La diplomatie du Golfe s’impose sur la scène mondiale
La diplomatie du Golfe fait actuellement des vagues avec ses déplacements régionaux et internationaux actifs et consécutifs. Son Altesse le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan, le président des Émirats arabes unis, a entamé une importante visite en Russie, suivie d’un voyage en Serbie. Dans le même temps, le prince héritier Mohammed bin Salman d’Arabie saoudite a effectué une visite en France.
Ces déplacements dressent un tableau saisissant de la présence influente et des prouesses stratégiques de la diplomatie du Golfe, ainsi que de sa capacité à naviguer et à saisir les opportunités dans ses relations avec les alliés et partenaires internationaux. Ils véhiculent le message que les États-Unis ne sont plus le seul acteur dominant à mener la barque dans la région du Golfe, d’autant plus que ces actions diplomatiques ont lieu immédiatement après la visite du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, au Royaume d’Arabie saoudite, où il a rencontré ses homologues des pays du Conseil de coopération du Golfe.
La récente visite de M. Blinken a marqué un changement notable dans le ton du discours américain, en particulier à l’égard du Royaume d’Arabie saoudite. Elle a implicitement signalé l’acceptation des changements intervenus dans les orientations de la politique étrangère saoudienne au cours des dernières années. Le secrétaire d’État américain s’est empressé de montrer la force du partenariat avec l’Arabie saoudite, malgré les différences évidentes entre les deux alliés sur diverses questions.
Lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue saoudien, M. Blinken a précisé : « Nous ne demandons à personne de choisir entre les États-Unis et la Chine » et a ajouté : « Nous essayons simplement de démontrer les avantages de notre partenariat et l’agenda positif que nous apportons ». Ce discours s’éloigne du ton condescendant typique du discours politique américain.
Cela découle principalement de l’évaluation stratégique effectuée par les cercles décisionnels et les institutions américaines, qui a révélé la difficulté de renoncer aux avantages d’un partenariat de longue date avec un allié clé comme le Royaume d’Arabie saoudite. Elle souligne également que les États-Unis seraient fortement désavantagés dans la lutte intense pour la domination et l’influence face à la Chine au 21e siècle.
Cette démonstration d’« humilité » dans la présentation de la position américaine face au défi stratégique posé par la Chine signifie un changement qualitatif notable dans la stratégie américaine et une reconnaissance de l’acceptation de la divergence des perspectives des deux alliés sur diverses questions. Il s’agit notamment des relations avec la Syrie, de la coopération avec la Chine et de la position sur la guerre en Ukraine, entre autres.
Ce qui précède représente un triomphe pour la diplomatie saoudienne dans la reconfiguration de ses relations avec un allié historique comme les États-Unis. Elle est parvenue à maintenir les liens de partenariat tout en préservant la capacité du Royaume à manœuvrer et à diversifier les partenariats avec d’autres grandes puissances internationales. Cela est d’autant plus important que l’Arabie saoudite est devenue une plaque tournante pour environ 26 % de l’ensemble des relations commerciales et des investissements de la Chine dans la région du Moyen-Orient. Cela souligne l’importance de maintenir un équilibre délicat afin d’atteindre les objectifs stratégiques du Royaume.
Il ne fait aucun doute que la diplomatie du Golfe opère avec une finesse et une perspicacité exceptionnelles dans ses sphères d’influence régionales et internationales. Les capitales du Golfe sont devenues des destinations attrayantes pour les décideurs du monde entier, notamment à la suite de l’apaisement des tensions avec l’Iran et la Turquie.
Une confrontation entre les pays du Golfe est désormais hautement improbable, grâce aux manœuvres stratégiques entreprises par les capitales du Golfe pour neutraliser la menace iranienne potentielle tout en sauvegardant leurs propres politiques et positions, qui sont étroitement liées à leurs intérêts stratégiques. Un exemple notable est la reprise des relations entre les capitales du Golfe et Téhéran, qui n’a pas eu d’impact sur la coopération officielle qui a récemment émergé entre certaines de ces capitales et Israël. On estime généralement qu’il n’y aura pas d’effet d’entraînement potentiel, car l’approche du Golfe est fondée sur l’absence d’une politique d’alliances et sur l’élargissement des canaux de coopération et l’établissement de liens avec toutes les parties concernées. Cette politique astucieuse vise à maximiser et à exploiter les avantages de la coopération régionale pour faire avancer les ambitieux projets de développement du Golfe, tels que la Vision 2030 du Royaume, la Vision 2071 des Émirats arabes unis et les objectifs et principes du Document 50.
Les mouvements diplomatiques actuels du Golfe témoignent d’une adaptation sans faille à l’évolution du paysage stratégique international. Ils constituent des réponses sensées aux transformations en cours de l’ordre mondial, grâce à l’acquisition d’options alternatives qui s’alignent sur les opportunités et les défis de la réalité dominante. Il ne fait aucun doute que les nouvelles approches du Golfe ne sont plus une simple réaction aux politiques des grandes puissances, même si elles ont commencé par là. Elles sont rapidement passées au stade de l’initiative et de l’action, ces pays devenant des acteurs politiques actifs.
Nous assistons en effet à l’émergence d’un nouveau Golfe et d’un nouveau Moyen-Orient. Toutefois, ce qui est particulièrement remarquable cette fois-ci, c’est que les contours de cette nouvelle réalité ne proviennent pas de sources extérieures et qu’ils n’ont pas permis aux principaux acteurs de les façonner en fonction de leurs visions stratégiques. Au contraire, cette réorganisation stratégique a été accomplie par le biais d’un scénario différent élaboré par les nouveaux acteurs régionaux, tels que le Royaume d’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
En outre, nous assistons à l’émergence de nouvelles stratégies diplomatiques dans le Golfe qui privilégient des réponses agiles et adaptables aux changements, en s’éloignant des modèles rigides qui ont régi les politiques étrangères des pays de la région pendant des décennies. Cette évolution se manifeste par des prises de position manifestes, telles que la promotion de liens plus étroits avec la Chine, la décision de la Syrie de réintégrer la Ligue arabe, la reprise des relations avec l’Iran par le biais d’une communication directe, comme dans le cas des Émirats arabes unis, et d’une médiation chinoise, comme dans le cas de l’Arabie saoudite. Ces évolutions ont de profondes implications sur les changements qui s’opèrent dans la région et dans le monde.
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