La France malade de ses hommes politiques
Que doivent faire les Français pour que la classe politique change ses pratiques ? Voilà une question qui se pose maintenant depuis plus de vingt ans ! Et personne ne semble trouver le moyen d’y répondre.
Vingt ans de déliquescence
Les journalistes politiques français, au passé aussi long que celui des hommes politiques aux commandes, pourraient énumérer une liste impressionnante d’affaires et d’événements qui ont remué l’hexagone mais n’ont pas causé de changement notable de la politique :
- les affaires mitterrandiennes (écoutes téléphoniques, mensonge d’état sur sa santé...)
- le suicide de Pierre Bérégovoy précédé d’une campagne de presse acérée
- la dissolution de l’Assemblée nationale par J. Chirac sur les conseils de de Villepin
- les affaires de financement de partis politiques qui ont concerné tous les camps
- les auto-amnisties des hommes politiques
- les affaires chiraquiennes (frais de bouche, frais de voyages, faux électeurs parisiens...) dont aucune ne débouche sur quoi que ce soit de concret
On pourrait continuer longtemps comme cela, le seul problème est qu’il est difficile de se souvenir de tout !
Au cours des dernières années, la crise est parvenue à un niveau tel que beaucoup de Français sont écoeurés du « spectacle » offert par les hommes politiques.
Les dernières élections présidentielles ont évidemment causé un choc dans la population. Ce n’est pas tant la deuxième position de J.M. Le Pen que le sentiment de s’être fait manipuler par les médias et la classe politique.
Bien entendu, cela peut paraître partisan de dire cela, mais l’accent majeur mis sur les problèmes de sécurité au moment de la campagne a favorisé le vote à droite et à l’extrême droite. Y avait-il réellement une recrudescence des violences, à ce moment-là ?
De plus, il a paru évident à bon nombre d’électeurs que l’UMP et le PS se retrouveraient au deuxième tour, comme d’habitude. D’où l’absence de débat, d’arguments et de programme. Cessons de nous complaire dans ces habitudes bien établies par la classe politique française !
Regardez les sondages d’opinion qui inondent la presse et les médias. Qu’apportent-ils, sinon un bruit de fond pernicieux, une falsification de la connaissance des Français ? Les hommes politiques et les journalistes sont hypnotisés comme des animaux pris dans les phares d’une auto. Ils ne peuvent s’empêcher de regarder, de contempler, jusqu’à ce que la réalité les percute de plein fouet !
Le référendum sur le Traité constitutionnel européen.
Beaucoup de Français se sont sentis floués par le niveau du débat politique et médiatique. Pendant des mois, il était de bon ton de fustiger les opposants au texte, sans argumentation réelle, avec la certitude que, comme d’habitude, cela se terminerait par un vote positif. Cela s’est joué ainsi avec le Traité de Maastricht, pourquoi ce référendum serait-il différent ?
Entre temps, un média alternatif s’est organisé : Internet. Les opposants, les sceptiques, les curieux et les indécis se sont dirigés vers le seul moyen d’expression accessible facilement pour discuter, échanger et partager l’information.
Les partisans du oui, engoncés dans un costume de béton armé, n’ont pas vu le vent tourner... Les hommes politiques et les journalistes ont alors assisté à un retournement de situation inéluctable. Beaucoup de Français ont été sensibles aux arguments du non car ceux-ci étaient disponibles, clairs et précis. Les arguments du oui se limitaient souvent à l’habitude et à l’obligation de suivre le train européen.
La classe politique, une nouvelle fois ébranlée dans ses certitudes, a juré qu’elle avait compris, qu’elle écouterait les Français et que la prochaine fois, elle ferait son travail.
Les journalistes, une nouvelle fois surpris par un résultat contraire à leurs prévisions, ont juré qu’ils avaient aussi compris, qu’ils écouteraient les Français et que la prochaine fois, il feraient mieux leur travail.
L’UMP est en guerre
Avec D. de Villepin, J. Chirac a promis aux Français que le changement serait au rendez-vous et que le gouvernement travaillerait d’arrache-pied. L’objectif étant de faire baisser le chômage, on allait voir ce qu’on allait voir !
Malheureusement, ce qu’on est en train de voir, c’est une bataille dantesque entre deux camps à l’intérieur du même parti politique ! Les dinosaures, aux commandes depuis des lustres, refusent de modifier leurs façons de faire. Ils préfèrent répéter jusqu’à la fin les mêmes stratégies assassines pour arriver ou rester au sommet.
D’un côté, nous avons Nicolas Sarkozy et de l’autre, Dominique de Villepin, obligés de collaborer dans le même gouvernement, alors qu’ils sont en compétition pour la présidentielle de 2007. Résultat ? La révolte des banlieues et le pitoyable effet CPE, qui ont complètement désorganisé le pays, à tel point que personne ne savait qui dirigeait, et qui prenait les décisions.
De Villepin a été proprement lâché par son camp, afin de le discréditer aux yeux du public et de le faire passer pour un faible. N. Sarkozy semble en être ressorti indemme, alors que tout porte à croire qu’il a favorisé cet abandon.
Pour couronner le tout, les médias sont passés à la sombre affaire Clearstream. Pendant ces dernières années, au lieu de travailler pour le bien du pays, tous ces hommes politiques (du même camp) semblaient se servir des services secrets et de la justice pour préparer leurs combats.
Pourquoi cette affaire s’accélère-t-elle maintenant ? Est-ce pour éliminer définitivement un des deux camps ? Le risque est grand de voir les Français une fois de plus écoeurés de ces mœurs politiques, loin de leurs préoccupations quotidiennes, se rabattre vers les extrèmes.
Pendant ce temps, à l’Elysée, J. Chirac semble enfermé dans sa tour d’ivoire, prêt à lâcher un nouveau fusible. D. de Villepin ira-t-il allonger la liste des « morts pour Chirac » que forment Devaquet, Juppé, Raffarin et bien d’autres...
Pendant ce temps, que se passe-t-il au PS ?
Au Parti socialiste, il n’existe pas deux camps ennemis qui s’affrontent par médias interposés, il existe autant de camps que de personnalités politiques !
F. Hollande a toutes les peines du monde à juguler les envies d’en découdre de J. Lang, D. Strauss-Kahn, L. Fabius, S. Royal (pour ne citer qu’eux). Dès lors, comment obtenir une ligne claire de ce parti, lorsque chaque interview des uns ou des autres permet de lancer des petites phrases croustillantes relayées par les médias, en quête de sensationnalisme ?
Et que dire des rumeurs persistantes du retour de L. Jospin ? Comment comprendre qu’un homme ayant subi un tel échec, au soir d’un dimanche de 2002, puisse se représenter à la présidentielle suivante ?
Lorsqu’on annonce son retrait de la scène politique sans tenir compte de l’avis de son parti et de ses militants, la moindre des choses est de tenir parole, non ? Il serait intéressant de connaître l’argumentation en faveur de ce changement total de la part de l’intéressé, car avouerait-il être capable de tels revirements qu’on ne pourrait plus croire en sa parole.
Une dernière preuve de la déliquescence du Parti socialiste est le projet de loi sur les droits d’auteur (DADVSI). Dans l’indifférence médiatique générale, quelques députés socialistes ont combattu avec fougue le texte défendu par R. Donnedieu de Vabres. Tous les ténors du PS ont esquivé, avec grand courage, les interviews à ce sujet, de peur de se mettre à dos les artistes.
Depuis cette semaine, grâce à M. Charasse, sénateur socialiste, on connaît la position exacte des dirigeants socialistes à ce sujet. Celui-ci défend maintenant clairement les orientations du texte, au risque de sacrifier le logiciel libre et la recherche française. Il est onnu pour son franc parler, et on ne peut que le remercier de se faire le porte-parole de certaines composantes de son parti, restées jusque-là très discrètes, qui privilégient les majors et les groupes informatiques américains monopolistiques.
2007 : année de la déflagration ?
Ce tableau noir et pessimiste de la vie politique française laisse augurer malheureusement d’une nouvelle déflagration en 2007. Les partis historiques que sont le PS et l’UMP sont entièrement tournés vers la présidentielle. Ils ont pris acte que les douze mois qui restent avant l’échéance ne seront qu’une période de campagne électorale, sans grande volonté de faire bouger les choses.
De leur côté, les grands groupes médiatiques, contrôlés par de puissants industriels, ne veulent pas renouveler les erreurs passées. Mais est-ce une coïncidence, ou une main de fer s’abat-elle sur les rares personnalités atypiques du PAF ? On assiste à une mise en cause de Daniel Schneidermann, trublion de « Arrêt sur Images », et à l’arrêt du « vrai journal » de Karl Zéro, pour accueillir Laurence Ferrari, transfuge de TF1.
Lorsque R. Donnedieu de Vabres annonce vouloir transformer l’Internet pour favoriser le « vrai » journalisme, doit-on s’attendre à une remise en cause de la liberté d’expression de ce média populaire, à un an de l’élection ?
Toutes ces questions, ces inquiétudes, ces silences de la classe politique et des médias font le bonheur des extrêmes. Les autres partis que sont l’UDF, le PC ou les Verts, seront-ils de taille à bouleverser l’échiquier politique et à contenir les votes contestataires ?
La bataille présidentielle ne s’annonce pas passionnante, elle s’annonce sombre et dangereuse si la classe politique ne change pas dès maintenant ses habitudes détestables.
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