La France du 11 mai 2020 vue par un Anglais
La France du 11 mai 2020 vue par un Anglais.
Un jeune Anglais venu en France pour rédiger un mémoire de science politique, me demanda ce que signifiait l’expression : « le gouvernement décide le « déconfinement ».
Si cela voulait dire : « votre gouvernement cesse de prendre les gens pour des sots » ; ou si cela voulait dire : « les Français ont l’autorisation ne plus se comporter comme tels ». Je compris le sens de cette étrange question quand je m’aperçus que notre Anglais, bien qu’issu d’un fort bon milieu, avait devant lui une page de gros mots qu’il avait entrepris de traduire. Et que ce n’était pas sous le mot « sot » que son index était posé.
Devant mon air quelque peu surpris, et pour justifier sa question, il m’expliqua sérieusement que les gouvernants, une fois en place, étaient toujours devant un choix : ou bien ils oeuvraient pour l’intérêt général, ou bien ils faisaient le choix (ils n’y étaient jamais obligés) de se mettre au service d’intérêts particuliers. Les seconds étant tout de suite repérables, puisque leurs employeurs à venir finançaient leurs campagnes électorales (dont le prix n’était pas à la portée de n’importe quelle opinion ou de n’importe quel projet politique) et mettaient leurs médias au service de leur futur employé.
Ce qui obligeait ces étranges « représentants du peuple » à faire un grand usage, une fois installés aux commandes, de techniques de manipulation pour faire supporter audit peuple ce qu’ils avaient à faire, et ce qu’ils osaient faire.
Et mon Anglais de m’énumérer les techniques de manipulation bien connues des chercheurs en sciences sociales , mais dont peu de citoyens étaient conscients qu’ils y étaient soumis quotidiennement à … des doses en réalité assez massives. ( http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1805 ; https://lhed.fr/files/PDF/Articles et Textes Choisis/La démocratie/Edward_Bernays_la_fabrique_du_consentement.pdf )
Il ajouta que certains dirigeants de notre pays, ou leurs chargés de communication, avaient enrichi la liste des procédés ou les avaient perfectionnés.
Et, il me cita, à l’appui de son affirmation, l’exemple de l’actuel président français. Il me fit remarquer que ce dernier, en pratiquant la dialectique du « en même temps », ventilait des satisfactions dont chacun pouvait en attraper quelques unes. Que les interventions, étaient « calibrés » pour aller, « surtout avec l’énoncé de banalités, dans le sens des propres constatations de tout le monde ». Ce qui a pour avantage pour le subtil argumenteur de contenter les uns et de neutraliser les autres.
Et notre Anglais d’ajouter que la technique de manipulation en question, probablement empruntée – selon lui - à certains chefs d’Etats décriés de l’Afrique francophone, serait en réalité plus subtile. Puisqu’elle jouerait très souvent et en plus sur un malentendu : « une parole est dite d’une manière telle, qu’elle peut être interprétée par les citoyens comme voulant dire ce qui les intéresse. Alors que l’orateur lui donne un autre sens (mais qu’il cache). Ce qui lui permet de dire plus tard : la réforme que je fais, a été annoncée dans mon programme sur lequel j’ai été élu. Donc, les protestataires ne sont pas des démocrates. En faisant accroire au passage que le fait d’avoir été élu donne une légitimité à ce que l’on fait ».
Le malentendu sur le sens des mots devrait vous être, me dit l’Anglais, bien connu.
« Rappelez-vous les Pieds Noirs d’Algérie qui ont considéré que la phrase « je vous ai compris » voulait dire que les Algériens ne gouverneraient pas leur pays.
Pensez à l’individu qui dit à la prostituée parisienne « je vais te faire quitter le trottoir ». Laquelle imagine qu’elle va échapper à son esclavage, alors que l’homme va l’enfermer dans une maison d’abattage.
Vous l’avez vu récemment avec les retraites : le candidat Macron annonce une réforme des retraites. Les futurs retraités tirent de l’annonce telle qu’elle a été présentée, qu’ils vont bénéficier d’une réforme juste, qui leur assurera de meilleurs revenus. Le même, devenu président de la République, fait effectivement une réforme des retraites. Mais d’où il sort que les assurances et les fonds de pension pourront devenir gestionnaires des retraites et que les futurs retraités vont devoir souscrire auprès de ces financiers des assurances pour combler la baisse du montant des retraites induite par ladite réforme ».
L’Anglais évoque alors au traitement du « covid 19 » : « Votre président de la République annonce, non du forum d’Alger, mais dans les couloirs de « IHU-Méditerranée Infection » de Marseille, que l’on allait attendre le résultat des expérimentations des deux produits utilisés par le Pr Raoult.
" Comme le gel de l’utilisation de ces produits avait été vivement décrété (décret du 25 mars 2020), et renforcée dans un décret du lendemain, les malades potentiels se réjouissent d’avoir plus de chances de sauver prochainement leur vie. Et les médecins, privés du droit de le prescrire le protocole du Pr Raoult, espèrent pouvoir recommencer à pouvoir soigner ..."
« … Mais avez vous pensé que le protocole d’expérimentation des produits à usage de traitement du covid 19, allait possiblement être à peu près aussi long que le protocole d’autorisation de mise sur le marché du nouveau vaccin ? Et qu’attendre les nouveaux résultats sur le protocole Raoult, c’est donner au vaccin le temps de recevoir l’AMM ? » . Comme si cela ne lui suffisait pas, mon hôte poursuivit : « Vous êtes-vous demandé sur quoi le programme « Discovery » appliqué au « protocole Raoult » pouvait techniquement aboutir ? …. Alors que les médecins de Marseille et d’ailleurs avaient observé et déclaré qu’il fallait administrer deux substances en début d’infection, les penseurs du protocole Discovery ont imaginé de donner seulement le premier des produits, sans le deuxième. Ce qui ne sert à rien ou peut créer, qui sait, des dommages. Et par dessus le marché, seulement sur des formes graves de patients en réanimation. C’est à dire à un moment où les médicaments en question n’ont, à ce que l’on sache, plus le moindre intérêt. Et quand le vaccin sera commercialisé, il n’y aura plus lieu d’utiliser les produits existants et peu chers. (Ce qui devrait vous rappeler qu’il y va des médicaments comme des machines à laver ou des téléphones : il ne faut pas les utiliser trop longtemps si l’on veut faire marcher les affaires ») https://www.senat.fr/rap/r15-513/r15-5131.pdf
Profitant de ce que je faisais mine de paraître partagé entre les idées que je me serais faites en regardant la télévision (qui plusieurs fois par jour, avec ses spécialistes, choisit ce qu’il est utile que je sache, me dit ce que je dois retenir et m’aide à prendre conscience de que ce que certains invités racontent n’est ni sérieux, ni convenable) et ce que je venais d’entendre, mon Anglais ajouta :
« Vous savez, quand votre président vous dit que demain rien ne sera plus comme avant … Les braves Français sont ainsi invités à penser que ces mots annoncent qu’il y aura un peu plus de services publics et un peu plus de solidarité et de décence dans les choix politiques et moins de mépris pour les gens humbles.
Mais, il bien possible que votre président pense, lui, à ce qu’il a déjà dit : qu’il faut plus d’intégration de votre pays dans les mécaniques de Maastricht, et ce qu’il a re-dit récemment à Davos : il faut une « Europe plus forte » dans laquelle « ceux qui veulent revenir à la souveraineté nationale ne doivent pas bloquer la porte aux plus ambitieux » … « il faut redonner un sens à la mondialisation ».
Et l’annonce à peine faite, les autorités françaises se sont lancées dans la souscription d‘une montagne de prêts, en affichant leur satisfaction que cela puisse être fait et se fasse selon les règles « européennes » ... en vigueur.
Il est bien possible, que les lendemains ne chanteront pas. Et que vos nouveaux chômeurs auront plus d’une rue à traverser pour trouver un emploi et que les malades consulteront encore plus leur compte en banque avant de se faire soigner ».
Pour clore notre conversation ou plutôt son monologue, l’Anglais sourit et avoua : « Quand je disais que je ne savais pas ce que « déconfiner » veut dire … je plaisantais ».
Devant siéger dans le jury de soutenance du mémoire, et le jury ne s’étant pas encore réuni, je me contente de rapporter ses propos.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités
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