La France périphérique de Christophe Guilluy annonce une évolution des forces politiques, la disparition du PS et une autre bipolarité
La France Périphérique, Comment on a sacrifié les classes populaires Broché – 17 septembre 2014 de Christophe Guilluy.
Christophe Guilluy, géographe de formation, est un des experts les plus écoutés des élus et de leurs collaborateurs dans les territoires. Il travaille sur des études chiffrées de la démographie.
Dans son livre sorti l'an dernier, mais qu'à tort je n'avais pas encore lu, on y trouve plusieurs idées fortes :
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la création de richesse se fait dans les métropoles au détriment de la périphérie.
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En conséquence, plus on se rapproche du cœur des métropoles, plus les habitants sont riches et occupent des positions élevées dans la société.
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A contrario, plus on s'en éloigne, plus on trouve des pauvres et des laissés pour compte. Cela représente un peu plus de 34.000 communes (sur 36.000), soit 60% de la population française, proportion dont les trois quarts appartiennent eux-mêmes aux catégories populaires. On est loin des romans de Balzac qui décrivaient les strates de la société réparties dans le même quartier, voire dans le même immeuble.
Il existe cependant des pauvres dans les logements sociaux, mais le clivage social se double d'un clivage ethnique : dans l'hexagone 50 % des habitants des zones urbaines sensibles (ZUS) sont des étrangers, et en Ile-de-France 64%.
Les deux populations, la riche et la pauvre, cohabitent sans vivre ensemble, par exemple en se jouant de la carte scolaire.
Les gens modestes, y compris les jeunes et les retraités peu pensionnés, ne peuvent profiter d'un immobilier cher et ne veulent pas des zones à forte densité d'étrangers. Ils s'éloignent des centres villes et s'exilent dans les communes lointaines en payant cet éloignement au prix fort : transports en commun rares, frais automobiles élevés, avantages culturels faibles et difficultés de changer de travail, voire d'en trouver. Quand on dit « frais automobiles élevés », cela peut signifier un tiers du revenu d'un smicard qui ne dispose pas de transport commun, ô Bobo ennemi juré de l'automobile dans ta ville.
Du point de vue politique, Christophe Guilluy affirme que les partis de gouvernement, l'UMP (devenus Les Républicains) et le PS, sont pro-européens, ce qui va dans le sens des sentiments de la partie aisée de la population et à l'encontre du ressenti des habitants de la partie périphérique.
Comme le FN s'est positionné sur le créneau délaissé, c'est lui qui engrange les voix de ce qui était avant l'électorat de gauche. Et dire que j'entends encore à la télévision, de beaux esprits s'étonner que le FN gagne des voix là où il n'y a pas d'immigrés ! Encore faudrait-il que les commentateurs patentés s'instruisent. Peut-être se réveilleront-ils le jour où le parti adverse des Républicains se rebaptisera « Les Démocrates ».
Christophe Guilluy schématise en définissant l'électorat UMP comme des cadres du privé et des retraités du privé et l'électorat du PS comme des fonctionnaires en activité ou en retraite. Pour lui, la dynamique de la baisse des emplois de la fonction publique contraint le PS à la disparition. Et comme ce sont les personnes âgées qui se mobilisent davantage pour voter, l'UMP a encore de beaux jours.
Nous allons donc sur une nouvelle bipolarisation qui ne sera plus gauche-droite mais pro et anti-européenne - ces concepts de gauche et de droite ne signifient plus rien pour les électeurs.
En l'absence d'autres choix possibles et crédibles, c'est le Front National qui récolte les voix de la France périphérique anti-européenne.
On aurait pu penser que ceux qui avaient placé leur cœur à gauche allaient se réveiller et prendre en compte la nouvelle donne démographique. Mais à entendre des noms de partis avec le mot « gauche » qui a été dévoyé, on voit qu'ils n'ont rien oublié, mais aussi rien appris et rien compris et que ce ne sont pas eux qui vont tirer les marrons du feu aux prochaines présidentielles.
Le livre est riche. Je ne l'ai abordé que sous un angle. Il a de plus le mérite de se baser sur des études sérieuses et non pas sur les habituelles élucubrations d'olibrius à science infuse.
A lire.
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