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La face cachée d’un prix Nobel de la paix

Si vous aussi vous pensiez qu'être prix Nobel de la paix c'était oeuvrer pour la paix, vous risquez peut-être de changer d'avis et de perdre quelques illusions en cours de route. 

A la lecture du nouvel ouvrage "Vers une économie à trois zéros" du prix Nobel de la Paix, Muhammad Yunus, je ne cesse de me questionner... Est-ce que ce monsieur Yunus est si naïf ? Est-ce moi qui ne comprends rien ? Est-ce ceux qui lui ont décerné le prix Nobel qui n'avaient pas compris ce qu'il fait réellement ? Sont-ils tout de mèche ?

Au début, j'ai acheté ce livre en me disant "tiens j'ai entendu parler de ce brave homme, il a inventé le micro-crédit à ce qu'on dit, il doit forcément être très intelligent, ça vaut le coup de lire son bouquin.". Mouais, simpliste comme raisonnement me direz-vous, et pourtant quand on se retrouve devant un rayon de la Fnac à l'aproche des fêtes de Noël, on évite de tergiverser des heures. Alors, j'en suis restée là de mon raisonnement, et me suis précipitée pour le payer, tellement j'avais hâte d'en commencer la lecture.

Au début, je me suis laissée embarquer dans cette idée que nous sommes tous des créateurs d'emplois, que les pauvres sont remplis d'idées et qu'il suffirait qu'ils aient accès à l'argent pour pouvoir les mettre en application et se sortir de la pauvreté... Et puis, j'ai commencé à déchanter quand j'ai lu que son institution si géniale de micro-crédit, la Grameen Bank, prête de l'argent à des femmes pauvres avec 20% de taux d'intérêt ! Alors M.Yunus n'appelle pas ça un "taux d'intérêt" il nomme cela une taxe, devant couvrir les frais de gestion, d'administration et d'accompagnement des entrepreneurs, mais 20% quand même ! Je me suis alors demandée pourquoi, une organisation censée ne pas faire de profit, selon l'éthique du social-business, prêtait son argent avec des taux plus élevés aux pauvres, qu'elle ne le prêterait aux riches, sachant que les taux de remboursement s'avèrent être identiques ? Est-ce vraiement cela la fin de la pauvreté selon un prix Nobel de la Paix ? Financiariser des millions de personnes, qui jusqu'à présent comptaient sur l'aide de l'entourage, et les ligoter à des emprunts en cascade à des taux prohibitifs ?

Ensuite, il relate un peu plus loin dans son livre, le projet qu'il a pu mettre en place en Colombie avec l'entreprise McCain (les frites). Les colombiens s'étant retrouvés ruinés depuis que les asiatiques avaient conquis le marché du café, il fallait leur venir en aide et leur proposer de cultiver autre chose. Alors, c'est là qu'une multinationale miliardaire s'est associéee avec M.Yunus pour faire un business social en se disant "tiens si on leur faisait cultiver des patates à ces pauvres". Ah ouais chouette bonne idée ! Donnons leur une variété à très haut rendement (la R12) afin qu'ils se sortent de la misère en cultivant des frites. Youpi !. On peut se douter que cette variété a peut-être un haut rendement mais qu'il va lui falloir des engrais, des pesticides, et tout un tas de traitement pour pousser, qui vont contraindre ces paysans à devenir dépendants des produits phytosanitaires pour continuer à produire en quantité suffisante pour que nous puissions manger nos frites. Là encore, drôle de paradoxe que de vouloir aider les pauvres tout en détruisant leur santé et la planète... Je m'interroge de plus en plus...

Et puis, encore un peu plus loin, j'apprends que non contents d'avoir réussi à faire entrer des millions de pauvres dans le circuit de la finance, les partisans du business social s'attaquent au marché de la micro-assurance, ciblant notamment les petits agriculteurs africains. Oui, car les grands exploitants ont déjà accès au marché d'assurance classique, mais apparemment il n'existe pas (encore) de produits de micro-assurance pour les petits exploitants agricoles. Pas de panique M.Yunus a trouvé une parade : le programme ACRE. En quoi ça consiste ? C'est très simple. Ce programme se base sur les technologies de l'information et de la communication pour fournir des produits d'assurance personnalisés aux agriculteurs en fonction d'analyses informatisées des données historiques sur les conditions météorologiques et les rendements des cultures. Ainsi, assurer 1 acre de maïs coûte en moyenne 37 dollars à l'agriculteur. S'il y a besoin d'un dédomagement, l'assureur ne se déplace plus, il se contente de regarder les données météorologiques, et le versement se fait en nature par des semences ou par virement sur le téléphone portable. Là encore, je m'interroge... Si l'on souhaite vraiment aider les pauvres, pourquoi ne pas simplement les indemniser en cas de besoin, plutôt que de leur faire payer une police d'assurance, qu'ils n'utilisereont peut-être même pas ? Et le paiement en nature par semence... Que sont ces semences ? Des semences hybrides de chez Monsanto qui nécessiteront l'achat de produits phytosanitaires en grand nombre pour lesquels il leur faudra contracter un micro-crédit à 20% d'intérêt ??

Plus j'avance dans cette lecture et plus je me dis que tout cela n'est qu'une vaste supercherie, et que sous couvert d'aider les plus démunis, le système mis en place par Yunus et ses accolytes ne fait que les faire entrer de gré ou de force dans un système capitaliste. Au moins, avec les multinationales il n'y a pas de surprise, on sait que leur moteur est le profit, là ce que je trouve le plus scandaleux, c'est cette hypocrisie reignant autour du social-business, qui arrive même à nous faire croire que cela vaut un prix Nobel de la Paix, alors que monsieur est poursuivi au Bangladesh pour ne pas avoir payé ses impôts sur les redevances de ses livres, et les cachets de ses conférences. Paradoxal non ?


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2 réactions à cet article    


  • benyx benyx 14 décembre 2017 22:37

    Parfaite analyse, les banksters veulent toujours se faire passer pour des bienfaiteurs.


    • JPCiron JPCiron 15 septembre 2019 21:32

      Sont-ils tout de mèche ? >

      .

      Je crois que vous avez fait le tour de la question.

      Il se trouve que tous ces gens pensent de la même manière, à l’intérieur du Système dans lequel ils ont grandi.

      .

      A la jonction du Système et du Réel, il y a des difficultés.

      Et l’on glorifie ceux qui traitent les effets des causes, sans jamais soupçonner l’existence de ces dernières.


      .

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Satine


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