« Ministère de la pensée »
Il y a quelques jours, c’était le devoir de réserve du prix Goncourt, voire des écrivains en général. Et puis de la presse pendant qu’on y est. Allons, encore un petit effort et poussons jusqu’au droit de réserve du citoyen. Le président aura le droit de vous dire « casse-toi pauv’con », mais vous n’aurez plus celui d’émettre un avis du style « Mr le Président me dégoûte tant par sa politique que par sa personne ». Heureusement, la France ne dispose pas encore d’un morceau de Sibérie dans son territoire.
« Rassurez-vous, il y aura derrière lui quelqu’un de compétent »
Quelques semaines auparavant, l’affaire Jean Sarkozy arrivait sur la place publique. Le plus pitoyable fut tout de même les contorsions des amis du président pour justifier que « l’âge n’attendait pas le nombre des années », qu’il était « plus talentueux que son père à son âge », etc... Admettons, mais tout de même, mes amis, quelle gifle, quelle claque, quel camouflet, quelle baffe, quelle humiliation pour les jeunes anonymes et talentueux qui travaillent pour se construire péniblement une place dans cette société que d’entendre que Sarko Jr, études de droit incomplètes, se trouve déjà élu à Neuilly et catapulté à une grande direction publique sans que cela ne soit dû le moins du monde à la position de son père. Bien sûr, le piston existe à tous les étages de la société, mais qui devrait donner l’exemple ? Qui est le garant de la méritocratie, pour peu qu’elle existât jamais ?
« La démocratie que de nom »
Remontons le temps de quelques mois. Sortait le livre de François Bayrou. Déprimés de toutes régions, ne le lisez-pas, il va vous achever. Quel panorama de la république est-il dressé dans ce bouquin ! L’affaire Pérol, l’affaire Tapie, les « Abus de pouvoirs » en tous genres... Peu importe ce que vous pensez de Bayrou et de son modem, il y a au fil des pages un constat édifiant et clairement exposé, qui corrobore très bien ce que le simple citoyen peut déjà ressentir. Sauf que, comme dans les affaires d’espionnages, il semble que certains scandales puissent dépasser la fiction. La privatisation des autoroutes, les préjudices moraux de Nanard à cent millions d’euros (non imposables d’ailleurs, eux...), quel écœurement pour le contribuable.
« Tu veux ma photo ? »
Plus léger, issu du quotidien, mais tout aussi déroutant, voire symbolique. Il vous faut renouveler votre carte d’identité. Vous rassemblez vos papiers un beau matin. Vous vous faites beau pour la photo après avoir relu le formulaire qui impose plus de 15 spécifications à respecter. Flash ! Ouf !... Vous êtes satisfait, les photos sont dans les clous et agréées par le ministère public (en fait, seulement le contraste et l’éclairement). Simplement, l’employée de mairie vous les rejette car elle réussit à détecter, réglet à la main, une anomalie invisible au commun des mortels (la tête trop basse de... 0,5 mm !!!) et surtout, une anomalie dont aucune mention n’est faite dans la liste, déjà longue, du formulaire. « La préfecture refusera, je les connais » dit-elle. « Alors, j’irai leur demander moi-même leurs explications. Ah ? Ils ne reçoivent pas le public ? Mais, là, que vois-je, c’est un système de photographie, faites-les vous mêmes les photos ! Ah ? C’est pour les passeports et le réglage ne convient pas pour les cartes d’identité ? ». Bon, voilà sans doute un futur sans-papiers de plus, dépité de ne pas comprendre ce que recherche l’administration in fine. Présente dans la salle, une ukrainienne vivant en France confiera à l’ulcéré que même en URSS, selon elle, la bureaucratie n’allait pas si loin dans ce genre de détails pour la constitution des dossiers.
Tiens, d’ailleurs, quand on invite en France un étranger pour quelques semaines (même une seule), il faut une attestation d’accueil délivrée par la mairie, c’est normal. Vous fournissez votre avis d’imposition, votre contrat de location, vos trois derniers bulletins de salaires, des factures, mais non, ce n’est pas assez, il vous faut encore faxer une attestation de CDI par votre employeur. Et 45 euros de timbres fiscaux, tarif qui n’a pas connu la crise ces dernières années. Comble du respect, un refus d’attestation d’accueil est poliment signifié par un non-envoi, une absence de réponse. Pour une fois, l’adage « qui ne dit mot acquiesce » est renié. Et bien sûr, adieu les 45 euros... Cela donne une impression de charger un maximum le citoyen qui essaie de respecter les règles, tandis que l’on sait très bien que tant d’irrégularités ne sont pas sanctionnées.
C’est comme le « pauv’con » qui rentre du boulot et qui se fait flasher en ville à une vitesse ramenée à 51 km/h tandis que... Enfin, mieux vaut s’arrêter là, vous connaissez tous cette impression de disproportion, d’injustice, de France à plusieurs vitesses. En somme, ce sentiment d’écœurement.