La France par décrets
La publication au journal officiel de dispositions établies par des commissions d'experts n'ayant pas de représentativité pose problème ; étude d'un cas récent.
Il y a un décalage, voulu, entre le titre et le cas que je vais décrire ; c'est que je veux en faire un cas exemple pour un problème plus général.
J'ignore si vous êtes généalogiste ; vous avez pu remarquer un certain engouement et une prolifération des associations et sites en ligne. Il y a eu une loi en 2008 qui a favorisé ce mouvement en portant de 100 à 75 ans la période de non communicabilité des données et il y a tout un mouvement de numérisation des données commencé depuis longtemps par les associations et maintenant pris en charge par les archives, avec mise en ligne : vous pouvez consulter les archives de l'Indre, par exemple sans quitter la région parisienne.
C'est dans ce contexte que la CNIL, comme sortie d'une longue torpeur, a commis le texte publié au journal officiel en date du 27 avril 2012 dont voici un lien :
Délibération n° 2012-113 du 12 avril 2012 portant autorisation unique de traitements de données à caractère personnel contenues dans des informations publiques aux fins de communication et de publication par les services d'archives publiques (décision d'autorisation unique AU-029)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025753449
Il pourra paraître fastidieux de suivre ce texte. Prenons un exemple : parmi les données de nature personnelle on trouve les données à caractère religieux ce qui, d'un seul coup, jette un froid sur toutes les données de registres paroissiaux très utilisées par les généalogistes. Pour faire court ce sont les 5000 et quelques sites d'associations de généalogistes qui avaient peu à peu construit leur site avec des bénévoles pour l'acquisition des données qui sont remis en cause. J'entends bien que la CNIL ne s'est pas mis en conflit direct avec le texte de la loi de 2008 mais en « débarquant » 4 ans après et dans un contexte où « l'ESPRIT de la loi était à un assouplissement des barrières administratives ce texte est un peu comme un OVNI.
Précédemment la CADA ( Commission d'Accès aux Documents Administratifs) avait sorti un texte, revenant aussi sur l'esprit de cette loi avec, par exemple cet avis du 8 octobre 2009 sur la possibilité d'inviter une personne qui a demandé à recevoir par courriel copie de tables décennales à venir consulter sur place ces documents et de faire elle-même les copies de son choix : « A cet égard, la commission considère que la légalité de la mise en ligne de l’état civil ancien, auquel le département envisage de procéder d’ici la fin de l’année 2009 ou au début de l’année 2010, est douteuse dès lors que cet article 7 (du 17 juillet 1978) interdit la publication des documents contenant des données à caractère personnel. »
J'en viens donc au principe. Il est sans doute bon que des commissions ad hoc délibèrent sur les risques de certaines dispositions mais il devrait être impératif que ceci ne se fasse pas en aval d'une loi tout juste publiée (4 ans..). Il n'est pas possible d'avoir, tout à coup, car il n'y a pas consultation des parties prenantes, un texte qui tombe au journal officiel et qui place en état de semi illégalité non seulement des associations mais aussi des directions d'archives. Nous vivons avec le culte des experts qui peuplent ces commissions alors que ces experts ne devraient être que consultés, à charge pour les élus, les véritables représentants du peuple de prendre en compte, ou pas leurs avis. De ce point de vue je voudrais élargir encore le propos et pointer du doigt les commissaires européens qui ne sont pas des élus et dont les directives sont applicables en France, de telle sorte que les députés « valident » a posteriori des textes sur lesquels il est quasi impossible de revenir. C'est un déficit majeur de représentativité.
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