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La fondation Alfred Toepfer et le 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée

fondation Alfred ToepferLa fondation Alfred Toepfer (toepfer-fvs.de), un fossile du nazisme, s’est invitée à la commémoration en sponsorisant un « Forum de la Jeunesse » intitulé « À nous l’Europe ! », organisé à cette occasion par le Deutsch - Französisches Institut /= DFI/ Institut franco-allemand/, Ludwigsburg, du 19 au 21 septembre [1].

Cette initiative a pris un tout autre sens quand on apprit que l’un des sponsors de ce Forum, était la Fondation Alfred Toepfer FVS, Hambourg ; projet également soutenu par la fondation Charles de Gaulle.

Capture d'écran du site a-nous-leurope.eu
Source : http://www.a-nous-leurope.eu/sponsors-et-partenaires.html, copie

Une fondation comme une autre ?

Fondation privée la plus riche d'Allemagne, cette fondation est à la recherche depuis les années cinquante d'une légitimité historique et morale. Sous le « Troisième Reich », Toepfer est un des « bienfaiteurs de la SS ». Dès 1935, il fait ses offres de service à Josef Goebbels, ministre de la propagande : « Le but ultime des fondations est de servir l’ensemble de la Deutschtum/ Germanité / à l’étranger », lui écrit Toepfer.

La guerre d’Alfred Toepfer

Spécialiste de la guerre des devises, il siphonne le marché noir français pour obtenir les devises nécessaires à l’achat dans les pays neutres des matières premières nécessaires à l’armement du Reich et à la continuation de la guerre. Officier de l’Abwehr/ Service de renseignements de l’armée allemande/, il agite les minorités « ethniques » indépendantistes en France, Belgique et Irlande. En Espagne, son réseau « La Organizacion Toepfer » achète des matériaux stratégiques d’intérêt vital pour l’armement, principalement du tungstène. Pour régler ces achats, il dispose de « l’or nazi » qui provient du pillage de l’Europe occupée et des victimes de la Shoah. Pour la seule période d’avril- mai 1942, il réceptionne 130 kg de cet or dès lors démonétisé (en sacs de 10 kg) à l’Abwehrstelle /Section de l’Abwehr/ de Madrid.

Toepfer et la Shoah

1942 : Toepfer envisage de décerner son Prix Herder à Georg Leibbrandt, un des participants à la Wannsee Konferenz. Cette fondation a tiré d’énormes profits pendant la seconde guerre mondiale : une de ses trois filiales commerciales en Pologne annexée a vendu par tonnes de la chaux à l'administration SS du ghetto de Lodz, Pologne. (Chaux destinée à la désinfection des charniers, notamment). Jusqu’au-boutiste, Toepfer avait contribué à la mobilisation totale des forces allemandes /Totale Mobilmachung/ afin de prolonger la guerre. Au plus haut niveau, il a activement participé, jusqu’en avril 1944, à la Commission de l’armement/ Rüstungskommission/ - du ministère de l’armement, chargée de rationaliser et de galvaniser l’effort de guerre allemand, sous la direction d’Albert Speer.

Son après-guerre

Dans les années cinquante, Toepfer reprend sa Kultur-Politik  en Europe occidentale. Il s’est métamorphosé en résistant et victime du national-socialisme. Il multiplie les prix décernés à des personnalités européennes, dont Edward Heath (1971), Raymond Barre et Helmut Schmidt (1979). Ses activités ont provoqué d'innombrables scandales au Royaume-Uni (2010, 2011), en Autriche, en Suisse et dans notre pays (de 1979 à 1995). Persona non grata de fait en France depuis 1996 - cette fondation a dû cesser toute activité après une série de scandales.

Révisionnisme

Dès 1950, Toepfer a recruté pour sa fondation d’anciens criminels de guerre, dont l’un, Edmund Veesenmeyer, adjoint d’Adolf Eichmann à Budapest, avait organisé la déportation de plus de quatre cents mille Juifs hongrois dans les camps d’extermination. Jusque dans les années 60, Toepfer avait apporté son soutien financier à Thies Christophersen, le futur auteur de Die Auschwitz Lüge /Le mensonge d’Auschwitz/.(1973) - qui deviendra très vite l’ouvrage de référence des négationnistes du monde entier.

Telles sont quelques unes des « contributions » de la fondation Toepfer à l'histoire de l'Europe et à l'amitié franco-allemande. La fondation Alfred Toepfer sera ainsi présente aux cérémonies anniversaires du traité de l'Elysée.

Dans l'indifférence générale des médias et des gouvernements ?

Le directeur du Deutsch - Französisches Institut de Ludwigsburg aurait-il manqué de vigilance en acceptant un tel sponsorat ? Il n’en est rien. Frank Baasner, son directeur, travaille depuis le début des années 2000 avec la fondation Toepfer. F. Baasner connaît bien le passé et le présent de cette fondation. C’est pourquoi il a essayé d’assister la fondation Toepfer dans ses tentatives pour reprendre ses activités en France, qu’elle avait du abandonner depuis 1995. En mai 2009, Frank Baasner a servi de mentor à Ansgar Wimmer, directeur de la fondation Toepfer. Accompagné de A. Wimmer, Frank Baasner, ès qualités, a rendu visite à des universitaires français pour leur proposer d’organiser une « manifestation scientifique, en invitant les chercheurs compétents, et qui pourrait avoir pour thème les activités de Toepfer en France, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale ». La fondation prendrait en charge les frais d’organisation et les prestations des historiens. Tous les universitaires pressentis ont refusé.

Frank Baasner est un médiateur multi-cartes dans le franco- allemand. Parmi ses casquettes : il est vice-président de la FEFA / Fondation Entente Franco-allemande/, Strasbourg. Il a été amené à démissionner de cette fonction suite à un article de M. Yves Bur, ancien président français du groupe d'amitié parlementaire franco-allemand, dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace en janvier dernier. Y. Bur y dénonçait le « conflit d'intérêts » entre les positions de F. Baasner à la FEFA et le DFI/DFI. Démission qu'il confirma par une visite au préfet de la Région Alsace, membre de droit de la FEFA. Démission que le préfet accepta.

Tant de dévoiements, au nom de l’amitié franco-allemande ?

Lionel Boissou, historien, germaniste. Auteur de :
- Ombres et lumières sur les fondations Toepfer, recueil d’articles par Pierre Ayçoberry (universitaire, historien), Georges Bischoff (universitaire, historien), Lionel Boissou, Philippe Breton (chercheur CNRS - Sciences humaines), Hans-Ruediger Minow (historien, journaliste et producteur à la TV allemande), Léon Strauss (universitaire, historien), Alfred Wahl (universitaire, historien), Strasbourg, 1996.

- “Stiftung FVS Hamburg und Johann Wolfgang Goethe-Stiftung, Vaduz”, La fondation FVS, Hambourg (première dénomination de la fondation Alfred C Toepfer de 1932 à 1993) / article in Handbuch der völkischen Wissenschaften / Manuel de sciences ethno-raciales/. Recueil d’articles. Munich, 2008, 1000 pages.

Gérard Loiseaux, Dr en littérature française. Auteur de « La littérature de la défaite et de la collaboration », 639 pages, Fayard, 1995.

Capture d'écran du site dfi.de


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5 réactions à cet article    


  • geziret geziret 24 septembre 2012 08:43

    Et êtes-vous choqué que wall-street est financé la machine de guerre allemande par l’intermédiaire de certaines entreprises américaines comme Ford ou general electric, pour citer les plus connues ? Que des transferts de technologies américaines vers l’Allemagne nazi ont permis à cette dernière de faire un maximum de dégâts humains et matériels en Europe ?

    Et que les responsables de ses faits n’ont jamais été inquiétés, sa vous choque ?

    Cf. Wall Street et l’ascension de Hitler, de anthony c. sutton, livre magistralement documentés et « sourcés » de toute part !!! 

    Finalement, je ne m’étonne pas de ce que vous avancé dans votre article, si scandaleux soit le fait que vous dénoncé !!



    • A. Spohr A. Spohr 24 septembre 2012 17:35

      De quel côté est la haine, tenace, ancienne ?

       Voyez donc la « finance » d’aujourd’hui. Toujours pareil, du côté du manche. Les responsables de tant de malheurs seront-ils un jour châtiés ? .Tous , sans distinction. Il en est qui s’amendent comme Toepfer le fit et les autres ? A force de fouiller le sous-sol, on oublie la structure ouverte sur laquelle nous vivons, grincheux sans révolte réelle pestant contre le passé. 
      Voilà le danger.

      • Alain Favaletto Favaletto A. 26 mai 2013 10:44

        Oui bien sûr, il y en a qui s’amendent, comme vous dites, et on ne peut pas douter systématiquement de leur sincérité. Cependant, la prudence s’impose et il ne faut pas affubler du vocable de haine les nécessités d’enquête et de vigilance. Il est clair que cette fondation n’est pas propre. Est-ce de la haine de s’en éloigner et de l’expliquer ?



        • jean-jacques rousseau 26 septembre 2012 11:05
          PARIS/HAMBOURG
          (Compte rendu de la rédaction) - "Une fois de plus, la fondation hambourgeoise au lourd passé nazi "Alfred Toepfer Stiftung F.V.S." cherche à prendre pied en France, et bénéficie à cet effet du soutien d’institutions gouvernementales de la République fédérale d’Allemagne. La fondation de Hambourg veut se manifester demain, mercredi, par l’organisation d’un vernissage à la Maison Heinrich Heine (Cité Internationale Universitaire de Paris). En France, de vives protestations s’élèvent contre sa tentative de faire oublier par le mécénat culturel le passé peu glorieux de celui dont elle porte le nom. Les critiques rappellent les activités nazies du négociant hambourgeois qui a créé la Fondation, Alfred Toepfer, et les liens étroits qu’il entretenait avec la SS et avec des nazis éminents. Durant la Seconde Guerre mondiale, Toepfer a entre autres travaillé pour les services d’occupation allemands à Paris ("Sabotage et subversion dans les Etats ennemis« ). Ses activités anti-françaises ont expressément servi une  »réorganisation" ethno-raciale (völkisch) de l’Europe sous hégémonie allemande. Dans la capitale française, des chercheurs qui critiquent Toepfer constatent avec indignation que le vernissage de demain érige en mot d’ordre une notion pour laquelle se battait le créateur de la Fondation : l’« Europe ».
          Les activités nazies d’Alfred Toepfer, qui sont au centre de ces protestations, sont assez bien connues depuis des années (german-foreign-policy.com en a rendu compte de façon détaillée [1]). Toepfer entretenait des relations avec des nazis éminents, et avait comme raison sociale d’être un « membre bienfaiteur de la SS » (Förderer der SS). Lors de la Deuxième Guerre mondiale, dans Paris occupé, il a été promu « officier des services de Renseignement allemands » (Abwehr) ; il a d’abord été responsable du service « Sabotage et subversion », puis fut chargé de l’« approvisionnement secret en marchandises » du Reich allemand - une périphrase pour désigner le pillage délibéré de la zone d’occupation. Ses firmes ont pu poursuivre leur activité et ont continué à l’enrichir durant la Seconde Guerre mondiale. L’une des firmes de Toepfer a fourni à l’administration du ghetto de Lodz (« Litzmannstadt ») de la chaux vive destinée à recouvrir les cadavres. Après la guerre, les entreprises de Toepfer ont employé plusieurs criminels de guerre nazis, dont Edmund Veesenmeyer, un collaborateur d’Adolf Eichmann dans la déportation en masse d’environ 400 000 Hongrois d’origine juive vers les camps d’extermination allemands, ainsi que Hans-Joachim Riecke, coresponsable de la mort de plusieurs centaines de milliers de prisonniers de guerre soviétiques. Jusqu’au début des années 1970, Toepfer a financé un néo-nazi allemand notoire, Thies Christophersen , auteur par la suite du pamphlet négationniste « Le Mensonge d’Auschwitz ».
          Certificat de blanchiment (Persilschein)
          La « Alfred Toepfer Stiftung F.V.S. » [2], qui a pu fêter au début de cette année son 75ème anniversaire, et qui est considérée comme la fondation privée la plus importante en Allemagne, est exposée depuis le milieu des années 1990 à de sévères critiques - principalement en France - en raison des activités nazies de son fondateur. Dernier exemple en date : il y a deux ans, le metteur en scène français Ariane Mnouchkine a refusé de recevoir un « Prix Goethe », d’un montant élevé, décerné par l’organisation allemande. Depuis quelques années, la Fondation s’efforce de neutraliser ceux qui la critiquent ; à la fin des années 1990, elle a créé dans ce but une commission d’historiens chargés de faire des recherches sur la biographie de Toepfer. Malgré les activités nazies évidentes et incontestées du négociant hambourgeois, les experts payés par la Fondation sont arrivés à la conclusion que "c’est en tout cas une erreur d’établir un lien direct ou indirect entre lui et des actions criminelles du régime nazi".[3] L’historien Michael Fahlbusch a écrit que la commission a ainsi "fourni à la Fondation un certificat de blanchiment qui ne convainc guère".[4]
          Europe
          L’argumentation de la Fondation a pour point central l’orientation « européenne » d’Alfred Toepfer. Hans Mommsen, qui a dirigé la commission des historiens, explique ainsi que dès avant 1945, Toepfer s’était « déclaré partisan d’une solution européenne », et qu’il aurait ainsi pris clairement ses distances par rapport à "la ligne générale du national-socialisme".[5] En réalité, une des lignes générales de la propagande nazie à l’échelle du continent a été de présenter l’hégémonie allemande sous un masque « européen ». L’« Europe » est aujourd’hui encore au centre des activités de la Fondation. Comme il est inscrit dans ses statuts, elle s’engage à "faire avancer l’unification européenne dans la préservation de la diversité culturelle« .[6] » [...]
          Informations sur la politique extérieure de l’Allemagne. Valeurs européennes 06/11/2007

          "La fondation Alfred-Toepfer (Hambourg), impliquée dans de nombreux scandales veut décerner un « Prix européen de la culture » et créer un "réseau de mécénat". La plus grande fondation privée tient son nom d’Alfred Toepfer, ancien agent du réseau d’espionnage étranger nazi et financier de nombreuses « cinquièmes colonnes » de la politique étrangère allemande. Le « Prix européen de la culture » verra le jour lors du 75ème anniversaire de l’existence de la fondation et est doté de 75.000 euros. La fondation, un véritable empire qui vaut plusieurs millions d’euros, coopère avec des universités et des administrations de l’état. L’université de Strasbourg a cessé sa coopération avec la fondation à cause des anciennes activités nazies du fondateur qui faisait partie des forces d’occupations allemandes en France et voulait germaniser la région frontalière. La metteuse en scène parisienne, Ariane Minouchkine, a récemment refusé d’accepter le prix Toepfer et a rappelé le "passé douteux" du fondateur. Si Toepfer avait autrefois voulu réorganiser l’Europe « ethniquement » sous la direction de l’Allemagne, ses successeurs s’efforcent de soutenir les « peuples » de « toute l’Europe » avec l’Allemagne « en son centre ». Les critiques au sein et en-dehors de la fondation Toepfer mettent en garde contre une dissimulation d’une politique hégémonique allemande sous couvert d’une politique de la culture." [...]

          Informations sur la politique extérieure de l’Allemagne. Perspective pour toute l’Europe 2006

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