La frilosité du Parti Socialiste suisse
Minorisé dans un gouvernement de droite, le ministre socialiste suisse des affaires sociales, Alain Berset, présente au parlement une réforme des retraites, pas vraiment sociale, censée pérenniser une assurance, menacée par l'augmentation de l'espérance de vie. Le système de retraite suisse est basé sur une assurance publique par répartition et une assurance privée par capitalisation obligatoire.
Voilà une bonne affaire que nous propose le conseiller fédéral socialiste Alain Berset, une réforme du système de retraite, qui se résume à une augmentation de rente, compensée par une baisse de rente. Cela laisse pantois.
En effet, un petit calcul suffit pour se rendre compte qui sera le dindon de la farce de l’opération. Côté prévoyance obligatoire par capitalisation, une baisse annoncée du taux de conversion de 0,8% sur un capital retraite de CHF 500'000.00, résultera, taux de placement zéro pourcent oblige, en une baisse de rente de CHF 335.00 par mois, « compensée », côté prévoyance obligatoire par répartition par une augmentation de la rente AVS de CHF 70.00 par mois.
Ceci pour le revenu brut. En ce qui concerne le pouvoir d’achat, déjà durement éprouvé par une stagnation des salaires depuis 15 ans, il sera péjoré par une hausse de la TVA de 0,6%, et comme si cela ne suffisait pas, le ministre propose une augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Une assemblée des délégués du parti socialiste vient d’approuver cette réforme avec un score stalinien de 90%. Décidément, l’esprit de combativité des camarades est sans limite.
Les partis bourgeois annoncent d’ores et déjà de la torpiller cette réforme, non pas parce qu’ils la trouvent injuste, mais parce qu’ils objectent l’augmentation de la rente AVS de 70.00 par mois, le prix d’un bon repas. Elle se comporte ainsi comme la droite réactionnaire américaine qui s’oppose à la réforme de l’assurance maladie de l’actuel président parce qu’elle estime qu’elle ne va pas assez loin.
C’est à nouveau la classe moyenne dont le pouvoir d’achat sera amputé encore un peu plus, qui supportera le gros du coût de cette réforme. Les 70 CHF destinés surtout à alléger le portemonnaie de la classe défavorisée, partiront en « pschitt » dans la consommation, et la classe aisée, qui détient le capital, sera à nouveau épargnée. Elle continuera à réinvestir les gains de productivité dans les marchés financiers dont les indices sont à nouveau à des pics historiques.
Dans une étude, publiée par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique OCDE à Paris, sous le titre « Partage de la valeur ajoutée entre travail et capital « , celle-ci conclue que « ces trois dernières décennies, la part du revenu national, constituée des salaires, la part du travail, a diminué dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE. Le recul de la part du travail est allé de pair avec une augmentation des inégalités de revenu marchand, de nature à mettre en péril la cohésion sociale et à ralentir le rythme de la reprise en cours. »
En effet, les continuelles restrictions budgétaires de l’état, irresponsables et contre-productives, l’absence d’investissements de la part des entreprises et l’absence de consommation, faute de pouvoir d’achat, pénaliseront largement les futures cotisations à l’AVS. En sapant le pouvoir d’achat des futurs rentiers, toujours plus nombreux grâce au rallongement de la durée de vie mais également à cause de l’absence d’une politique familiale digne de ce nom on se tire une balle dans le pied, car, en copiant l’Allemagne, on détruit l’économie domestique, or on pourrait profiter des fruits d’années des surplus extérieurs accumulés, sur le dos de nos partenaires économiques, il faut bien le dire.
Bien que la très conservatrice « Neue Zürcher Zeitung » veut nous faire croire que « la situation économique de la Suisse et bien meilleure que le ressenti dans la population ». Peut-être, mais cela dépend pour qui. Pour les actionnaires sans doute, car la bourse bat des records. Selon la NZZ, les exportateurs ont déjà oublié le choc du franc de 2015. Pourquoi avoir tant pleurniché alors ? La demande extérieure est forte et l’export est en expansion à nouveau. Certes, le choc du franc a couté à l’économie suisse 10 mia CHF et 10’000 places de travail. Mais c’est déjà oublié, car on nous annonce un taux de chômage historiquement bas. Sans doute les 10'000 malheureux on retrouvé du travail.
Il est grand temps que les politiciens de tous bords intègrent dans leur logiciel programmatique le rééquilibrage de la distribution des revenus entre travail et capital, la condition sine qua non pour le maintien d’un système capitaliste fragile, pour lequel, pour l’heure, aucune solution de rechange ne se pointe à l’horizon.
En augmentant l’âge de la retraite des femmes, le parti socialiste suisse va dans la mauvaise direction, car la réduction du temps de travail ira de pair avec la redistribution des richesses. Le phénomène se poursuivra, grâce au progrès technologique, qui commence à toucher le secteur des services, et avec lui les postes de plus en plus qualifiés, comme on peut le constater actuellement avec le dégraissage du secteur bancaire et de l’assurance.
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