La fin de l’islamisme
A défaut d’être analysables dans leur idéologies tant les modèles totalitaires sont légion, on peut cependant relever quelques constantes dans les dictatures.
Leur chute est toujours une explication au fonctionnement d'un régime. L’un des meilleurs moyens de comprendre une dictature, de la classer historiquement dans l’histoire des phénomènes autoritaires, consiste à observer la manière dont elle s’écroule : dans son effondrement, elle révèle ses forces et ses faiblesses et, surtout, dévoile les failles et les successions de hasard ou de maladresses qui fait qu’un régime bétonné, en apparence « éternel », en quelques jours tombe, comme un château de cartes.
Bien sûr, l’exemple tunisien est aujourd’hui dans tous les esprits.
Raison de plus pour le mettre en perspective avec d’autres événements qui se déroulèrent hier selon un scénario identique.
Deux autres dictateurs connurent le même destin que Ben Ali : Comme ce dernier, Ceausescu en Roumanie et Caetano, le clone de Salazar au Portugal, furent renversés par un mouvement populaire qui se confond pourtant dans un coup d’état militaire.
Ces derniers jours, ce fut d’ailleurs mon hypothèse de ce qui devait logiquement advenir en Tunisie : un mouvement populaire n’a jamais aucune chance s’il n’est pas relayé par l’armée qui, par nature , légaliste et disciplinée, est toujours moins sujette à la corruption.Ben Ali ne pouvait donc tomber que grâce à la bienveillance de l’armée vis-à-vis du peuple et c’est ce qui arriva.
En effet, hormis certains officiers supérieurs, l’armée, dans une dictature familiale ou clanique, est moins compromise avec un pouvoir le plus souvent de type mafieux.Elle apparaît comme une force parallèle, relativement étanche vis-à-vis des intérêts politiques et, très souvent, dans une situation de concurrence, voire d’opposition, avec une police toute puissante qui grignote ses prérogatives.
Bien sûr, il faudrait étudier le cas de dictatures typiquement militaires qui me semblent entrer dans une autre catégorie comme ce fut le cas en Grèce, en Turquie, en Amérique latine et, d’une certaine mesure, en Lybie et en Irak. Il s’agit là de mouvements protéiformes pour imposer une idéologie ou pour faire rempart à la menace communiste. Mais ces dictatures, si ce n’est dans les faits et les conséquences, n’entrent difficilement dans un modèle bien établi. Elles ne s'imposent pas dans la durée mais interviennent de façon transitoire et défensive.
A l’inverse, nos dictatures « civiles » s’appuient sur une police omniprésente qui pénètre tous les rouages de la société.
C’est le règne des mouchards. Le pouvoir n’a pas la visibilité de l’uniforme, il n' en est que plus retors. Le processus d’effondrement de ces dictatures montre bien sur quoi elles étaient fondées. Dans tous les cas, c’est l’armée qui mettra fin au dictateur, c’est elle qui freinera le peuple dans sa « révolution » - laquelle n’en est pas vraiment une puisqu’elle a, pour seule idéologie, le désir de se débarrasser d’un pouvoir étouffant et le rêve d’une amélioration matérielle.
Donc l’armée, qui prend la tête et la place du peuple, reste seule en lice pour affronter la police secrète de l’ancien régime - police d’autant plus insaisissable qu’elle est en partie en uniforme mais qu’il existe aussi à la marge de cette police officielle, des structures purement civiles soit liées au parti dirigeant, soit une police en uniforme mais coupée des enjeux politiques.
Et puis, surtout, il y a cette police invisible, la plus compromise, la plus dangereuse qui, des décennies durant, s’est logée dans le peuple, l’a gangrené jusqu’à ce que celui-ci l’expulse par effet de trop plein, comme par pulsion de rejet irrépressible : c’est le destin de toute dictature. Et dans tous les cas, durant les « journées révolutionnaires », cette police n’a plus que ses dernières cartes à jouer : le désordre et la terreur en s’attaquant à tout et à rien, en espérant, inutilement, que le chaos permettra aux forces anciennes de reprendre le pouvoir.
Donc le processus tunisien est calqué sur celui des « révolutions » libératrices et démocratiques, lesquelles furent toutes couronnées de succès.
Aussi avancerai-je l’hypothèse optimiste pour la Tunisie, d’un mouvement authentiquement progressiste… ce qui serait une forme de nouveauté dans le monde non occidental.
Cette « révolution », loin d’installer au pouvoir des forces passéistes, marquerait peut-être ainsi la fin de l’islamisme.
Et ce processus pourrait être d’autant plus retentissant à court terme, que, en Europe, les immigrés brandissant le drapeau de l’Islam pour se donner à la fois une identité et une expression de leur révolte sociale dans leur « nouveau monde » , pourraient être tentés désormais par ce nouvel étendard plus joyeux, plus mobilisateur, celui d’une revendication égalitaire et laïque.
Quant à moi, je crois à cette évolution qui, à terme, serait alors, vraiment, une « révolution ».
Quoi qu’il en soit, l’avenir de la Tunisie ne devrait guère désormais offrir de surprise. Comme certains manifestants le proclamaient sur leurs pancartes « game is over ».
La partie se jouera désormais ailleurs. Là où, réellement tout va commencer. La fin de l’islamisme ? www.nouvelhermes.blogspot.com
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