La France croit au Médecin
Bravo à nos services de santé. Applaudissez. Union sacrée. Évidemment. Mais ne nous arrêtons pas là.
Depuis des décennies, la France fait reposer son système de santé sur la personne du médecin.
Le médecin, ce personnage, dont on riait au XVIIe siècle (relire Molière...) est devenu 350 ans plus tard le garant de notre santé et de notre vie. N'a-t-il pas avec les vaccins et les antibiotiques fait reculé la mortalité infantile, augmenté l'espérance de vie ?
Eh bien non. Non. Enfin, seulement en partie. L'antibiotique soigne la peste, mais la dernière grande épidémie de peste qu'est connu notre pays, c'est 1720, la peste de Marseille apporté par le Grand Saint-Atoine. Les antibios arrivent 220 ans plus tard. Ce ne sont pas les antibiotiques qui ont vaincu la peste.
Louis Pasteur, n'est-il pas un bienfaiteur de l'humanité avec entre autres, son invention de la vaccination ? Bien sûr ! Mais Pasteur n'était pas médecin. Il n'avait jamais mis les pieds en fac de médecine : il a fait des études de physique et de chimie, était devenu professeur agrégé de chimie, puis docteur. Il a d'ailleurs travaillé en premier sur des prodécés industriels (la pasteurisation...).
Pourquoi, aujourd'hui beaucoup pense que Pasteur était médécin ? Parce qu'aujourd'hui, l'homme de la santé, c'est pour beaucoup le médecin.
On applaudit à 20h le médecin qui va nous sauver et on descend courir sur les quais ou les plages le lendemain matin. On croit au médecin comme on a pu croire en dieu : rien à craindre, le sauveur est là.
Il est devenu extrêmement urgent de changer notre paradigme. Les médecins ont toujours eu un rôle mineur dans le domaine de la santé. C'est l'éducation et l'hygiène qui a vaincu les grandes épidémies, et les hussards noirs de la république ont bien plus fait pour l'allongement de l'espérance de vie que les médecins.
Bien sûr, je ne jette pas la pierre sur les médecin, on a besoin d'eux, et plus que jamais. Mais si l'on ne comprend pas que la santé est une responsabilité collective et que nous ne pouvons plus nous reposer simplement sur notre foi dans la médecine, nous n'arriverons pas à affronter la situation actuelle.
C'est peut-être parce que la place du médecin dans l'imaginaire en Corée-du-Sud est bien différente que le pays est en passe de bien mieux réussir dans l'épreuve actuelle.
Le médecin généraliste sud-coréen, qui applique souvent la médecine traditionnelle, doit se contenter de demander 7 à 9 euros à ses patients par visite. Dans un pays où certains enseignants sont mieux payé que des rocks stars, sa place sociale n'est pas du tout la même !
Face à l'épidémie de Coronavirus, les coréens n'ont pas "cru" en leurs médecins. Ils ont cru à la technologie, à la capacité de mobilisation, à l'éducation de chacun, à l'intelligence collective.
Les médecins travaillent ; ils soignent les gens autant que possible. Mais nous serions fous de penser que la situation appelle à se reposer uniquement sur eux. Vaincre l'épidémie, repenser notre santé sont des défis collectifs que nous devons relever.
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