La France, démocratie ou ploutocratie ?
A quelques mois de l’élection présidentielle, les candidats des principales formations politiques françaises ont bien compris que le concept millénaire de démocratie était captif d’intentions de vote, notamment dans les milieux populaires. Le Monde, dans un article du 16 décembre 2006, titrait : Ségolène Royal lance sa « campagne participative » pour « ramener le vote populaire ». La candidate socialiste à l’élection présidentielle s’exprimait au Cnit, à la Défense, à Paris, et demandait à ses partisans de « changer leur façon de faire de la politique », les invitant à organiser des débats « à tous les échelons » avec les citoyens, « dans un quartier, une rue, un bistrot, un appartement ».
Cette volonté affichée de rapprocher le politique du peuple nourrit sans nul doute les intérêts électoralistes de la candidate, mais constitue-t-elle pour autant un progrès, lorsqu’on constate chaque semaine les bancs clairsemés de l’Assemblée nationale ? L’absentéisme des députés au Parlement est de notoriété publique et l’on aimerait penser qu’elle est justifiée par un désir de rencontrer les « vrais gens » de la « France d’en bas ».
Etymologiquement, la démocratie est le pouvoir du peuple. Nonobstant le référendum, qui constitue une exception contestable, il n’existe pas plus de démocratie directe que de mandat impératif. L’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Théoriquement, la France de 2006 est donc une démocratie représentative. D’un point institutionnel, sauf à vouloir réviser la Constitution, nous avons les institutions que nous méritons. Mais qu’en est-il, dans la pratique ? Démocratie, ou ploutocratie ?
Gérard Cornu, dans son Vocabulaire juridique publié aux PUF, définit la ploutocratie comme un gouvernement par les riches (que le pouvoir politique soit directement entre leurs mains ou sous l’influence maîtresse de leur puissance réelle).
Force est de constater que notre classe politique n’est pas une représentation fidèle et durable de la diversité sociologique de notre société. Les médias traditionnels sont l’acteur clé et complice de cette situation.
Seul François Bayrou, qui occupe aujourd’hui un espace médiatique restreint a, à mots à peine couverts, dénoncé la proximité assumée de Nicolas Sarkozy, pour ne pas dire l’intimité avec les détenteurs de ces forces de frappe industrielles et médiatiques qui jouent un si grand rôle dans la formation de l’opinion. (Des médias sous influence, Marianne, 15 septembre 2006).
Les principaux acteurs du monde médiatique sont les groupes Lagardère, Bouygues et Dassault. Comment, dans ces conditions, ne pas craindre une dérive berlusconnienne d’un traitement partisan de l’information ?
Marcel, Serge, puis Olivier Dassault. Le petit-fils Jean de Gaulle trouve un point de chute confortable en qualité de conseiller-maître à la Cour des comptes, bientôt le fils Debré au Conseil constitutionnel, les présentatrices du journal de 20 heures épouses de ministres... La liste des représentants complices de notre système politico-médiatique et industriel est longue et affligeante.
Si l’hypothèse de l’élection d’une femme à la présidence de la République semble pour demain crédible aux yeux de la majorité des Français, ne soyons pas dupes. L’élection « sans étiquette » aux élections législatives d’un garçon de café ou d’un bénévole engagé activement dans une association n’a encore que très peu de chances de se produire. Notre régime politique, fondé en pratique sur l’autoreproduction de dirigeants multicartes, a encore de beaux jours devant lui.
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