La France de 2011 sera un naufrage

La crise de 2008 a amené la crise de 2009, puis 2010 et 2011 et après nul ne sait. Une étrange atmosphère règne sur le pays. Les gens, certains en colère, mais la plupart résignés. Trois quarts des Français sont pessimistes face à l’évolution de l’économie. Ils ont raison. Aucun indice n’indique une sortie de la situation où nous sommes. La faute à qui ? Les financiers pompent l’argent, les Etats gèrent mal l’argent. L’endettement n’est jamais bon. La cupidité non plus, pas plus que la vénalité mais c’est l’ignorance qui fait le malheur des peuples dit une fameuse déclaration des droits de l’homme. Les pipoles sont déjà en vacances. Après Cannes, Roland Garros, puis en juin un retour aux affaires pour préparer la rentrée et la dolce vita de Saint Trop à là où vous voulez.
Je suis passé chez mon coiffeur cette semaine. L’occasion de prendre des nouvelles fraîches de la société. Si j’étais directeur de presse, je ferais appel à des coiffeurs pour sonder la société. Les instituts et les journalistes ne sont pas vraiment renseignés sur ce qui se passe. D’ailleurs, les données exactes de la situation sont cachées par les autorités. Et puis d’autres données ne sont pas accessibles. Le réel se manifeste lorsqu’on discute avec les gens. Alors le temps d’une coupe, j’ai vaguement questionné mon coiffeur sur l’ambiance et son constat est bien tranché. Il est pessimiste. Passons sur les projets de vacances des gens ordinaires. Si les riches de plus en plus nombreux s’offrent des destinations de « rêve », les gens du peuple sont pragmatiques et beaucoup resteront chez eux. Mais sans être malheureux. Ici, à Bordeaux, pour peu qu’on dispose d’un véhicule, on peut passer une journée près de l’eau, à moindre frais, juste l’essence, bien moins que le prix déjeuner inclus d’un banal hôtel deux étoiles. Certes, il y a le camping. Mais fut aimer la promiscuité. Chacun son style, ses envies, selon ses moyens. Qu’on me pardonne ces clichés. Un peu de légèreté ne nuit pas à l’intelligence.
Bon, c’est les vacances. Soyons positifs et réjouissons-nous de ce que les Français aient encore une valeur sûre, après le foot et Johnny. Cette valeur, c’est les vacances, un mets prisé aux dires de certains observateurs de notre vie rêvée dans un pays de Cocagne. Pas plus tard qu’il y a une semaine, des lycéens ont frondé après une rumeur de réduction des vacances. C’est assez incroyable mais ce souci des vacances montre au moins que la jeunesse n’a pas encore franchi la marche du nihilisme affirmé. C’est un idéal, un but, travailler pour se payer des vacances et surtout, cotiser pour que la retraite puisse ressembler à des vacances éternelles. C’est normal. Les gens ne croient pas à l’après-vie. S’il n’y a pas de paradis après la mort alors autant faire en sorte que la retraite puisse faire office de paradis après l’enfer de la vie active. Mais ça va être duraille. Le paradis ne dure qu’une décennie ou un peu plus. Après, la santé ne suit plus. Et là, la menace des répartitions commence à assombrir le dessein des retraites. 61, 62 ans ou plus. L’horreur, les années bonheur des seniors grignotées peu à peu pour éclaircir les comptes. Et ne pas compter sur la croissance. La dette est un fardeau, la globalisation un défi qui ne sera pas relevé par cette France au centre du marasme européen. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est mon coiffeur.
En vérité, mon coiffeur n’a pas parlé de marasme. Juste de quelques brèves échangées avec un de ses clients versé dans l’expertise comptable et un autre dans la banque. Si les dires sont avérés, des entreprises de taille conséquentes se préparent cet été à faire des coupes sévères dans leur personnel, quand ce n’est pas un dépôt de bilan avec les conséquences à la clé pour les sous-traitants. Faut-il s’en inquiéter ? Oui, sous réserve que ces données soient fiables et non pas de simples rumeurs échangées à l’occasion d’une coupe de cheveux. Une chose est sûre, quand les augures sont peu favorables, il ne sert à rien de couper les cheveux en quatre. Les nouvelles du front économique ne sont pas réjouissantes. Pourtant, le moral des entrepreneurs n’est pas au plus bas selon les sondeurs. Alors, va-t-on vers un dégraissage sans précédent dans notre appareil industriel ou bien une stabilisation ? L’intérim reprend doucement. C’est ce qui se dit. Mais les licenciements de travailleurs en CDI sont prêts à être signés.
Au bout du compte, on ne sait pas grand-chose à part le plan de rigueur annoncé, les réductions de dépenses de fonctionnement de l’Etat et des collectivités. Traduction. La société va aller assez mal, du moins pour ceux qui seront les plus exposés. Et si les rumeurs de licenciement de chez mon coiffeur sont avérées, alors ça risque d’aller très mal. Rien de bien réjouissant. Va falloir rester stoïque, surtout quand on n’a pas les moyens du carpe diem et de l’hédonisme solaire. La France risque de connaître des sales temps. Pire qu’en 1993. Des années moroses. Puis la grande fronde contre Juppé en décembre 1995. Une ambiance de haine pour ceux qui se souviennent. Les mauvais jours risquent de revenir sous une autre forme car la société a formé des militants gâteux mais hélas des dirigeants crétins. Pas tous, les plus intelligents étant au service des escrocs. Il y a des affaires à négocier. Pour ceux qui ont des fonds à revendre. On sent de l’énervement ces temps-ci. Crispations, tensions, des altercations, des mauvais regards. Alors préparons-nous à des jours mauvais. Il y aura des sacrifiés. En fonction du niveau énergétique de ces gens, de leur perception, de leur nombre, il peut se produire un effet systémique aux conséquences sismiques, du genre insurrection, fronde. Mais pas de révolution en vue. Il faudrait pour cela des élites bien instruites et visionnaires.
Dans la dernière livraison du magazine Books, un journaliste espagnol conclut à une névrose française accompagnée d’angoisses en scrutant les livres qui se vendent. Et ces livres, ils sont fabriqués la plupart à Paris, ville qui si on en croit un autre journaliste, est pénétrée d’une énergie négative alors que d’autres observateurs jugent notre capitale comme une sorte de dortoir pour bobos où la fête est mal venue, sauf quand elle est organisée en nuit blanche et Paris plage sous l’égide de ce petit homme pénétré de fadeur caractérielle qu’est Delanoë, fossoyeur de la gaîté et de la vitalité. Cela rappelle 1995. Ce sentiment de marasme, de dépression, de haine, ces militants du RPR bavant contre les grévistes de décembre mais au bout du compte, il n’y avait rien à sauver de cette époque marquée par la bêtise et l’égoïsme. Mon coiffeur a visité récemment Paris mais il n’a pas cherché à sonder le naufrage éventuel de cette France, un naufrage où il ne sert à rien de désigner les coupables tant ils sont nombreux et dispersés dans les générations, les classes, les corporations, les milieux professionnels.
Il fut un temps où l’on croyait au progrès. Les gens s’y sont attelés et ont été déçu. Il faut croire au naufrage. Lutter contre le naufrage est une affaire digne. Et si ça s’arrange, alors on ne sera pas déçu des efforts mais la question, c’est de savoir où on met ses billes vitales. Ou alors, ses billes léthargiques. Paraphrasons Laborit. Quand on ne sait pas où combattre, tâchons de savoir où on peut fuir. Et là tout s’éclaircit. La fuite sur un canapé devant un écran plat à regarder la coupe du monde de football. Un conseil, n’achetez pas un téléviseur au balayage de 50 Hz.
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