La fable du funambule et du roquet (Sarkozy, la Chine et les droits de l’Homme)
« Hé, Funambule, tu traites très mal Océan-de-sagesse, ce n’est pas bien ! »
« Ma colère sera terrible », répondit le funambule, qui continua son ascension, l’air très fâché. Un « ooooh » de stupeur parcourut l’assistance.
Il se passa peu de choses dans le village les semaines qui suivirent cet incident. Le funambule continuait son ascension, les gens se disputaient, s’aimaient, se tuaient parfois, comme dans tous les villages. Le roquet restait cependant profondément contrarié par ce que lui avait dit le funambule. Une angoisse sourde l’étreignait le soir dans son lit. Il avait oublié l’existence d’Océan-de-sagesse, mais revoyait encore l’ire se peindre sur le visage de l’acrobate.
Un changement se produisait imperceptiblement. Le roquet remarqua au bout de quelques mois qu’il s’aplatissait. Son corps fonctionnait comme avant, il mangeait, buvait, se déplaçait comme avant, mais son aspect physique n’était plus le même. Les villageois qui commençaient à s’apercevoir de cette modification étonnante riaient de lui. Même sa famille ne put s’empêcher de ricaner quand elle réalisa qu’il était si plat qu’il donnait l’impression de ramper. Etrangement, lui semblait ne pas s’apercevoir de ces moqueries. Certains disaient que le funambule lui avait jeté un sort.
Un jour que le roquet passa sous le fil du funambule ce dernier le salua aimablement tout en agitant son index en signe de menace. Le roquet, qui au fond de lui-même enviait le funambule et la manière dont il était craint et respecté dans le village, donna un de ses plus beaux sourires, enjôleur à souhait, et s’éloigna, un peu rassuré.
Quelques temps plus tard, alors que le mécontentement commençait à s’exprimer clairement contre le somnambule dont l’équilibre semblait plus précaire et dont l’attitude vis-à-vis de ses enfants devenait plus cruelle, le roquet passa, bon an mal an, sous le fil où se tenait le funambule. Le funambule, dont la journée s’achevait, s’exclama : « Oh, une carpette magique qui avance toute seule ». Il sauta de son fil sur ce qu’il avait pris pour un tapis et entendit un « merci » murmuré dans souffle alors qu’il aplatissait le petit chien de son lourd corps. Il reconnut alors le roquet, esquissa un sourire et lui jeta des miettes de biscuits qu’il lui restait dans sa poche. Il se dit à voix haute : « Allons voir les enfants, ces foutus voisins et l’oncle Sam ; des choses sérieuses m’attendent ! ». Puis il partit en sifflotant, laissant le roquet seul, souriant et remuant ce qui lui restait de queue avec une joie réelle. Ou joliment feinte.
Morale : La crédibilité politique, y compris dans la diplomatie, ne peut se bâtir sans cohérence, qui est en principe fondée sur une vision du monde solide. La politique des droits de l’Homme d’un Etat n’est pas un instrument au service d’une autre fin que la promotion de la dignité humaine.
Le résultat du non respect de ces deux principes est l’absence de légitimité tant auprès de son opinion publique que des autres chefs d’Etat, et en particulier de ceux à qui l’on imagine avoir fait un cadeau. Ce qui détermine la capacité de la France à vendre à la Chine, c’est la qualité de son offre et non pas les volte-face qui affaiblissent tant la capacité d’action de la diplomatie française sur les grands sujets et l’instrumentalisation des droits de l’Homme qui laisse à penser que nous n’y croyons plus nous même (certains n’y ont peut-être jamais cru).
Ce n’est enfin pas rendre service à la Chine qui comme un funambule, peut, sans réforme sérieuse de son développement économique et de ses structures politiques, tomber de son fil avec des conséquences terribles pour elle-même (son peuple) et le monde (http://ekaminski.blog.lemonde.fr/).
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