La France au Darfour : l’ultime recours ?
L’Union africaine a vu son mandat prolongé au Darfour, mais le conflit armé s’aggrave. Les blogueurs français peuvent relayer la campagne française Sauver le Darfour SLD « déjà testée au Rwanda, l’indifférence ça marche aussi pour le Darfour » et signer la pétition sur www.sauverledarfour.org
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Au Darfour l’enfer brûle toujours. Ni les accords de paix scellés à Abuja le 5 mai 2006, ni le renforcement des contingents de l’Union africaine[1], ni le vote d’une énième résolution onusienne n’ont mis fin à ce drame humanitaire. Depuis février 2003, les milices janjawids, alliées du régime islamiste de Khartoum, s’appuient sur les tribus musulmanes "arabes", pour massacrer les tribus musulmanes "africaines" contestataires de l’Ouest du Soudan. Le conflit du Darfour a déjà fait plus de 300 000 morts, trois millions de réfugiés et de déplacés (principalement au Tchad voisin ) et privé 500 000 personnes de l’aide internationale.
L’ONU a déjà voté six résolutions et qualifié les actes du régime soudanais de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Cependant, les efforts des Nations unies pour le déploiement de casques bleus au Darfour semblent vains. Le gouvernement soudanais a déclaré : « Nous ne confierons jamais le Darfour à des forces internationales qui n’apprécieront jamais d’être venues dans une région qui deviendra leur tombe. »[2]
En raison de l’incurie politique et médiatique, la communauté internationale a assisté, impuissante, aux massacres massifs du Sud-Soudan - deux millions de morts depuis 1983 - et du Rwanda - plus de 800 000 morts - d’avril à juin 1994. Aujourd’hui, la mobilisation internationale pour faire cesser le premier génocide du XXIe siècle demeure donc une priorité majeure.
Les éléments stratégiques du conflit
Après vingt ans de guerre civile, un accord de paix entre le Nord et le Sud du pays a été signé en janvier 2005, sans que cela ait changé la posture du gouvernement central à l’égard des populations de la périphérie du Soudan, et notamment les cultivateurs noirs du Darfour.
Dans un contexte de raréfaction des ressources alimentaires résultant d’une longue sécheresse et d’une forte croissance démographique, le régime soudanais s’est résolument engagé dans une politique d’éviction des populations "africaines" sédentaires au profit des "Arabes" nomades réputés plus proches du pouvoir. La découverte récente de ressources minières et pétrolières au Darfour a renforcé cette politique. Le Soudan produit 500 000 barils/jour et 10% de sa production est importé par la Chine ; cette donnée explique à elle seule son opposition à toute intervention.
Ainsi, pour se défendre et lutter contre l’inégale répartition des richesses, des mouvements rebelles se sont constitués.
Un pouvoir raciste, dictatorial et illégitime
La proclamation, en 1983, de la Charia, loi islamique reléguant les non-musulmans au rang de citoyens de seconde classe, fut la cause principale de la guerre entre le gouvernement de Khartoum et le Sud, peuplé majoritairement d’animistes et de chrétiens.
En 1989, alors que le gouvernement et le parlement démocratiquement élus s’apprêtaient à conclure la paix avec le Sud-Soudan et à supprimer la Charia, le parti islamiste[3], qui n’avait recueilli que 10 % des voix lors des premières élections libres, prend le pouvoir par la force.
Depuis, c’est sans partage que le président, Omar el-Béchir, exerce son pouvoir. Au Soudan, le multipartisme a des limites. Si plusieurs partis politiques islamiques sont présents (Baas, Oumma, etc.) un seul exerce sa domination : le Congrès national. Aux législatives de 2000, il a remporté 355 sièges sur 360 !
Le gouvernement soudanais méprise les libertés politiques. Les partis d’opposition sont interdits, et seules les candidatures personnelles sont autorisées ; ainsi, en 1996, lors d’élections présidentielles fantoches, le président sortant fut le seul des 41 candidats en lice à pouvoir prétendre faire campagne, et il obtint 86,6% des suffrages.
Auprès de la majorité des Soudanais, le régime de Khartoum, dont terreur et brutalité sont le credo, est définitivement illégitime. Les enlèvements, la torture, et les meurtres, renforcent le climat de peur et d’insécurité. Face à cette dictature, il n’est plus concevable d’envisager une autre voie que sa mise à l’écart.
Pour de nouveaux rapports Nord-Sud
Dans ce contexte, la France maintient ses relations diplomatiques avec Khartoum et accueille sans condition le ministre des Affaires étrangères du Soudan. La France doit changer de politique et se montrer ferme avec le gouvernement de Khartoum afin d’encourager les tentatives de démocratisation.
L’élaboration de nouveaux rapports Nord-Sud passe par la proclamation et l’application de principes universels que sont la démocratie et les droits fondamentaux. L’Afrique souffre de nombreux maux, à commencer par la corruption et la quasi-absence de système démocratique. Le Soudan en est le funeste exemple. L’aide alimentaire internationale favorise la corruption du régime et encourage l’urbanisation de certaines régions au détriment du Darfour.
La France doit s’impliquer dans le processus de démocratisation du Soudan et tout faire pour qu’un nouveau chaos ne succède pas au régime d’Omar el-Béchir.
L’impuissance de l’ONU est surmontable
L’Etat soudanais, qui assimile l’ONU et l’OTAN à des croisés, refuse toujours la présence d’une force internationale. La France dispose de deux voies d’action pour s’investir concrètement dans la résolution du conflit.
Ainsi, malgré les risques de veto russe et chinois, la France doit dépasser la résolution 1706 du 31 août 2006, dont l’application demeure subordonnée à l’accord de Khartoum, en prenant l’initiative d’une nouvelle résolution de l’ONU autorisant l’usage de "mesures coercitives" et organisant le déploiement de casques bleus au Darfour.
Pour sortir de l’impasse, une autre voie est envisageable. En effet, un Etat de l’Union européenne peut assumer de sa propre initiative une mission de politique européenne de sécurité et de défense (PESD) dès lors que cette action vise : « le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale [...] le développement et le renforcement de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales »[4].
Si l’Union européenne peut planifier et conduire des opérations autonomes, avec ses propres moyens[5], elle peut aussi solliciter les moyens logistiques de l’OTAN. Elle a déjà eu recours aux moyens de l’OTAN en Macédoine (opération Concordia en 2003) et actuellement dans le cadre de la relève de la SFOR en Bosnie-Herzégovine.
La France, en tant que « nation cadre » peut, conformément à la décision du sommet de 2001 « Berlin plus », « assumer l’exercice de son droit d’initiative en matière de gestion de crise internationale et la responsabilité de la coordination d’une intervention militaire ».
Ainsi, l’intervention au Darfour pourrait se faire sous l’égide d’une mission européenne en matière de gestion de crise ; cette mission couplerait ainsi la légitimité du multilatéralisme, la cohérence de la PESD et les moyens militaires et logistiques de l’OTAN.
Promouvoir la démocratie
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Après la crise libanaise, la France doit obtenir la mise en place d’une force d’interposition au Soudan, pour y rétablir durablement la paix, la stabilité et la démocratie.
Ensemble, les blogueurs français et l’ensemble de la communauté internationale doivent se mobiliser contre le premier génocide du XXIe siècle, car cette fois-ci nous savons.
Mahor Chiche, Président de Sauver le Darfour, SLDj
[1] - 4000 soldats supplémentaires, en plus des 7000 soldats déjà présents.
[2] - Déclaration rapportée le 28 juillet 2006 par l’agence de presse officielle soudanaise.
[3] - Emanation des Frères musulmans.
[4] - Titre V du Traité de l’Union européenne consacré à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
[5] - Opération « Artémis » en République démocratique du Congo en 2003.
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