versailles furent les ingrédients des négociations entre Français et Allemands pour le passage à l'Euro. Cette politique fut menée de main de maître par François Mitterrand et Jack Lang, chef de ses disciples. Comment être contre ? C'est beau un artiste, c'est beau un chateau, c'est beau une oeuvre mais la raison du coeur est dépendante des moyens financiers que seuls les secteurs créateurs de richesse apportent. L'argent du monde productif était appelé à financer le monde créatif, lui-même devenant un avenir professionnel à part entière. La tyrannie du coeur était en place à l'insu du plein gré des Français encore en partie endormis ou anesthésiés vis-à-vis des réalités économiques de ce monde qui, nous ne pouvons en douter, est une guerre permanente et de plus en plus cruelle.
Dans ce trou béant formé de 1981 à aujourd'hui, période de 40 ans d'approximations, de ratages ou d'odieuses captations, la France,essaie de se relancer pour reprendre quelques unes des suprématies technologiques qui décideront des leaders de ce 21ème siècle.
Monsieur Giscard d'Estaing lors de son dernier discours de Président et cet au revoir funeste, tournant le dos à une France infidèle sera de nouveau visionnaire. Derrière lui, rien ou presque rien de structurel n'a été réussi pour notre avenir. En balayant, vite bien fait la mémoire et l'action de cet homme, une bonne partie des Français font la preuve qu'ils demeurent "cablés" sur cette construction du monopole du coeur, fausse bienveillance en réalité car les apôtres de ce monde dit des gentils sont les plus féroces pour défendre leurs places et coopter familles, amis et relations d'intérêts. La dictature du monopole du coeur est bien accrochée dans les médias, dans l'éducation nationale, dans tout ce conglomérat du monde associatif et des ONG. Elle vacille mais ne rompt pas puisqu'en France on préfère les metteurs en scène que les inventeurs.
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