La franchise ? Franchement...
Depuis le début de la semaine, on ne fait qu’en entendre parler, elle est sur toutes les lèvres, sur toutes les unes de journaux : la franchise médicale ! Quèsaco ce truc ?! Et pourquoi qu’on en parle autant ?!
Bon, si toi, naïf lecteur, tu n’as pas suivi le journal de Claire Chazal ou de David Pujadas, sache que la franchise médicale s’appliquera à partir du 1er janvier 2008. Dans la digne veine de la franchise chez le médecin qui te ponctionne déjà 1 euro lors de chaque consultation dans la limite et 18 euros pour tout intervention dont le coût est supérieur à 91 euros, la franchise médicale laissera 50 centimes d’euros à ta charge par boîte de médicaments et par acte paramédical, et 2 euros par transport en VSL.
Alors certes, des abus sont notés un peu partout, des personnes qui, tous les mois, vont à la pharmacie avec l’ordonnance du médecin, reprennent tout alors que certains produits sont utilisés à la demande, si la douleur est trop forte ou en cas de crise diverse. Et je ne parle pas des patients qui se font conduire à l’hôpital ou aux consultations alors que leur entourage est tout à fait disponible pour le faire ou de cette personne qui décide d’aller voir trois généralistes différents parce que les réponses des deux premiers ne lui conviennent pas... Oui, ce type d’abus existe...
Cependant, je trouve regrettable que tout le monde se trouve aujourd’hui obligé de payer pour une minorité et que, par ailleurs, ce soient désormais les malades qui financent la prise en charge des autres malades... Je m’explique.
Depuis l’instauration du passage obligatoire par le médecin traitant, je me suis retrouvée à devoir prendre rendez-vous chez mon généraliste pour pouvoir aller voir un dermatologue alors que j’auvais précédemment pris rendez-vous avec ledit dermatologue. J’ai donc fait remboursé une visite chez le généraliste puis une visite chez le spécialiste, contre uniquement la dernière auparavant... Logique pour réduire les dépenses publiques...
De même, de manière à réduire la fraude à la Carte vitale, on m’en a renvoyé une nouvelle, avec une jolie photo d’identité dessus... Logique pour réduire les dépenses publiques... Et je ne parle pas des « batailles » que j’ai dû livrer auprès de la Sécurité sociale pour bénéficier de mes indemnités journalières pendant un arrêt de travail. Une bonne dizaine d’échange de courriers pour me dire que oui, puis non, puis il manque un papier, puis re-oui, et j’en passe... Logique pour réduire les dépenses publiques...
Maintenant, on m’annonce que je devrai débourser 50 centimes par boîte de médicaments... Aïe aïe aïe... Pour moi, la situation peut encore passer, mais de justesse étant donné mon budget... Et puis, car j’ai plus de 16 ans, je ne bénéficie pas de la CMU complémentaire et en plus, je ne suis pas enceinte, mais j’ai moi aussi des soucis de santé ! Mais imaginons une situation tout à fait plausible.
Prenons une personne d’une trentaine d’années, célibataire, handicapée par une pathologie lourde. Cette personne ne peut travailler et perçoit donc une Allocation adulte handicapée qui s’élève à 620 euros par mois. Considérons que les empêchements occasionnés par son handicap sont pris en charge par des aides (en sachant qu’en réalité, il reste très souvent aux personnes handicapées qui sollicitent l’intervention d’auxiliaire de vie pour leur quotidien une part à financer elles-mêmes...). Cette personne bénéficiera d’une aide au logement, mais il lui restera environ 150 euros à sa charge (estimation sur la base d’un loyer de 400 euros faite sur le site internet de la CAF), auxquels il faudra ajouter les charges d’eau, d’électricité, de gaz, d’assurance, de téléphone et de mutuelle.
Eh oui, car même si l’AAH est considéré comme un revenu minimum en France au même titre que le RMI, il faut savoir que le bénéficiaire de l’AAH, à l’inverse du bénéficiaire du RMI, n’a pas le droit à la CMU complémentaire. Certes, il pourra ouvrir droit au crédit d’impôt ce qui réduira sa cotisation de mutuelle, mais on peut facilement l’évaluer à 10 euros par mois malgré tout. Si l’on rajoute à ces charges le minimum alimentaire qui s’évalue dans le département où je travaille à 150 euros par mois, le reste à vivre de cette personne est très faible, surtout si elle doit financer une partie des aides dont elle bénéficie. Les loisirs, pour cette personne, devront alors se réduirent au strict minimum et ne pas lui coûter trop cher, tout comme ses vacances... Alors que généralement, on note que les séjours pour personnes handicapés sont beaucoup plus onéreux en raison du coût de fonctionnement et de prise en charge...
Imaginons maintenant qu’en raison de sa pathologie, elle doive voir son médecin généraliste deux fois par mois (soit 24 euros de forfait par an), deux spécialistes tous les mois (24 euros par an), avoir des séances de kiné deux fois par semaine (52 euros par an), une injection effectuée par une infirmière par jour (182 euros par an) et renouveler tous les mois une ordonnance de 20 boîtes de médicaments (120 euros par an). On remarque que cette personne aura, par l’intermédiaire du forfait pour les consultations médicales, laissé 48 euros à l’Etat et, par le biais de la franchise sur les soins paramédicaux et les médicaments, rempli son quota des 50 euros.
Cette personne handicapée, ayant donc besoin de soins, se retrouve donc parmi les 10 à 15 % de Français que Mme Bachelot considère comme étant concernée par le plafond annuel... Je ne sais pas vous, mais personnellement, je m’interroge...
La Sécurité sociale, système censé permettre à tous l’accès à la santé, est en train de devenir un système à deux vitesse, où les malades financeront la recherche quand les bien portants se frotteront les mains de ne pas avoir à se faire soigner... Implicitement, cela freinera plus d’une famille aux revenus modestes, entraînant un mauvais dépistage de certaines pathologie et par là même un risque d’augmentation des pathologies lourdes... et coûteuses !...
Messieurs les dirigeants, ne serait-il pas possible, au lieu de réduire les impôts des plus riches, de trouver un système de financement concernant tout le monde, malades ou bien portants ? Car si les bénéfices tirés de cette franchise sont destinés à la recherche sur la maladie d’Alzheimer, cela concerne "tous" les Français, et pas seulement ceux qui, aujourd’hui, souffrent de pathologies chroniques...
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