La faute aux autres
Il est une idée communément admise dans les milieux aussi bien à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche, c’est que la source des maux dont souffre la France se trouve à l’extérieur. C’est la faute à l’Europe, aux mondialistes (chez certains dirigeants du FN), au capital vagabond, aux USA, à la finance mondiale (à l’extrême gauche) ou encore au sionisme, à Israël (aussi bien chez certains à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche).
C’est assez rassurant de se dire que c’est la faute aux autres mais cela ne pousse pas à l’action concrète et constructive : en dehors de la fin de l’Euro ou mieux encore de l’Union Européenne, d’une révolution ou d’un bouleversement mondial qui mettrait fin au pouvoir des financiers ou des Américains, il n’y a pas de pistes concrètes d’actions. En attendant le grand soir, on peut manifester son mécontentement, en parler dans des cafés où se réunissent des personnes de même tendance en attendant, brûler à l’occasion quelques pneus, se livrer à des débordements du style des zadistes mais tout cela ne demande pas un débordement de créativité ou d’investissement personnel.
Ce ne signifie pas que ces différents pouvoirs n’ont aucun influence sur notre situation, bien au contraire. Mais la question est comment nous réagissons à ces influences, est-ce que nous savons en faire un bon usage, par exemple la mondialisation peut être transformée en source d’opportunités ou en malédiction.
Si nous considérons la responsabilité de l’Europe dans nos maux actuels, on est amené à se poser certaines questions : si le marasme économique est la faute à l’Europe, alors pourquoi le chômage baisse partout en Europe sauf chez nous. Pourquoi notre déficit budgétaire va encore en 2016 dépasser les 3% de Maastricht chez nous et pas dans bien d’autres pays européens ?
Pourquoi avons-nous eu une augmentation de 43 % des fonctionnaires locaux en France, gauche et droite confondues, passant de 1.265.000 en 1994 à 1.811.000 aujourd’hui, sans qu’il y ait de rapport avec l’augmentation de la population et ceci malgré les appels de l’Europe et de l’Ocde à une diminution de la dépense publique ?
Pourquoi avec plus de 600.000 élus, sommes-nous très loin devant les autres, les champions de l’Union européenne dans ce domaine et ce malgré toutes les intercommunalités, fusions de région fusions de communes ?
Ce n’est pas l’Europe qui empêche la France de construire plus de places de prison (environ deux fois moins que dans d’autres pays comparables, comme l’Angleterre), ce qui aboutit à l’impossibilité de faire exécuter de nombreuses peines, faute de places. De même, ce n’est pas l’Europe qui empêche la France d’augmenter le budget de la Justice qui, selon de nombreux spécialistes, est très insuffisant, ce qui – à cause de la surcharge des tribunaux – nous vaut d’être régulièrement condamnés par la Cour européenne en raison des délais trop longs pour nos justiciables.
Concernant nos déficits, cela fait plus de 30 ans (depuis la fin du septennat de Giscard) que tous les budgets de l’État votés par le Parlement, année après année, sont déficitaires. Contrairement à ce qu’insinuent certains à l’extrême droite, on n’a pas attendu l’euro pour faire preuve de laxisme en la matière mais on s’est contenté d’emprunter en euros à des taux bas au lieu de réduire notre déficit en dessous des 3 %
En matière d’immigration, ce n’est pas non plus l’Europe qui nous impose d’avoir une politique particulièrement généreuse d’accueil et d’attribution de la nationalité française depuis des décennies. Ces temps-ci, après qu’Angela Merkel ait invité de façon un peu précipitée les réfugiés du Moyen-Orient à venir en Allemagne, plusieurs frontières se sont fermées en Europe, Hongrie, Slovénie, Autriche et d’autres pays prévoient de renvoyer de nombreux migrants (pays scandinaves) et les Allemands se posent pas mal de questions après les évènements du nouvel an à Cologne. Dans ce domaine aussi, on peut toujours dire que c’est la faute à l’Europe mais nous avons une grande marge de liberté, d'action et donc une grande responsabilité en tant que l''un des principaux pays fondateurs de l'UE en matière d'immigration.
Renégocier les traités européens, remettre en cause l’euro, proposer de sortir de Schengen, pourquoi pas ? Mais faire jouer à l’Europe le rôle de bouc émissaire pour des problèmes français n’est pas sain pour notre avenir.
On pourrait faire des raisonnements semblables pour les autres pouvoirs supposés être responsables de nos maux, la mondialisation, la finance, les USA etc.
Comme l’expliquait le philosophe René Girard, s’abriter derrière des boucs émissaires n’aidera en rien à résoudre les problèmes d’une société ou plus simplement, comme le dit un vieux dicton « mieux vaut balayer d’abord devant sa porte ».
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