La fin de l’impôt sur le revenu (et les autres...)
Bitcoin.
Même si cette monnaie virtuelle a été créée il y a quelques années déjà, elle n’a vraiment fait parler d’elle que très récemment, notamment lorsque que Mega décida de l’utiliser pour ses services. Ou lorsque l’Internet Archive l’accepta pour les dons et paya ses employés (partiellement) en bitcoins (btc).
Suite à cela, nous avons vu l’avènement de Bitcoin dans les media. Certains ont même parlé de “révolution monétaire”.
Bitcoin est bien plus qu’une révolution monétaire. Bien utilisée, elle imposera, de fait, une révolution fiscale et sociale.
En effet, le principe même de cette monnaie virtuelle décentralisée (“acentrée” serait plus exact) est de permettre des échanges totalement anonymes, aussi bien pour l’émetteur que pour le récepteur puisque chacun n’est identifié que par un numéro de porte-monnaie.
Au-delà du débat “pour ou contre”, certains prédisent déjà que les gouvernements, poussés par les banques, se pencheront tôt ou tard sur le problème Bitcoin et, de façon plus générale, sur toutes les monnaies virtuelles décentralisées car elles échappent à leur contrôle.
Tout d’abord parce que le marché de la commission bancaire représente des milliards de dollars de chiffre d'affaire, ensuite parce que cette monnaie fait concurrence aux monnaies centralisées, faciles à surveiller et à imposer.
Tous des anonymes
Mais, à part les problèmes idéologiques, une des “menaces” des monnaies virtuelles décentralisées est que les flux financiers deviennent invisibles au contrôle et ni les banques, ni les Etats ne peuvent prélever leur dîme. Impossible de savoir qui envoie quoi, à qui et combien prélever. Plus moyen non plus de savoir qui a reçu quoi. Les utilisateurs ne sont plus des individus, des contribuables, mais des anonymes échappant au système.
Le nerf de la guerre
Et là, nous touchons un sujet qui fera réagir rapidement les Etats : les impôts.
En effet, si l’on peut envoyer de l’argent anonymement et en recevoir tout aussi anonymement, il est impossible de savoir qui a reçu quoi et donc de lui demander de payer un impôt.
Imaginons que certaines personnes se fassent payer en btc pour des services rendus (sur Internet ou ailleurs) : Plus moyen de vérifier ce qu’elles ont réellement gagné.
Et si elles ne veulent pas déclarer leurs revenus - et tant que ces btc ne sont pas convertis et envoyés sur un compte bancaire en espèce sonnantes et trébuchantes -, elles peuvent passer inaperçu aux yeux du fisc... et ne déclarer n’avoir aucun revenu.
De la même façon, nous pourrions étendre l’exemple de Mega à un grand nombre d’entreprises : faisant payer leurs services en btc, leur compte anonyme peut cacher une partie des revenus, du chiffre d’affaire. Et l’impôt sur les sociétés devient aussi un casse-tête. Le notion “société anonyme” prendrait tout son sens.
Note : Nous laisserons ici le soin aux entreprises de contrôler leurs comptes car il sera aussi plus aisé que des salariés mal intentionnés détournent une partie des revenus de l’entreprise vers un compte personnel.
A moins d’espionner l’anonyme afin de contrôler son niveau de vie ou le passer au détecteur de mensonges (qui n’est pas fiable à 100%), il est impossible de savoir s’il a menti ou dit la vérité. Et même si l’on peut noter un décalage entre ses déclarations et son train de vie, on ne peut pas savoir exactement quels sont les montants incriminés et demander un impôt en conséquence.
Au-delà de l’impôt sur le revenu, il y a aussi tous les prélèvements associés aux revenus : santé, chômage, etc. Lorsqu’on voit le poids des prélèvements sur le travail, il y a là en jeu des sommes colossales. De quoi mettre un Etat en faillite.
En allant plus loin, notre anonyme n’ayant déclaré aucun revenu officiel, il peut même aller jusqu’à prétendre indûment à des allocations. Et c’est tout le système social et solidaire qui est remis en cause.
Sans compter que le manque de prélèvement sur les recettes de son travail n’alimentent plus la machine sociale et cette dernière commence alors à tousser.
Il serait illusoire de croire qu’un système de contrôle permettrait de surveiller chacun, y compris les échanges de monnaie virtuelle. Au pire, il suffirait que l’actuelle soit mise à mal (éventuellement) pour qu’une nouvelle apparaisse, plus performante, plus anonyme et sécurisée.
Bitcoin étant anonyme, impossible non plus de forcer les utilisateurs à se déclarer. La suppression de l’anonymat sur Internet existera toujours, malgré les efforts de quelques illuminés.
Bref, une lutte sans fin.
Une lutte sans merci
Bien entendu, l’ordre établi tentera de résister et cherchera par tous les moyens, y compris les plus liberticides, à imposer d’une façon ou d’une autre une méthode de supervision afin de surveiller les échanges. Mais c’est peine perdue. A moins de supprimer Internet, il y aura toujours un moyen de rester invisible dans le monde virtuel (et fort heureusement d’ailleurs).
En premier lieu, il rendra l’utilisation de monnaies virtuelles décentralisées illégale avec la même inefficacité que la lutte contre le téléchargement illégal, précipitant ainsi le développement de “paradis fiscaux”, des serveurs situés en dehors de leur juridiction et dont le seul travail sera de stocker et d’échanger les btc.
Il tentera aussi de stigmatiser ceux qui le défieront, les traitant de “minables”, de voleurs, de parasites, soulignant leur “manque de patriotisme” et cherchant à les intimider d’une manière ou d’une autre. Mais comment intimider des anonymes ?
Un manque de patriotisme ?
Peut-on reprocher à des anonymes de refuser d’être tondus (ou plumés, c’est selon) ? Peut-on leur reprocher de vouloir s’opposer à l’Etat gargantuesque et le forcer à se mettre au régime ? Peut-on leur reprocher de forcer les législateurs à repenser un système qui, de toute façon, est condamné ?
Assurément non. Bien au contraire. Cette remise en question ne serait que salvatrice.
Alors, après une période de réflexion et de résignation, par la force des choses, le pouvoir d’en-bas imposera son rythme au pouvoir d’en-haut (comme c’est généralement le cas dans une démocratie saine) et il faudra repenser l’impôt, les prélèvements à la source et l’allocation. Et remercier l’intervention salvatrice de ces anonymes.
Une remise en question
Et ce sera tout un système fiscal et social à remettre en question. Avec l’anonymat, impossible de réclamer un impôt sur le revenu ou sur la société, et impossible de verser justement une allocation (à moins de verser une allocation de type “universelle”, mais là encore, sa mise en place fait débat et il n’est pas garanti qu’elle fonctionne).
L’impôt sur le revenu n’aura plus de sens. Le versement d’une allocation devra être refondu. Ce qui fera moins de recettes pour les Etats et beaucoup de mécontents.
Même si les salaires sont versés sans contrôles, les individus vivant dans le monde réel, ils sont forcés de se nourrir, se loger, etc.
Il faudra donc répartir ce “manque à gagner” non plus sur le travail, mais sur la consommation et le train de vie : TVA, surface du logement, cylindrée du véhicule, taxes douanières... Mais, là encore, le problème (si c’en est un !) se pose : Dans l’état/Etat actuel, le pauvre - le vrai - subira de plein fouet ces nouvelles répartissions.
Bien entendu, l’Etat pourra aussi diminuer son train de vie de façon à compenser le manque à gagner par des économies, ce qui ne sera pas plus mal pour le contribuable.
Pour le système social, il faudra trouver d’autres voies : système par capitalisation, solidarité individuelle - de la main à la main -, … Et peut-être retrouverons-nous alors le vrai goût de la solidarité et de l’humanisme, celui qui nous était si naturel avant que l’Etat ne s’en empare.
Au-delà du simple côté ludique, une économie portée partiellement par des monnaies virtuelles forcera les Etats dispendieux à - enfin ! - refondre leur système fiscal et social. Bref ! tout ce que les Etats - exceptés quelques uns - se sont refusés à faire jusqu’à présent.
La fin de la monnaie centralisée ?
Qu’on se rassure : Non ! (en tout cas pas immédiatement)
Car si tout le monde peut être anonyme, chacun peut mentir. Y compris les entreprises qui pourraient déclarer plus de croissance qu’elles n’en ont réellement. Les investisseurs se méfieraient et il faudra auditer et garantir les comptes. Il faudra donc toujours un tiers de confiance, rôle tenu actuellement par les banques, de façon à maintenir la confiance entre les unes et les autres.
Impossible non plus de déduire des travaux payés en btc du prix de vente d'un bien immobilier. Ni de porter plainte contre un artisan malhonnête n'ayant pas réalisé les travaux pour lesquels il a été payé (en btc)...
Bien entendu, nous pouvons toujours imaginer qu’un système complémentaire à Bitcoin permettra, un jour, de jouer le rôle de tiers de confiance de façon décentralisée.
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