La double nationalité : un serment… d’hypocrite ?
La double nationalité, appelée bi-nationalité, est un sujet particulièrement sensible dont la mise en cause est considérée comme politiquement incorrecte, au risque d’être marqué du sceau de l’extrémisme !
Quelle est l’origine de la double nationalité ?
Instaurée en 1295, par la même lutte contre les anglais, la "Auld Alliance" (en anglais « old alliance » qui signifie vieille alliance) entre la France et l'Ecosse garantissait la double nationalité française et écossaise aux sujets des deux couronnes.
C’est sous le roi de France Charles VII que l’alliance fut confirmée par l’incorporation des gardes écossais dans la Maison du Roi, jusqu’à la Restauration. Est-ce pour autant l’origine juridique de la double nationalité ?
Il est difficile de le penser car au XVème siècle la France était royaliste. Or, la notion de nationalité n’a été officiellement reconnue qu’au moment de la Révolution française avec la référence au droit du sol, permettant ainsi à chaque enfant né sur le territoire national de devenir français, indépendamment de l’origine de ses parents.
En France, le principe de la double nationalité semblerait dater du début du XXe siècle, s’inspirant de la loi allemande quand en 1913 elle permet aux allemands naturalisés à l’étranger de conserver leur nationalité d’origine. Mais le principe de la bi-nationalité s’impose vraiment en 1927 quand la France s’engage dans une politique de naturalisation massive pour tenir compte de la perte d’un million et demi d’hommes au cours de la Première Guerre mondial et faire face à la baisse démographique. Toutefois, le législateur ne précise pas si le bénéficiaire de la naturalisation française conserve ou pas sa nationalité d’origine.
Depuis cette époque la France, par défaut de précision et de position officielle sur le sujet, accepte le principe de double nationalité, sans imposer la renonciation à la nationalité d’origine. Le concept de double nationalité s’est encore davantage ancré et développé à partir de 1973 par la reconnaissance de l’égalité des droits de la femme, faisant que la femme ne perdait plus sa nationalité française en se mariant avec un homme d'une autre nationalité. Elle la transmet alors par la loi du sang à ses enfants, en même temps que son mari transmet la sienne.
En France, le principe de bi-nationalité est donc une conception morale relevant de l'appartenance simultanée d'une personne à la nationalité de deux Etats. Cela s’applique aussi bien pour un Français ayant acquis une autre nationalité que pour un étranger devenu français et ayant conservé sa nationalité d'origine. Une conception morale car légalement la France ne reconnait pas la double nationalité. En effet, aucune loi ne traite le sujet d’une deuxième nationalité, se limitant simplement à reconnaitre l’acquisition de la nationalité française par naissance sur le sol français, par mariage ou en cas de naturalisation, sans se soucier d’une ou plusieurs autres nationalités. Car en effet, un enfant né en France de parents étrangers est français par la loi du sol mais il est aussi de la nationalité de chacun de ses parents par la loi du sang, s’ils sont de nationalité différente : cet enfant est donc tri-national !
N’en rajoutez plus… la cour des miracles est pleine !!!
Comment aborder la situation juridique de la double nationalité ?
Plusieurs situations se présentent et peuvent faire l’objet de dispositions réglementaires dès lors qu’aucune législation portant sur la bi-nationalité ne vient entraver les options retenues.
• Enfants nés d’un parent français et d’un parent étranger
• Enfants nés de deux parents étrangers de même nationalité ou de nationalités différentes • Mariage d’un français (homme ou femme) avec un étranger
• Naturalisation
1) Enfants nés d’un parent français et d’un parent étranger La nationalité d’enfants nés en France d’un parent français et d’un parent étranger, est soumise à la double filiation du droit du sang transmise par le parent Français et la nationalité attribuée par le parent étranger. Dans ce cas, la prise en compte de la nationalité du parent étranger n’est toutefois pas obligatoire, à l’exception de quelques rares pays comme le Maroc et Israël.
Hormis cette situation spécifique, au plus tard à sa majorité, l’enfant a le droit de ne retenir qu’une des deux nationalités. Cette situation éviterait les cas douloureux d’enfants binationaux « enlevés » par le parent étranger, avec toutes les difficultés administratives et juridiques qui en découlent et durent pendant des années. Combien de postulants le font préférant profiter des avantages de la bi-nationalité, sans en mesurer les effets et les inconvénients ?
2) Enfants nés de deux parents étrangers Jusqu’à sa majorité le jeune bénéficiera d'un titre d'identité républicain lui permettant de justifier sa nationalité française. A 18 ans au plus, il aura de plein droit et automatiquement la nationalité française, selon certaines conditions administratives et son consentement obligatoire.
a) Acquisition de la nationalité française entre 13 et 16 ans
Les parents étrangers d'un enfant né en France, âgé d'au moins 13 ans et qui réside habituellement en France depuis l'âge de 8 ans, peuvent réclamer, au nom de l'enfant, la nationalité française par déclaration. Le consentement du mineur est obligatoire sauf en cas d’un empêchement majeur de pouvoir exprimer sa volonté.
b) Acquisition de la nationalité française entre 16 ans et 18 ans L'enfant né en France de parents étrangers, peut devenir Français sans attendre sa majorité. Il peut, à partir de l'âge de 16 ans, réclamer la nationalité française par déclaration, sans autorisation parentale s’il réside en France et si depuis l'âge de 11 ans sa résidence habituelle en France a été d’une période continue ou discontinue d'au moins 5 ans.
c) Acquisition automatique de la nationalité française à 18 ans Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert, de plein droit et de façon automatique, la nationalité française à ses 18 ans si, à cette date, il réside en France et s'il a eu sa résidence effective et habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins 5 ans depuis l'âge de 11 ans. Le jeune n'a aucune démarche à faire pour acquérir la nationalité française puisque cette acquisition est automatique, c’est le principe du droit du sol mais il devra prouver sa nationalité pour obtenir un document d'identité comme une carte nationale d'identité ou un passeport.
Par l’acquisition de la nationalité française d’un enfant né sur le sol français de parents étrangers, il ressort nettement que la conserver n’est pas une obligation. De nationalité étrangère par les parents, la double nationalité est un choix que le mineur peut faire ou ne pas faire, en toute conscience, au plus tard à 18 ans.
Par conséquent, est français qui veut l’être. Selon cette assertion, dans l’hypothèse où d’autres valeurs que celles de la République Française l’emportent aux yeux de cette personne née en France d’un ou des deux parents étrangers, il lui est possible et reconnu de droit de ne pouvoir disposer que de la nationalité étrangère de ses parents. Il n’y a pas d’obligation ni de fatalité à rester Français mais l’accepter impose le respect intégral des valeurs de la république et de ses symboles !
Sur ce sujet, il faut être clair, ce qui est loin d’être le cas dans ce domaine. Actuellement, être nationaliste au sens historique de la Révolution française et républicain dans l’esprit gaullien est assimilé à un signe d’extrémisme comme certains commentateurs et politiciens le dénoncent, rapprochant ces valeurs à celles des groupes ou partis fascistes. Un amalgame et une manipulation politicienne qui desservent la politique comme instrument d’administration et d’organisation de la Société !
Selon le principe de souveraineté, la France considère que le citoyen binational bénéficie de l'ensemble des droits et obligations attachés à la nationalité française, qu'il s'agisse d'un étranger devenu français ou d'un Français ayant acquis une autre nationalité. Ces binationaux sont considérés comme son ressortissant exclusif par chacun de ces Etats. Chaque français dispose des droits reconnus à sa qualité de citoyen français avec l’obligation d’appliquer les lois de la France ; c’est un principe d'ordre public.
En conséquence, un Français binational ne peut pas faire prévaloir sa nationalité française auprès des autorités de l'autre État dont il possède aussi la nationalité, lorsqu'il réside sur son territoire et, réciproquement, pour un résident binational d’un pays étranger résidant en France ; qu’il s’agisse d’engagements politiques, de rites culturels ou de pratiques publiques liées à une religion. Cette règle est intangible et c’est le devoir de l’Etat de la faire respecter. Un Gouvernement n’a aucun mandat du peuple pour interpréter les textes réglementaires ou agir dans la direction qu’il a choisie comme bon lui semble, au mépris des valeurs historiques de la République et des lois. En cela, au delà du débat, il commet une forfaiture.
D’autres situations peuvent permettre d’acquérir la nationalité française.
1. Acquisition automatique de la nationalité française par mariage Un étranger qui épouse un ou une Française, peut plusieurs années après la célébration du mariage, déposer une demande de nationalité française. L'acquisition de la nationalité par mariage n'est pas automatique, il faut en faire la demande par une procédure de déclaration et réunir plusieurs conditions précises.
2. Acquisition de la nationalité française par naturalisation La naturalisation n'est pas un droit. L’administration dispose d’un large pouvoir discrétionnaire car même si les conditions légales sont remplies elle pourra refuser la demande. Quand une personne devient française, le droit français prévoit que cela n'a pas d'effet sur sa nationalité d'origine et en pratique, elle peut généralement la conserver et être donc binationale. Cependant, depuis la loi du 16 juin 2011, lors de son acquisition de la nationalité française, l'étranger doit indiquer à l'autorité compétente la nationalité qu'il possède déjà et s’il souhaite la conserver en plus de la nationalité française.
Est-il possible de restreindre l'accès à la bi-nationalité ?
Aucun texte de loi statue sur l’existence légale de double nationalité, il est donc toujours possible de se prononcer et de légiférer sur cette question importante de société. Néanmoins, d’un point de vue politique il est souvent difficile de revenir sur une question de non-droit ayant une valeur aussi symbolique que celle de la nationalité, malgré certaines conséquences ou infractions liées à cette situation.
Restreindre l’accès à la bi-nationalité, c’est pouvoir déchoir un citoyen français né d’un ou deux parents étrangers de la nationalité française. Né Français, personne ne peut lui retirer, contre son gré, la nationalité française.
D’autre part, la déchéance de la nationalité française ne peut s'appliquer si elle a pour résultat de rendre la personne apatride. En d'autres termes, l'intéressé doit avoir une autre nationalité pour que la nationalité française lui soit retirée. Néanmoins, restreindre l’accès à la double nationalité par l’abandon obligatoire de la deuxième nationalité est possible, à l’exception de pays comme le Maroc ou Israël qui pratiquent l'allégeance perpétuelle nationale, ne laissant pas à ses ressortissants la possibilité de renoncer à leur nationalité. Dans ce cas spécifique, le jeune né en France de parents étrangers, qui remplit les conditions pour acquérir la nationalité française de plein droit à sa majorité peut la refuser, possédant une autre nationalité.
Toutefois, en l’état actuel de la réglementation, rien ne l’empêche officiellement de conserver la double nationalité. Mais le choix de la conserver ne doit pas être ensuite manifesté par l’intéressé comme un handicap dans la vie sociale. Cette situation n’est pas alors en contradiction avec des mesures coercitives de restrictions, de déchéance ou d’expulsions vers le pays d’origine de l’intéressé, par des décisions de justice, en cas d’infractions aux principes d’ordre public, c'est-à-dire d’atteinte à la paix sociale, la sécurité publique, la sûreté nationale ou de troubles caractérisés à l’ordre public.
Dans cet esprit, Nicolas Sarkozy avait demandé que la nationalité française puisse être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme, ou de tout autre dépositaire de l'autorité publique. Une demande sans doute classée dans l’armoire aux oubliettes d’une commission parlementaire !
De nombreuses propositions ont également été à plusieurs reprises formulées sur l’abandon de la double nationalité. Claude Goasguen, député UMP de Paris avait, dans un pré-rapport sur le droit de la nationalité publié en 2011, proposé de subordonner la nationalité française par mariage ou par naturalisation à « la renonciation expresse du déclarant » à sa nationalité étrangère. Selon le rapport du député, la double nationalité constitue « un vecteur potentiel de conflits d'allégeance et d'intérêts » entre le pays d'origine et celui d'adoption, concernant, par exemple, les substitutions d’enfants de parents binationaux.
Une proposition retoquée lors d'une simple réunion du groupe UMP alors que cette question, comme d’autres qui engagent des valeurs fondamentales de la Société, pourraient faire l’objet d’un référendum d’initiative populaire sur les bases d’une pétition nationale. Le référendum d’initiative populaire est très peu répandu dans le monde. En Europe, il n’est réellement pratiqué que par la Suisse, l’Italie, quelques länder allemands, la Croatie et certains pays baltes.
Il faut un début à tout…et surtout une fin à l’hypocrisie politique !
Gérard Bellec
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