La farce tranquille et la France sous tranquillisants
La crise de septembre 2008 a commencé en septembre 2012. Enfin, dans le cerveau de François Hollande et de ses ministres, bien sûr. Les Français, victimes du chômage, de la précarité, de la pauvreté, eux, savaient bien qu’elle était là, la crise. Depuis quatre ans, au moins !
Les jeux du cirque sont toujours divertissants et seraient plaisants à voir s’ils ne mettaient pas la France dans une position inquiétante pour son avenir.
Après votre prestation du 9 septembre 2012 sur TF1, me voici convaincu que vous êtes, Monsieur François Hollande, un champion olympique multitâches : à la fois bouffon (vous aimez plaisanter), clown (vous savez, celui qui dit avec une grosse voix qu’il est le Président de la République), funambule (un doigt de pied à gauche à 75%, un doigt de pied à droite en pleine valse des "Roms"), dompteur (de la haute finance, je crains pour votre tête, ça ne pardonne pas, les grands fauves), et avant tout, acrobate (avec le filet de votre majorité godillot).
Et heureusement, vous avez toute une armée mexicaine, une fine équipe de gaffeurs en tout genre et surtout, de prestidigitateurs… dont le meilleur est sans doute Arnaud Montebourg.
Comment un scénario politique aussi téléphoné pouvait-il se réaliser sans embûche ? C’est le mystère de la démocratie française. Pourtant, ce n’était pas faute d’être prévenu. Dès le 22 janvier 2012, l’issue était déjà connue. Pas celle de l’élection (je ne suis pas madame Soleil et je n’ai pas pour habitude de préjuger du vote des électeurs).
L’issue ? Un programme attrape-mouches pour faire un peu sérieux quand on surfe sur l’antisarkozysme primaire (avez-vous remarqué à quel point Nicolas Sarkozy a su redresser la barre ? qui aurait cru qu’il allait quand même atteindre 48,4% au second tour, mieux que Valéry Giscard d’Estaing en 1981, alors que les sondages lui donnaient à peine 40-45% ?) et une supposée préparation à gouverner après dix longues années de longues méditations entre éléphants carnivores.
Les Cassandre ne seront donc jamais écoutées dans le pays… Les on-vous-l’avait-bien-dit seront remisés au fond de la classe en attendant les jours meilleurs.
La crise financière était-elle donc bien la plus grave depuis 1929 ? Vous la découvrez ce dimanche, vous, énarque, vous, diplômé de la plus grande école de commerce, alors que cela fait quatre ans qu’on vous le martèle, Monsieur Hollande ! Jusqu’à la dernière minute de la campagne, vous l’avez niée, vous l’avez sous-estimée, vous l’avez négligée, vous l’avez oubliée, vous l’avez ignorée, et soudain, parce que l’incendie continue de se propager à tous les étages de l’État, vous criez enfin au feu ! Vous vous étonnez alors qu’on vous l’avait dit ! Incompétence ou hypocrisie ? Légèreté ou tromperie ? Les deux ?
L’endettement de la France était-il catastrophique ? Oui, bien sûr, vous l’avez évoqué pendant la campagne présidentielle. Des 600 milliards d’euros d’augmentation entre 2007 et 2012, les deux tiers proviennent des mesures dépensières décidées par le gouvernement …de votre ami Lionel Jospin ! en particulier les 35 heures. Eh oui, le PS ne reste pas longtemps au pouvoir (jamais plus de cinq ans, les électeurs le renvoient systématiquement après une prestation), mais il a le chic, quand il gouverne, de dépenser pour le long terme (sorte de souvenir à laisser de son passage dans l’histoire). Et vous vous apprêtez à faire de même en embauchant 60 000 fonctionnaires supplémentaires, soit 60 000 carrières d’au moins 40 ans, ainsi que leur future retraite, un investissement massif irresponsable dont l’efficacité n’a jamais été démontrée si ce n’est à finalité électoraliste.
Le Traité européen devait-il être renégociable ? Bravo Monsieur Hollande, vous avez poursuivi la seule politique qui vaille, celle d’une intégration européenne plus grande, mais nous n’avez pas le courage d’aller jusqu’au bout en inscrivant dans la Constitution cette nécessaire règle d’or budgétaire qui doit empêcher vos successeurs d’user de la même démagogie clientéliste que celle appliquée par facilité depuis plus de trente ans.
La TVA restauration était-elle une escroquerie de la droite et fallait-il la relever ? Bingo, vous la préservez, par faiblesse devant des groupes de pression (saurez-vous un jour gouverner ?), sous l’incompréhension même de l’opposition déjà très réticente lorsque la mesure fut mise en place… 4 milliards d’euros partis en fumées. Les contribuables vous applaudissent !
L’expulsion brutale des gens du voyage vous révulsait sous votre prédécesseur ? Vous poursuivez avec le même entrain, sans craindre la foudre de vos propres troupes. J’avais compris dès le 23 avril 2012, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, que vous ne défendiez pas plus la morale que votre concurrent. Que la morale n’était pas un critère de distinction entre vous deux quant il s’agit de racoler sur la place publique les voix de partis ouvertement extrémistes (Arnaud Montebourg a même eu le toupet de dire qu’il n’y avait pas de différence sur l’immigration entre le PS et le FN !).
Ne mêleriez-vous pas votre vie privée à votre vie publique comme vous avez accusé votre prédécesseur de l’avoir fait ? Il ne s’est pas passé un mois que votre charmante compagne ait agi publiquement contre la mère de vos enfants en des termes clairement humiliants. Oui, certes, vous ne contrôlez pas tout le monde, mais votre prédécesseur non plus, quoi qu’on ait voulu affirmer !
Vous dénonciez tout népotisme, vous candidat à la Présidence de la République, mais vous-même et vos ministres n’avez pas hésité une seconde à recruter des proches, des conjoints, des amis, des banquiers, dans vos cabinets, dans les institutions de la République, et votre gouvernement pléthorique, vos innombrables commissions (comités Théodule, comme les appelait De Gaulle), semblent donner le signal que vous voulez absolument faire fructifier votre furtif passage au pouvoir.
Vous vouliez la démocratie interne pour votre parti et vous choisissez à la tête du plus grand parti de France, sans consultation aucune, dans le secret des conciliabules opaques des palais nationaux, un sbire de Julien Dray épaulé par le maréchal en chef de la magouille en politique, déjà condamné pour abus de biens sociaux (le sbire de Dominique Strauss-Kahn n’aurait pas été meilleur, certes, et je comprends parfaitement cette déstrauss-kahnisation de la politique et de l’économie).
Oui, dans ces jeux du cirque, il était connu d’avance que la rentrée 2012 allait être chaude. Pour tout le monde, d’ailleurs, pour l’UMP qui est profondément divisée (j’y reviendrai), pour les centristes orphelins de candidat et de parti et en quête de sens (j’y reviendrai aussi), pour les écologistes incapables d’avaler vos couleuvres discrètement, et enfin, pour le PS et ses hiérarques qui commencent enfin à comprendre que l’exposition médiatique aux nouvelles technologies (twitter, facebook, iphone, ipad etc.) rend l’exercice du pouvoir plus que périlleux vis-à-vis de l’opinion publique.
Dans votre numéro de mimétisme mitterrandien qui n’en finit pas depuis janvier 2010, vous avez oublié un élément important : vous n’allez plus maîtriser votre parti et c’est un risque majeur pour vous. Vous avez laissé en jachère les compétences gouvernementales de Martine Aubry au profit de l’insipide Ayrault et même vos conseillers susurrent que par manque d'autorité, il est trop autoritaire avec vos ministres (voir le limogeage de la consciencieuse Nicole Bricq du Ministère de l’Écologie) et que vous allez devoir faire vous-même la coordination gouvernementale (ce que vous reprochiez à votre prédécesseur) dans l’attente de trouver une opportunité pour nommer un nouveau locataire à Matignon (dont le nom ne pourrait être que Manuel Valls, regardez l’horizon dégagé et quasi-vide de vos écuries !).
À propos d’écurie, Arnaud Montebourg est peut-être le meilleur exemple de l’année : sa duplicité (décalage entre verbe et actes) avait déjà été mise à jour en mars 2008 en cumulant (lui le pourfendeur du cumul !) son siège de député et la présidence du conseil général de Saône-et-Loire. Ses amitiés avec un jeune banquier désormais très influent (et employeur de sa compagne), et surtout, sa démagogie préélectorale et son action ministérielle paraissent fournir un morceau de choix dans le championnat du "foutage de gueule" (comme on dit). Car son petit numéro irresponsable à la suite de la décision de PSA de fermer l’usine Peugeot d’Aulnay-sous-bois et sa marche en arrière raisonnable après un rapport connu d’avance donnent de nouveaux arguments pour fustiger la gouvernance et reporter sa confiance vers des partis extrémistes qui n’apporteront rien au débat national.
François Mitterrand avait attendu juin 1982 pour commencer son virage de la rigueur (même si son grand argentier Jacques Delors, le père de la chef sortante du PS, avait demandé une pause des réformes dès octobre 1981).
Vous, Monsieur Hollande, magicien de la communication, centriste chez les centristes, gauchiste chez les gauchistes, champion national de la double langue de bois, vous réussissez le tour de force de ne rien avoir fait pendant quatre mois et de découvrir à la fin de l’été l’urgence de la situation grave qui plombe l’économie et l’emploi. Vous avez su garder le triomphe modeste mais vous êtes de la même farine que votre prédécesseur, et c’est en cela que vous avez trompé vos électeurs. Que, au bout de trois mois, des hebdomadaires soient capables de placer en une "Sarkozy avait-il raison ?" montre le chemin qu’il vous reste à parcourir pour entrer dans la fonction.
Normal, l’Élysée, c’est bien un lieu exceptionnel.
Il ne suffit pas de cacher son arrogance pour avoir la stature.
Et vous, électeurs de François Hollande :
Vous l’avez voulu ?
Assumez jusqu'au bout !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (14 septembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Programme de François Hollande.
État des finances publiques en 2012.
Le redressement selon saint Ayrault.
Bilan Sarkozy.
Tribune de KozToujours (du 4 septembre 2012).
Ayrault sur siège éjectable ?
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