Comme beaucoup de Français, j’ai pu suivre en direct l’assaut donné à Toulouse ce matin du 22 mars 2012, date symbolique s’il en est puisqu’elle évoque le début d’événements soldés par l’insurrection de mai 68. Je travaillais d’un texte à l’autre, des "clades évolutifs" à la philosophie de Strauss, lorsque la télé troubla ma concentration en diffusant des échanges d’armes à feu très intenses, rappelant les films de guerre. La suite est connue. Merah était mort, la France soulagée et pourtant, fait rarissime, jamais une intervention de ce type n’a suscité autant de polémiques qui ne cessent de prendre de l’ampleur depuis les faits. Il a suffi d’un individu pour semer le trouble et la confusion dans un pays aussi « consistant » que la France. A moins que la France ne soit elle-même dans un état critique et instable. Une chose est acquise, l’auteur des tueries de Montauban et Toulouse est hors d’état de nuire. Mais comme l’objectif était de l’avoir vivant pour une enquête et un procès, on peut parler d’un succès relatif qui ne doit pas remettre en cause les compétences du Raid et ses policiers courageux. Mais que de zones d’ombre. En fin de soirée j’écrivais un billet vite interrompu car je me demandais qui j’étais, moi petit chroniqueur, à commenter depuis mon douillet appartement une intervention où des hommes risquent leur vie. Affaire classée, autant tirer un trait et reprendre les recherches sur l’évolution et les civilisations.
Mais le lendemain, tous les médias s’interrogeaient sur ces faits, jetant le trouble et la confusion sur nombre de points, notamment l’action de la DCRI qui aurait pu coincer le tueur avant son dernier méfait dans une école juive. Les critiques sont nombreuses mais pas si évidentes car d’une part on ne peut pas traquer incessamment et surveiller des citoyens au nom de la préservation des libertés et d’autre part, il faudrait être omniscient ou alors culotté pour déclarer que le job n’a pas été fait correctement. L’enquête est allée incroyablement vite disent les uns ou a dysfonctionné disent d’autres. En pareille confusion, seule une commission parlementaire peut être légitimement habilité à faire la lumière. Mais quelque doute subsiste si l’on en croit les allégations d’un Alain Juppé qu’on ne peut pas soupçonner d’être au service d’une improbable manœuvre politicienne. La confusion, on l’a aussi décelé lors de précédentes interventions politiques et notamment celle de François Bayrou qui a montré sa fébrilité accusatoire en dénonçant un climat de campagne qui on le sait maintenant, est complètement étranger à la détermination d’un Merah dont le macabre dessein était inscrit il y a longtemps dans son âme ténébreuse. Et la Une de Libé ne va pas dans le sens de l’apaisement, avec la une titrant sur les zones d’ombres égrenées en sept points essentiels et notamment le déroulement de l’intervention.
Christian Prouteau, ex patron du GIGN, y est aussi allé de sa critique en émettant l’hypothèse de quelques ratés et notamment un usage adéquat de gaz lacrymogènes qui aurait pu faciliter les choses. Sur la Deux, le responsable du Raid a livré un compte-rendu assez détaillé qui à première vue semble sincère. Les policiers étaient déterminés à le capturer vivant. Finalement, on ne peut rien conclure si ce n’est tirer la page. Un esprit suspicieux saura tracer une explication qui ne pourra pas être convaincante sur une éventuelle interférence entre les impératifs de campagne de Sarkozy et un mode opératoire du Raid ayant pu être perturbé à cause d’instructions venant de Guéant et de l’Elysée. C’est là un point névralgique et une question qui peut être posée car des personnes avisées ont pointé le caractère problématique du mode opératoire choisi. Finalement, tout le monde parle, s’exprime, commente et la France est dans un état de confusion totale que le soleil printanier finira bien par dissiper. Quant à Sarkozy, il a lui aussi ajouté de la confusion avec sa proposition de surveiller le Net et un dispositif législatif qui on le sait, ne pourra qu’être adopté par le gouvernement sans qu’il puisse être validé par un Parlement actuellement fermé et dont la prochaine session se fera avec une nouvelle Assemblée. Conclusion rimera donc avec confusion, trait caractéristique du désarroi contemporain
Le show se poursuit. Restons calmes, bon week end ensoleillé et surtout, patientons en toute zénitude jusqu’au 6 mai, en espérant quelque délivrance et le retour à une séquence historique plus riche en inventions et moins confuse.
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Le rôle des services de police est d’interpeller le suspect pour le remettre à la justice. Dans ce sens le raid a échoué. De plus, le résultat de l’autopsie du suspect permettra de présumer si il a été abattu en état de légitime défense (tir de face) ou si il a été assassiné (tir de dos). La justice fera certainement la lumière sur cet homicide (mort d’homme).