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La fête des lumières : billet d’humeur

Chaque année, le 8 décembre, Lyon célèbre la fête des lumières. Cet article retrace l’histoire de cette fête depuis ses origines religieuses jusqu’à son rayonnement artistique actuel. En suivant les pensées d’un chroniqueur qui a assisté à la toute première célébration des lumières, on parviendra à ses étonnantes conclusions sur le but caché de cette fête aujourd’hui : l’expiation et la rédemption !

Lyon et la fête des lumières

Dimanche 9 décembre dernier, à Lyon, prenait fin la cent cinquante-cinquième édition de la fête des lumières. À l’origine de cette fête, la basilique de Fourvière, trônant sur une des collines de la cité. Au XVIIe siècle, la colline, qui était déjà un lieu notoire de la vie lyonnaise, prend une nouvelle importance. En 1643, alors que la peste sévit dans la région, les échevins de la ville font vœu de monter en pèlerinage chaque année à Fourvière si l’épidémie s’arrête. Et leur vœu est exaucé ! Dès lors, les pèlerinages se multiplient, et la chapelle, même agrandie, devient rapidement trop petite. En 1830, le clocher de la chapelle, dont il ne reste que ruines dangereuses, est démoli. On décide de le reconstruire et de le surmonter d’une statue dorée (qui sera conçue par le sculpteur lyonnais Fabisch). L’inauguration devait avoir lieu le 8 septembre 1852, fête de la Nativité de la Vierge, mais la Saône sortie de son lit a envahi le chantier où la statue doit être réalisée. L’inauguration est donc reportée au 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception. La statue est mise en place mais le mauvais temps contraint à reporter les festivités prévues, par exemple les feux d’artifice. Spontanément, les Lyonnais, par dévotion, mettent alors des lampions à leurs fenêtres en profitant d’une accalmie dans la soirée. Un chroniqueur : "Tout à coup apparaissaient à quelques fenêtres inconnues des lignes de feu... La ville s’était embrasée en un instant. Bientôt, il ne restait plus, sur la vaste étendue des quais, des rues, des passages ignorés et des cours invisibles, aucune fenêtre obscure. Les petits marchands illuminaient leurs baraques, leurs voitures et jusqu’aux bordures des trottoirs... (...) A huit heures, la population entière était dans la rue, circulant, paisible, joyeuse et attendrie. Les étrangers n’en revenaient pas de leur surprise, et les Lyonnais, tout emplis qu’ils étaient de cette fête improvisée, se demandaient comment, en un instant, une population de trois cent mille âmes avait pu être saisie de la même pensée." Les autorités religieuses suivent le mouvement, et la chapelle de Fourvière apparaît alors dans la nuit. Ce soir-là, une véritable fête est née ! Chaque année désormais, le 8 décembre, les Lyonnais déposent des lumignons à leurs fenêtres et se retrouvent pour déambuler dans les rues de la ville.

En savoir plus sur le site Fourvière.

En savoir plus sur le site officiel de la fête des lumières.

Comment notre chroniqueur décrirait-il cette fête aujourd’hui, en 2007 ? Dans le cœur de Lyon, il aurait du mal à apercevoir les lampions et les bougies sur les bords des fenêtres, non pas parce que cette charmante coutume a disparu, mais parce qu’elle est masquée par les éclats bien plus aveuglants des ambitieuses réalisations artistiques qui parsèment la ville pendant les quatre jours de festivité. Il aurait aussi du mal, convenons-en, à retrouver la ferveur religieuse à l’origine de cette fête. Enfin serait-il sans doute surpris de voir les dizaines et les dizaines de cars rangés le long des quais pour déverser des milliers et des milliers de touristes curieux dans les ruelles illuminées de Lyon. Et peut-être serait-il agacé par l’ameutement vorace de milliers et de milliers de chalands de saucisses et viandailles diverses, de vin chaud et de marrons, de barbes à papa et de beignets. Finalement notre chroniqueur serait perplexe face à cette métamorphose : la célébration de Marie devenue quelque fête tapageuse d’aujourd’hui. Pour rassurer notre chroniqueur, il serait toujours possible de le guider dans la banlieue de Lyon, les quartiers populaires, dédaignés par les administrateurs, qui gardent ainsi quelque grâce du passé : certaines rues calmes de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Vénissieux ou Bron offrent au passant la féerie de myriades de fenêtres miroitantes de bougies. Mais pour charmer notre chroniqueur, on pourrait aussi l’inviter dans les lieux choisis de Lyon, là où d’éblouissants dispositifs déploient leur beauté artistique. Au cours de cette promenade, il faudra veiller à l’humeur de notre chroniqueur, emporté dans des mouvements de foule insupportables et parfois effrayants. On pourra lui offrir quelque repos devant une chorale improvisée toute pénétrée d’une pensée religieuse qui a aujourd’hui déserté l’esprit de la fête. Mais voyons maintenant ce qu’il y aurait à voir pour notre chroniqueur :

Le dispositif couronné cette année par le trophée des lumières : régénération naturelle.

Un menu des festivités avec projection des artistes : signalétique lumière.

Certaines rues tout feu tout flamme grâce à des effets impressionnants : parcours lumière.

Des arbres lourds de grappes multicolores : vergers d’antan.

Des fleurs géantes à la tête de lumière : cocon tige.

Enfin pour le lecteur curieux, tout le programme 2007 : accueil du site officiel.

Notre chroniqueur transi ne ressortira-t-il pas ébaubi d’un telle abondance ? Après des heures de marche harassante entre les étalages odorants de vendeurs de grignotes et la foule dense et énervée, n’aura-t-il pas quelque vertige ? Comment réagira-t-il alors à la transformation du merci à Marie en cette formidable foire, ambitieuse, commerciale, où nombre d’artistes locaux et de vendeurs ambulants trouvent une belle occasion de travailler ? Alors ? Lyon, ville lumineuse ? Lyon, ville chaleureuse ? Que notre chroniqueur reste donc quelques jours à Lyon en dehors des fêtes, pour explorer le quotidien de cette cité. Qu’il entre dans une boutique et lance son fringant et habituel « Bonjour messieurs dames ! » Il y découvrira ce qu’on récolte, à Lyon, de cette amabilité : essentiellement de l’indifférence, mais aussi quelques regards froids, parfois même une expression réprobatrice. Que notre chroniqueur attende dans un bus la montée du conducteur qui commence son service, il le découvrira murmurer un salut poli à son équipage atone et méprisant. Qu’à cela ne tienne ! Notre chroniqueur marchera donc seul dans la rue, sifflotant son bonheur de découvrir le monde cent cinquante ans après lui : funeste idée de manifester sa bonne humeur dans une rue de Lyon ! Les passants en semblent consternés et, de toute la force de leurs sourcils froncés, encouragent notre chroniqueur à cesser de tels enfantillages. Mais il n’a pas le temps de s’attrister, sa vie est maintenant en jeu ! Eh oui, que se passe-t-il quand un piéton traverse un passage piéton alors que se profile quelque automobiliste lyonnais ? Je vais surprendre maints habitants de petites cités : l’automobiliste lyonnais moyen, lorsqu’il arrive devant un piéton engagé sur un passage piéton, a l’habitude criminelle d’accélérer, afin de dissuader notre piéton d’entraver sa conduite ! Gain maximal de ce geste sordide ? Disons dix secondes. Risque maximal de ce geste sordide ? Tuer un innocent. Voilà le calcul typiquement lyonnais. Notre chroniqueur découvrira vite que, de même, l’automobiliste lyonnais moyen accélère furieusement lorsqu’il voit, cent mètres plus loin, un autre automobiliste s’extraire d’une place de parking. Gain maximal : dix secondes. Risque maximal : tuer et se faire tuer. Voilà le calcul typiquement lyonnais. Notre chroniqueur, au fil des jours, recenserait bien des attitudes, typiquement lyonnaises, qui constituent le quotidien du Lyonnais moyen. Qu’il demande aux nouveaux venus de Lille, de Marseille, ou d’Espagne ou d’Allemagne, comment ils vivent leur existence esseulée dans une ambiance glaciale, odieuse, due au caractère lyonnais qui est typiquement glacial et typiquement odieux. Ah, tous ces jeunes Lyonnais avachis dans les sièges des bus et des métros et des salles d’attente en couvrant d’un regard bovin les vieillards qui restent debout à côté d’eux, résignés à cette épouvantable atmosphère lyonnaise ! Ah, tous ces Lyonnais qui laissent des enfants de six ans découper au cutter les sièges des édifices publics, non pas par peur, ni par cette passivité toute moderne, mais par une simple et vile complicité ! Notre chroniqueur parviendra finalement à la conclusion de tant d’autres exilés avant lui : l’âme du Lyonnais est celle d’un constipé, d’un rapiat. Aussi la fête des lumières est-elle bien plus qu’un événement artistique, ou festif, ou commercial, ou folklorique ! La fête des lumières constitue un moment de rédemption pour ces pauvres gens malheureux qui s’imposent au quotidien des comportements sinistres, qui font la vie quotidienne de Lyon sinistre. La fête des lumières est un moment privilégié où le Lyonnais moyen, à grands renforts de tapage et de publicité invite toutes les personnes chaleureuses des contrées voisines à venir illuminer le cœur ratatiné d’une cité entière. Et ainsi, pour le Lyonnais, la fête des lumières irradie surtout de la lueur triste de l’expiation. Tout comme pour le naïf visiteur, elle irradie tour à tour de ferveur religieuse, d’inspiration artistique, et de la magie des fêtes de fin d’année, tout ce que, peut-être, il y a plus d’un siècle, la fête des lumières représentait.

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5 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 18 décembre 2007 13:48

    J’ai travaillé 1 an à Lyon en 2006,c’est une tres belle capitale et qui respire la vie.

    Les transports en commum ont été pensé pour la population et non comme à Paris pour emmerder les banlieusards.

    Un tram devrait relier la gare TGV part-Dieu à l’aéroport en moins de 20 minutes.

    Un parc fantastique (Mont d’or)

    Une tres belle ville


    • Tomlyon 18 décembre 2007 15:37

      Lyonnais depuis 1 an et demi, j’ai été surpris d’entendre des amis lyonnais m’exprimer leur déception quant à la transformation d’une fête populaire et spontanée en manifestation organisée. Passage du lampion au néon.

      Quelle ne fut pas ma surprise également en apprenant que cette fête ne s’appelle pas « fête des lumières » pour les lyonnais d’origine, mais tout simplement « 8 décembre ».

      A titre personnel, j’ai tout de suite « tilté » sur ce nouveau nom. Une tradition religieuse mariale à laquelle on donne un nom sans signification. Encore, « fête de la lumière » aurait pu garder un sens spirituel au sens large (c’est à dire pour tous). Aujourd’hui cela sonne plus à un hommage à des intellectuels du XVIIIe siècle, non ?

      Pour finir je rajoute un petit extrait :

      « En 1832, c’est du choléra que la ville sera épargnée Il est décidé de remercier Marie en édifiant une statue de bronze [...] »

      la suite ci-dessous ou ailleurs smiley http://catholique-lyon.cef.fr/article.php3?id_article=1585&var_recherche=lumi%E8res


      • herope kayen 19 décembre 2007 00:39

        Le fait que fête des lumières n’est plus la même connotation religieuse qu’avant n’est que le reflet de l’évolution de notre société. Par contre, l’animosité de l’auteur vis à vis des Lyonnais est certainement due au nouvel aspect profane de cette fête car il parait difficile de croire que ses propos méprisants et injustes soient la conclusion d’une observation réelle des descendants des « Canuts ».Mais peut-être est-’il supporter de l’OM ou des verts ? car qui n’aime pas les Lyonnais n’est pas Lyonnais.

        Au fait sait-il pourquoi le pain est toujours retourné à l’endroit sur les tables lyonnaises : car c’est le pain du bourreau !!!

        A la revoyure !!!


        • mvam01 19 décembre 2007 09:17

          Il y eu également le siècle des Lumières..mais l’histoire semble oublier la misère de ce siècle. Existe-t-il actuellement une grande ville où les gens sont respectueux, amicaux et sans crainte de leur prochain, ou devrais écrire proche-un ? Je ne peux m’empêcher de revoir le début des Temps mordernes de Chaplin quand je croise ces personnes moroses et effarouchées si mon regard se fait légèrement inquisiteur. Le mal me semble très profond, et ce ne sont pas ces quelques éclairages qui transfermeront cette ville en un espace de Lumières. Le regard s’éteint très vite, pour se rallumer vraisemblablement devant une grande (mode oblige) lucarne cathodique et ses programmes anesthésiants. Quand communiquez-vous les Gones ?


          • dannythed0g 20 décembre 2007 09:20

            @mvam01,

            Les Lyonnais, en temps ordinaires, ne sont pas plus méprisants que d’autres, justes affairés et donc indifférents à celui qui croise leur chemin.

            Cependant, le 8 décembre célèbre, pour nous autres Lyonnais, le début des festivités en quelque sorte. Je m’explique, car il n’y a évidemment aucun lien entre les fêtes de fin d’année et le 8 décembre. Enfin, si, il y en a un, d’ou ma pensée : l’humeur des Lyonnais. Tout un chacun a déjà ressenti l’agressivité de ses concitoyens lors des traditionnelles courses de noël dans les grands magasins. Personnellement, pour adorer Lyon, ville magnifique, ville magique, j’estime que les Lyonnais sont beaucoup plus agréables, détendus et courtois à partir de décembre ; il suffit, pour s’en rendre compte, de partir de la place des Terreaux pour finir au Marché de Noël près de Perrache : je n’y croise que la bonne humeur, une ambiance chaude et heureuse.

            Bien sûr, cette vision certes simpliste de l’attitude des Lyonnais est peut-être influencée par ma candeur, réveillée par les décorations de noël, mais je reste persuadé qu’il n’est pas de meilleur mois que décembre pour flâner à Lyon.

            A propos du 8 décembre, je note un inquiétant phénomène : la baisse d’année en année du nombre de maisons arborant des bougies.

            Car, par-delà l’aspect religieux, il s’agit surtout d’une tradition culturelle et qui illumine la ville. Athée farouche, je suis pourtant fier des flammes qui lèchent mes fenêtres.

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