La fable de l’opération d’Abbottabad à nouveau écornée
Tout le monde se souvient de la "capture" de Ben Laden et sa fin misérable comme manger à poissons de l'Océan Indien. Dans ce récit moult fois remanié, un élément continue à intriguer : ce qui serait arrivé exactement à un des deux hélicoptères "spéciaux", lors de l'opération. On a pu voir ce qu'il en restait, à savoir un bout de queue pendant à l'extérieur de la villa du soi-disant reclus le plus recherché au monde. De l'engin lui-même, il nous a été raconté que tous les occupants s'étaient sortis vivants de son crash. Ce qu'on avait eu un peu de peine à croire, à voir ce qu'il en restait. Trois mois plus tard, étrangement, on retrouvait pourtant les corps d'une partie de l'équipe de l'assaut... mais à un tout autre endroit, en Afghanistan, dans un autre accident d'hélicoptère, cette fois soi-disant abattu par une roquette de bazooka taliban. Là encore on avait eu un peu de mal à croire à la version, vu l'appareil, inadapté à la mission qu'il était censé faire et surtout en raison de ses occupants fort particuliers. Mais depuis quelques semaines, on a plus de mal à s'y retrouver encore...
Figurez-vous en effet qu'une famille d'un des soldats décédés estime avoir été complètement trompée sur l'état du corps de leur fils décédé. Elle l'avait fait incinérer étant donné ce qui leur en avait été dit sur son apparence. Car dans le lot de tués, certains l'ont été, et d'autres pas, sans qu'on n'en sache très bien la raison. Et sans que les familles puissent s'y retrouver dans un dossier d'information sur l'accident pesant aujourd'hui plus de 1300 pages. J'ai toujours dit que lors du raid, il y avait eu nécessairement des tués. Pourquoi autant le nier en racontant une seconde fable, ajoutée à la première, c'est bien tout le problème de militaires enferrés chaque jour un peu plus dans un gigantesque mensonge. Plus on avance, et plus on découvre que le fameux Zero Dark Thirty n'a été qu'un Eagle Claw Bis (*). Un fiasco total, déguisé en opération de bravoure devenue culte hollywoodien. Explication de ces sigles barbares dans les lignes qui suivent....
Cette fois, c'est en effet une affaire d'incinération dont l'information nous est survenue à la fin de cet été déjà qui nous a mis la puce à l'oreille. Celle du corps d'un Marine, réclamé par sa famille... et qui aurait été incinéré par erreur. Un des Marines qui aurait participé au raid d'Abbottabad, justement. Le site Infinite Unknown, qui reprend les infos d'autres journaux, révélait cet été un des cas surprenant des conséquences tragiques de la chute du Chinook afghan, une révélation dûe à un beau mic-mac de communication au sein de l'armée américaine au sujet de ce qui avait été fait des corps des accidentés. Depuis plusieurs mois maintenant, le soupçon planait en effet sur cet étrange crash survenu à Tangi Joi Zareen, dans le district de Sayd Abad dans la province de Wardak. Déjà, en 2012, les parents des victimes avaient remis en cause le peu d'explications qui leur avait été données de l'accident. Des parents poussés à a la roue, il est vrai par toute une frange de complotistes du Tea-Party (voisins en idée de l'extrême droite française). Certains en ont fait un livre depuis, telle l'histoire de Billy Vaughn contée par Monica Morill et Cari Blake (le Marine s'appelant Aaron C.Vaughn, montré ici en à gauche). Celui relatant la chute d'un Chinook plutôt vieillot abattu par une (ou plusieurs ?) roquette (s) RPG tirée du toit d'un bâtiment par des talibans alors qu'il partait pour l'Operation "Lefty Grove", destinée à capturer un "haut gradé taliban" (**)..... Une véritable fronde était alors apparue chez les parents des victimes, qui avait au final obligé Jason Chaffetz (député républicain de l'Utah), le responsable du presgtigieux "House Oversight and Government Reform subcommittee on National Security " de faire une mise au point le 25 juillet dernier, annonçant que le Congrès allait enquêter sur ce qui s'était réellement passé.
J'avais ici même, dans une longue enquête sur le raid contre Ben Laden, ou plutôt contre celui supposé être à sa place, exprimé des doutes sur ce fameux crash survenu en Afghanistan, après l'expédition ratée pakistanaise. Pour ajouter à la confusion, lors de la cérémonie d'hommage aux victimes à Bagram, un aumonier musulman aurait en prime fait des remarques en arabe plutôt malvenues : "d'autres questions posées par les familles portent sur la configuration du Chinook, qui, affirment-elles, n’était pas équipé pour mener la mission dans laquelle il était engagé, ainsi que sur la cérémonie organisée sur la base de Bagram pour rendre hommage aux disparus. Devant les corps des victimes, un imam aurait déclaré, en arabe, que les militaires américains devaient “aller brûler en enfer” ajoute Zone Militaire, qui ajoutait que "certaines familles sont soutenues par l’organisation Freedom Watch, dirigée par Larry Klayman, un juriste qui, bien que proche du Parti républicain, a aussi bien lancé des procédures contre les administrations Clinton et Bush Jr. “C’est un scandale encore plus grand que Benghazi”, a-t-il déclaré. “Nous avons sacrifié 30 soldats américains. La grande question est de savoir si ces Américains courageux ont été vendus par le gouvernement afghan comme moyen de paiement aux talibans pour la mort de Ben Laden”, a-t-il poursuivi". Les commentateurs du site faisant remarquer la dimension "hollywoodienne" donnée à l'événement en remettant en cause le coup improbable du commentaire de l'aumônier, qui semblait bien avait été inventé pour attirer davantage l'attention des médias.... les parents auraient visiblement été manipulés...
La presse, en tout cas, aidée par les familles soucieuses d'obtenir des éclaicissements sur la mort de leurs enfants, relatait l'étrange mission de l'hélicoptère en termes plus que dubitatifs : "trente membres d'une équipe de Seals 6, de la garde nationale et de l'armée de réserve ont été tués dans un hélicoptère CH-47 décrépit datant de 1960 (quelque chose, qui, selon les experts militaires, était du jamais vu - ci contre à droite le type d'appareil visible au Viet-Nam en 1968)". Car pour les experts militaires, "les opérations spéciales ont toujours été menées avec des hélicoptère MH-47 récents des Seal Team 6 (voir ici leurs exploits et leur appareil préféré), exclusivement transformés pour, en outre, ne jamais embarquer beaucoup de personnel des opérations spéciales dans une seule machine. Les Seals ont toujours été divisés en petits groupes, répartis dans plusieurs MH-47" précisait encore l'article. Un hélicoptère "crashé" qui ressemblait déjà à une épave volante...et pourtant bourré à ras bord de "Marines" il y avait de quoi émettre de sérieux doutes à ce stade sur la version officielle !!! Un ancien Seals s'étonne ici lui aussi du choix du matériel ce jour-là et tente une maigre explication : "Maintenant, je sais que la famille est en colère à propos de l'âge de l'appareil et le fait que c'était un modèle "D" par rapport à un modèle "H". L'unité utilisant UNIQUEMENT le MH-47H (visible ici à gauche) est le 160th Special Operations Aviation de l'Armée Regiment (Airborne), un groupe connu sous le nom de Night Stalkers. Alors que toutes les unités des forces spéciales (par exemple, béret vert, SEAL, Delta) s'équipent en fait à la demande pour leurs missions, il n'y a pas assez de ces appareils pour répondre à toutes les demandes". Au passage, notre vétéran indique que les pilotes de ce genre d'engins ont obligatoirement reçu le programme SERE (que l'on connaît aussi pour avoir été dévoyé et devenir le manuel de tortures utilisé par les miilitaires US, notamment à Guantanamo ou dans les prisons dites de "renditions" (à droite un autre crash de Chinook survenu le 17 février 2007).
Un cas en particulier soulevait des questions. "Lorsque le CH- 47 Chinook avait été frappé violemment et à "100 pieds de hauteur" avant de s'écraser dans une boule de feu, le Marine Michael Strange a été éjecté en dehors de l'hélicoptère", relate Infinite Unknown. Les occupants restés à bord avaient tous péri brûlés... sauf ceux éjectés. Or Charles Strange, de Philadelphie, le père de Michael, avait déclaré à la presse que "deux représentants des Marines l'avaient informé que son fils avait été lui aussi « brûlé ». Basé sur cette information, a-t-il dit , lui et la mère de Michael ont donc autorisé la crémation de l'officier marinier. Mais Strange a reçu un choc quand il a reçu une copie de demande de l'autopsie de son fils de 25 ans en décembre 2011. " J'ai lu le compte-rendu, " a-t-il dit ." Ses poumons étaient intacts. Sa rate était OK. Les côtes étaient en bon état. Et je suis là, à me demander quoi ??? ? En réalité, mon fils n'avait pas à être incinéré . Il y était, là, couché . Seule sa cheville était abîmé. Et il était là, portant toujours son fusil à la main. Il n'était pas brûlé du tout". Pourquoi en ce cas avoir brûlé le corps, se demandait le père effondré. Et sa charge menée contre l'armée allait plus loin encore, selon la presse. "Charles Strange, a dit avoir vu les photos du site du crash. « J'ai vu le cadavre de Mike," a déclaré Strange dans une interview. « Il était clairement reconnaissable. Il serrait encore son fusil. Il n'avait pas été brûlé au point d'être carbonisé. Pourquoi ont-ils incinèré mon garçon ? Ils n'avaient pas besoin de le faire. Quelque chose ne va pas, là". Pour ajouter aux craintes du père sur une possible dissimulation, une dissimulation portant sur un autre aspect encore, relevée par les familles : « ce que nous savons, c'est qu'on n'a pas dit la vérité aux familles", a déclaré M. Klayman . « Ils méritent des réponses . Y avait-il des balles ou des éclats d'obus trouvés dans l'un des corps de nos soldats morts qui auraient pu être la suite d'une fusillade ou la détonation d'un dispositif entre les hommes et les sept Afghans commuté à la dernière minute ? Si certains corps ont été incinérés , ce qui était l'armée essaie de cacher ? ". Bonne question, surtout celle de la possibliité des balles contenues dans les corps, qui risquerait de rappeler qu'à Abbottabad aussi, des échanges de tirs nourris avaient été entendus...
Le rapport du Commandement central américain sur le crash, rendu public en septembre 2011, ne faisait pas fait mention de l' état du corps de l'officier marinier Strange, note le magazine. Dans le rapport, Strange avait pu voir aussi une photo de l'appareil au sol (ici en haut du chapitre précédent, à gauche) : or elle présentait des morceaux non brûlés, au contraire de la seule photo présentée jusqu'ici du désastre, celle d'armes prises en gros plan (visible ici à droite). Une vidéo d'AP censée montrer les débris n'en montrait pas plus (on n'y montrait que d'infimes détails !), et ne correspondait pas non plus avec la photo de base du rapport.... Le Huffington Post parlant à partir du même document de "pièces de la taille de souvenirs" à propos des débris. Le film joint montrant un terrain humide... et pas de morceaux carbonisés ! Sur la vidéo du groupe d'extrême droite US supportant le combat des familles de Seals tués, on ne trouvait pas mieux : les morceaux montrés semblant plutôt avoir été ramassés dans un tout autre endroit ! Aucun document ne correspond, sur ce crash à un hélicoptère carbonisé !
Pour couronner le tout, cet été également, on était revenu sur l'attaque elle-même d'Abbottabad. Il n'y a pas que la famille d'un des Seals tués, ou plusieurs familles dépitées qui ont fait craquer le vernis recouvrant la belle histoire du fameux raid. L'homme présenté aux médias comme ayant tué Ben Laden affirmait aussi... ne pas l'avoir reconnu (mais l'avoir descendu quand même, ce qui devient grotesque, sinon affligeant et confondant !!). Or jusqu'ici, toutes les versions du Pentagone expliquant le raid avaient insisté sur le fait que le tueur avait... reconnu sa cible avant de l'abattre (c'est la célèbre séquence "Geronimo" racontée par Schmidle fils d'un haut gradé du Pentagone !) "Ça aurait pu être n'importe qui" .. " affirmait ce jour-là le tireur.... Sur la vidéo le faisant remarquer, on peut lire cette autre étrange assertion : "plus tôt cette année, en réponse à une demande d'enregistrement ouvert, le Pentagone a déclaré à l'Associated Press qu'il n'a pas pu trouver des photographies ou des vidéos prises durant le raid ou montrant le corps de Ben Laden. Il a également dit qu'il ne pouvait pas trouver des images du corps de Ben Laden sur le porte-avions de la Marine où le corps de l'al-Qaïda a été prise. Le Pentagone a également dit qu'il ne pouvait pas trouver un certificat de décès, rapport d'autopsie ou les résultats des tests d'identification par ADN de Ben Laden." Il est vrai qu'on nous avait promis des tonnes de documents ramenés du raid : les disques dur de l'ordinateur qui n'allait pas sur le Net malgré un réseau Ethernet qui courait dans la maison et une énorme antenne extérieure.... on n'a toujours rien vu, ni entendu depuis (à part de sombres conneries sur la vie sexuelle de Ben Laden et ses cassettes pornos ou son Stetson pour ne pas se faire repérer par satelllte en traversant son jardin, plus que risible !). Même en temps de ... fabrication complète, pour raconter une histoire qui serait censée se tenir, ça commence à faire long... de n'avoir aucun document à montrer : à laisser fortement supposer qu'une fois le problème évacué -se débarrasser de l'image de Ben Laden, et non de lui-même -déjà mort -, on jetterait le bébé avec l'eau du bain.... le crash toujours non élucidé d'Extortion 17 reste à ce jour un beau pavé dans la mare jeté à la tête des storytellers du Pentagone, qui n'ont pas chômé, pourtant depuis le 2 mai 2011... un Ben Laden pas reconnu par celui qui l'a descendu, dont le corps est devenu nourriture à poissons, un hélicoptère crashé qui fabrique une hécatombe de victimes carbonisées retouvées trois mois après à des centaines de km.. avouez que la pilule a de plus en plus de mal à passer.... pour la fable d'Abbottabad. C'est bien Seymour Hersh qui a raison : il n'y a rien de vrai dans cette farce !
(*) Eagle Claw étant l'opération menée en hélicoptère pour sauver des otages en Iran, sous Jimmy Carter, qui s'était soldée par un fiasco retentissant. Lire ici la comparaison.
(**) dans le livre, les story tellers s'en sont donné à cœur joie, en évoquant par exemple le tir de pas moins de 3 roquettes RPG en même temps ou presque pour abattre l'hélicoptère, ce qui est tout simplement... invraisemblable.
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