La France en déclin, un pays de cons serviteurs

Connaissez-vous les cons serviteurs, ce genre humain très répandu et qui finit par se fondre dans l’élite culturelle en vue mais sans vision sur l’avenir. Le con serviteur est un néologisme associant trois composantes. D’abord le con, qui signifie l’ignorance, la bêtise, la fermeture d’esprit et bien évidemment la capacité à tout oser, surtout le médiocre. Ensuite le serviteur, notion qui indique la propension à servir. On pense en général à la servitude du valet face au maître mais j’emploie plutôt cette notion dans le sens de servir l’intérêt du système, autant que servir ses propres intérêts, les deux étant tout à fait compatibles et même très complémentaire puisque le système établi sait récompenser ceux qui le servent alors qu’à l’inverse, ils ne pardonnent rien à ceux qui osent le contester. Enfin, dans con serviteur, on trouvera le troisième sens sous forme d’un jeu de mot faisant allusion au conservateur.
La France serait-elle devenue un pays de conservateurs ? Oui pensera une opinion publique informée par les chiens de gardes gauchistes sonnant le rappel à l’ordre face aux réactionnaires. Mais attention, vous vous trompez, le réactionnaire est différent du conservateur timoré et a fortiori du con serviteur. Un réactionnaire intervient dans le débat d’idée, il défend des convictions, des valeurs, déployant une critique féroce face à un modernisme qui, s’il porte le changement, est dénoncé comme un ressort de l’abaissement de la société et d’une tendance à un abaissement généralisé de la culture. Un réactionnaire se bat. Il percute. On trouvera le réactionnaire neurasthénique et mélancolique en la personne d’Alain Finkielkraut à la triste mine sur les plateaux télé mais qui sait donner de la voix, par exemple lorsqu’un entretien vire à l’interrogatoire. Cette saine colère fait apparaître le côté inquisiteur du journaliste ; qui veut faire avouer à l’intellectuel son péché face à la bien pensance. On a aussi le réactionnaire faussement dilettante et facétieux, avec Eric Zemour et ses analyses qui débordent en percutant la conscience des belles âmes de gauche. Autre archétype, plus costaud, genre boxeur des plateaux, avec Alain Soral, le réactionnaire qui a des couilles. Dans le genre réactionnaire, il existe plusieurs caractères et autant d’école de pensée avec des styles et des idées plus ou moins personnelles. Renaud Camus, réactionnaire de divan transformé en terroir de la pensée alors que son confrère Denis Tillinac est un authentique du terroir provincial.
Ces réactionnaires sont bien sympathiques, euphémisme ; mais ça fait un peu cirque intellectuel. Il ne manque qu’une meneuse de revue et ma foi, pourquoi pas Elisabeth Lévy avec un fouet pour dompter cette gent masculine. Il y a deux siècles, Joseph de Maistre avait quand même plus de gueule, philosophiquement parlant, sans oublier les Strauss et Lasch qui sont de brillants conservateurs au sens noble du terme. Un révolutionnaire ne peut qu’être inspiré en suivant ces conservateurs au lieu de prendre appui sur Marx, penseur obsolète sauf pour les ânes cons serviteurs de l’ordre rouge.
Le con serviteur n’est pas un réactionnaire même s’il peut adopter quelques valeurs du passé ou suivre les avant-gardes quand elles sont devenues les repères culturels d’un système. Le conserviteur cherche à suivre la pensée moyenne, à œuvrer pour le consensus, sorte de passeur qui passe les plats réchauffés ou qui s’affaire en cuisine en suivant les recettes déjà convenues. Il œuvre pour maintenir le système, non pas de manière statique mais avec le léger mouvement du changement qui ne fait pas trop de vagues. Dans le domaine des savoirs, le conserviteur ne fera jamais preuve d’audace. Il admire les reliques du passé en agitant son plumeau pour les dépoussiérer et se camper dans les amphis en une sorte de commissaire d’exposition offrant les grandes pensées aux écoutants comme si elles étaient sorties d’un musée imaginaire. Les cons serviteurs sont aussi représentés dans les médias, souvent dans le monde de l’édition, sur les plateaux de shows culturels ou d’informations divertissantes comme le grand journal de Canal plus où sévissent les plus emblématiques parmi les cons serviteurs.
Le con serviteur est par essence un pleutre. Il n’ose pas défendre les causes comme l’euthanasie et se planque derrière un bouclier sémantique en parlant de suicide assisté pour effrayer le manant. Nombre de collabos ordinaires furent des cons serviteurs de l’ordre établi par Pétain…
Que pensent les cons serviteurs ? Sans doute des idées mollassonnes. Egrenées dès qu’un micro se tend ou qu’une place pour une tribune est disponible. Le con serviteur est absolument antiraciste, il est pour le mariage universel, il est européen mais pas trop, avec un sens critique dès que l’intérêt national est en jeu. Il est pour l’austérité mais pas trop. Il attend la croissance et scrute les jours meilleurs. Il est contre le dérèglement climatique. Il pense que la technologie pour tous est une bonne solution et qu’il faut être dans le développement durable afin de préserver la planète. Le con serviteur voit dans la personne du Pape l’adversaire du préservatif. Le con serviteur est pour un hédonisme tempéré. Il croit fermement en la science en se voyant moderniste dès lors qu’il envoie quelque salve vers l’Eglise. Il est de bon ton de ne pas croire en Dieu, même si on ne sait pas qui est Dieu. Le con serviteur est obligatoirement contre le FN qu’il doit absolument ériger en diable, en parti d’extrême-droite et même en parti nazi. Je me donne un conseil néanmoins : limiter l’écriture sur les cons serviteurs, pour ne pas être attiré par le bas et le vide sidéral de cette pensée atrophiée qui épouse le mouvement comme un chien qui suit le morceau d’os.
Il existe plusieurs niveaux de cons serviteurs. Depuis l’abruti jovial qui décline ses blagues sur le plateau d’Hanouna jusqu’au professeur d’université qui administre quelques savantes leçons pour ne rien changer, en passant par nombre d’intellocrates, journalistes et autres politiciens de cirque médiatique. La grande question « métaphysique » qui se pose concerne l’utilité des cons serviteurs. Je n’ai pas la réponse mais une chose est sure, les cons serviteurs ont un impact important sur la société. Par leur mollesse toute diplomatique ils semblent participer à une sorte de paix sociale en lissant les aspérités du monde tout en tempérant les cris intempestifs des réactionnaires et des révolutionnaires. L’envers de la médaille, c’est que les cons serviteurs empêchent un monde nouveau d’advenir et servent à maintenir l’ordre établi qui en fin de compte, leur convient assez bien. Le révolutionnaire établit le désordre alors que le con serviteur sert l’ordre établi.
Le conservateur est différent car il conserve le passé qui devenu monument se prête à un usage progressiste si on en croit une certaine interprétation de la deuxième intempestive de Nietzsche. Le con serviteur pratique la con servitude. Parfois il enferme la pensée en boîte de conserve. Vous avez le cassoulet au porc, au canard ou à la saucisse de Toulouse. Prenez Frédéric Lenoir. Dans ses interventions télévisées, il donne l’impression d’ouvrir une pensée enfermée dans ses boîtes de conserve. Le bonheur cuisiné de plusieurs manières, avec au choix, comme pour le cassoulet, des morceaux de Spinoza, de bouddhisme, d’épicurisme et même de christianisme. Le con serviteur plaît au grand public. Qui boude les révolutionnaires.
Le désordre révolutionnaire n’a rien d’anarchique. Il marque la transition entre une époque et celle qui suit et ne lui ressemble pas. Le con serviteur n’a pas d’avis sur les révolutionnaires, ni sur les réactionnaires. Il pense que le monde doit suivre un réformisme calé sur les événements et la conjoncture. Le con serviteur suit et sert la conjoncture, le révolutionnaire change les structures. Le mal français n’est pas étranger aux cons serviteurs qui sont bien servis et diffusés. Le révolutionnaire et en général tout individu qui affronte le système, souvent pour le faire bouger, est en quelque sorte boudé, pour ne pas dire massacré par le système de l’ordre établi. Voilà pourquoi la France n’épouse pas son avenir car elle tue à petit feu tous ceux qui pourraient faire advenir un monde nouveau. Mais dieu merci, les révolutionnaires n’ont pas abdiqué, même si dans leur camp ont voit quelques agités du bocal qui finalement, jouent de concert avec les cons serviteurs, devenant alors les idiots utiles de l’ordre établi qu’ils légitiment en le conspuant tout en jetant des tomates idéologiques.
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