La gauche a disparu
Ce n’est pas une nouveauté, la gauche européenne s’est comme évaporée, tel un trou noir ayant absorbé trop d’événements rayonnés ensuite dans un vide politique sidéral alors que sur les rayonnages des bibliothèques, quelques livres d’Histoire nous rappellent que dans des temps anciens, des gens comme Jaurès, Blum ou Mendès manifestèrent quelque souci envers le peuple et notamment, le peuple qui travaille. La gauche n’existe presque plus, du moins en substance, en profondeur, car en surface, la gauche produite par le « fascisme médiatique » se porte bien et nous offre l’incroyable spectacle d’un DSK qui met des steaks à griller pendant que Madame prépare la vinaigrette. Incroyable, DSK est un être humain comme les autres. Il mange et même qu’il met ses steaks sur le grill. Ils sont marrants ces journalistes. Il y a des années, n’avait-on point observé dans le petit écran un Cohn-Bendit préparer une omelette ou un Balladur cuisant quelques œufs au plat. La gauche existe aussi dans ce plat médiatique qu’on nous sert à pratiquement tous les dîners au JT. Le sondage. Dans les sondages, la gauche se manifeste comme un ectoplasme déguisé en intentions de vote. Ce n’est pas brillant. Chez nos amis italiens ou allemands, la situation de la gauche est également mauvaise. En Italie, certains intellectuels pensent même que la gauche n’a plus aucun avenir et s’est complètement écrasée face à l’arrogance des surenchères droitières, hédonistes, populistes et égoïstes, de Fini à Berlusconi, avec entre les deux la Ligue du nord.
Pendant que la classe politique s’affole suite à un sondage donnant Marine le Pen en tête avec 23 points, personne n’a vu venir l’autre enseignement, bien plus important. La gauche est largement derrière la droite si l’on en croit ce sondage dont seul le podium a été commenté, laissant aux limbes de l’indifférence les 8 points de Bayrou, les 7 de Villepin et Joly et dans les bas fonds du classement, 5 points pour Besancenot et Mélenchon. En convenant que le vote FN est de droite, le total nous donne 23 plus 21 plus 7 et donc 51 points plus ceux de Bayrou pondérés par un coefficient ad hoc, contre 21 plus 7 plus 10 et donc 37 points pour la gauche qui affiche donc près de 20 points de retard sur la droite. A se demander si les journalistes font bien leur travail car ce constat est très important pour la suite de la campagne, laissant augurer une partie loin d’être gagnée et notamment l’éventualité d’une Assemblée à droite consécutive à une élection de DSK à l’Elysée, un DSK dont on préfère apprécier l’art avec lequel il fait cuire ses steaks.
Le déclin de la gauche au niveau national, s’il est avéré, constitue un véritable événement politique car il témoigne de cet étrange paradoxe constitué par une crise sociale grandissante et durable qu’on pourrait penser favorable à l’élection d’un gouvernement de gauche, la droite étant sans conteste responsable de cette situation sociale puisqu’elle gouverne depuis près de 10 ans. Bilan, 10 % supplémentaires de bénéficiaires du RSA en 2010. Eh bien non, cette crise sociale, marquée par des inégalités sans précédent depuis 1945 et des précarités grandissantes, incite les Français à se détourner de la gauche. Un fin connaisseur de la vie politique saurait nous expliquer que la France est un pays qui a toujours été de droite, excepté lors de cette anomalie ayant propulsé Mitterrand à la présidence en 1981. Le naturel politique a vite repris le dessus lors des législatives de 1986 puis nouvelle élection de Mitterrand qui eut le loisir de gouverner avec une assemblée de gauche à la faveur d’un scrutin offrant au FN la possibilité de troubler le jeu, pour le plus grand plaisir d’un Jean-Marie Le Pen qui se foutait bien du pouvoir et se plaisait à faire la bête de scène dans des meetings aussi passionnants qu’un show de l’autre Jean-Marie, Bigard. Le Français est en majorité de droite. Ce n’est pas qu’une hypothèse. Cette situation remonte à plusieurs décennies. Comment comprendre ? Peut-être le succès de l’économie qui a rendu les gens individualistes. Il y a quelques jours, des observateurs invités chez Taddéi ont envisagé que Marine Le Pen ait pu siphonner des voix de gauche, notamment dans le vote ouvrier qui après avoir délaissé le PC, a pris congé de Sarkozy qui n’a plus de crédibilité dans cette couche sociale et rien ne semble pouvoir recoller les morceaux. Le coup du président qui se lève tôt pour serrer la pogne du cariste de Rungis, ça ne fonctionne plus. Mais ce n’est pas pour autant que la droite française est en mauvaise posture. Loin s’en faut. C’est Sarkozy qui est impopulaire et ce fait se traduit dans les sondages.
C’est donc une grande énigme que la gauche soit en mauvaise posture en temps de crise sociale et à une époque où les gens sont informé s et instruits. Depuis plus de 10 ans, la droite est préférée au niveau national. On a dû manquer un épisode comme on dit. Cette tendance rappelle étrangement la montée des droites dans les années 1930. Comme si la crise incitait les gens à souhaiter un gouvernement fort, au lieu de susciter les solidarités. L’instruction a dû aussi rater un épisode dans l’éducation du genre humain. Seconde hypothèse, la gauche a mauvaise presse parce que les personnalités de gauche ne sont pas à la hauteur des ambitions et des enjeux, intellos inclus. C’est alors le genre politique qui a raté un épisode.
Mais si on devait extraire du flux médiatique une scène édifiante, ce serait l’intervention chez Taddéi de Julie Coudry, activiste lycéenne puis étudiante lors des manifs anti-CPE, égérie des classes moyennes qui étudient à l’université pour se classer dans l’avenir, déplorant que rien n’était fait pour aider ces enfants de bonne classe alors qu’on mettait tant de moyens, soi-disant, pour les exclus du système sans diplôme et dans les banlieues. Cette fois on a compris que la gauche est morte. On a pigé le message. Les classes moyennes sont dressées contre les pauvres. La société est divisée. La droite a gagné pour l'instant. La gauche n’a pas su mettre en valeur les idées de solidarité et les diffuser.
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