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La genèse des Nageurs de Combat français

Dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 mai 2019, les maîtres Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello officiers mariniers au commando Hubert ont trouvé la mort en libérant quatre otages dans le nord du Burkina Faso, zone proche de la frontière malienne. Le corps de Fiacre, le guide qui accompagnait les deux touristes français a été retrouvé le 4 mai dépecé par la faune. Cette unité experte en opérations maritimes, aériennes et terrestres, l'est également en contre-terrorisme et dans la libération d’otages (CTLO). Hélas, ils ne sont pas les premiers membres des Forces spéciales à être tombés pour exfiltrer des voyageurs inconscients des dangers qu'ils encourent et de ceux qu'ils font courir à d'autres. Le premier fut le commandant Galopin du SDECE en 1975, affaire Claustre.

Juin 1940 à Gibraltar, personne ne se doute que le cargo Rhin, sous son aspect rouillé, est la propriété des SR français et qu'il sert de base de départ aux précurseurs de nos actuels nageurs de combat. Ce bâtiment d'allure paisible en escale sous le roc de Gibraltar revient d'une mission de sabotage aux îles Canaries. Les hommes d'équipage se sont introduits à la nage, dans le port de Las palmas pour y faire sauter le Corrientes, un cargo allemand. Au printemps de l'année suivante, les nageurs français vont couler ou endommager dix navires dans la rade de Tunis !

La guerre terminée, l'État-major a en mémoire les débarquements alliés : AFN, Italie, Provence, Normandie et ceux de la bataille du Pacifique. La France va constituer des unités commandos calquées sur le modèle britannique (le béret vert est « écrasé » à droite). Les commandos marine sont les héritiers du 1° BFMC qui ont participé à des raids sur les côtes occupées et au débarquement sur la plage de Colleville (Sword). Au mois de septembre 1947, le vice Amiral Lemonnier écrit à l'Amirauté : « Je considère utile que des commandos de la Marine puissent être mis à terre par air aussi bien que par mer, afin de préparer une plage en vue d'une action côtière ». Le chef d'État-major de la marine vient de recevoir un mémoire sur l'initiative d'une action sous-marine. Claude Riffaud participe au déminage des côtes languedocienne quand lui vient l'idée de conduire une action sous-marine contre un cargo ancré au large de Sète. Le résultat s'étant révélé probant, le commandant de l'École des Fusiliers Marins l'a mis au défi de s'attaquer à un câble sous-marin !

Le commando Hubert est constitué le 15 février 1948 à Bizerte (Tunisie). Le premier commando marine a être breveté parachutiste, le sera sur la Base aérienne de Philippeville (Algérie). Au mois de septembre 1950, le capitaine Maloubier du 11° choc est envoyé à The School of combined operations beach & boar section des Royal marines pour y suivre un stage d'une durée d'un trimestre. De retour au Centre interarmes des opérations amphibies d'Arzew en Algérie, il va y rencontrer l'enseigne de Vaisseau Claude Riffaud de retour de la Spezia (Italie) où il a suivi les cursus des Nuattatori Givastatoridu (nageurs-saboteurs) du groupe Gamma et celui des Sommozzatori (hommes-torpilles) qui se sont illustrés pendant la Seconde Guerre mondiale par leurs attaques audacieuses, et avant d'aller suivre l'entraînement des Underwater Demolition Teams américains qui s'étaient illustrés lors de la reconnaissance des plages et de la destruction des obstacles pendant la bataille du Pacifique. Ce mélange de formations éclaire la spécificité des NC français, formation qui va évoluer et s'étoffer avec l'apparition des conflits asymétriques, le terrorismes, la grande criminalité et l'évolution du matériel.

Le premier cours « expérimental » débute le 5 janvier 1952 au CIOA d'Arzew, la formation compte des hommes du 11e choc créé au mois d'octobre 46, et des commandos marine, durée quatre mois. Les huit nageurs brevetés vont faire office d'instructeurs pour le cours nageur de combat N°2 du 15 juillet. Les NC en formation font un passage de trois semaines au SDECE (tir, explosifs, saut). L'École des nageurs de combat déménage pour Toulon au mois de décembre. Le 1 mars 53, le commando Hubert intègre sa spécificité, l'action sous-marine. La formation est dispensée au Centre d'application commando à Saint-Mandrier (port du Canier) ou les commandos vont développer les spécificités du saut à la mer. L'École de plongée et le CAC sont regroupés en 1960 sous le nom de Centre d'Instruction et d'Entraînement à la Plongée, tous les commandos doivent être désormais porteur de la « plaque à vélo ». Le CIEP est dissous le 15 février 1965, tous les plongeurs de la Marine nationale (de bord, démineurs, NC, d'essai, etc.) vont recevoir leur formation à l'École de plongée. De mémoire, le brevet N° 1 000 NC a été délivré en 2015.

Les nageurs de combat sont spécialisés dans les : actions en haute mer - actions vers la terre - et les opérations spéciales à terre (les opérations clandestines relèvent des NC du SA). Ils reçoivent une formation à l'utilisation de tous les appareils réglementaires en vue d'assurer différents types de missions : acquisition du renseignement - observation - reconnaissance - relevé de plage & topographie - participation à des opérations de montage de dossiers d'objectif - rendez-vous pour infiltration ou exfiltration - sabotage de navires et d'installations - déblaiement de zone (mines ou obstacles s-m) - aménagement de caches derrière les lignes, etc.

La plupart des postulants au cours NC sont titulaires du brevet fusilier-marin (5 mois) - du brevet élémentaire commando (8 semaines à Lorient, opérateur) - du brevet parachutisme délivré par l'ETAP (2 semaines à Pau) - du brevet commando chef d'équipe (10 semaines). Le programme général est divisé en 3 unités de valeur. Sans entrer dans les détails (la formation ouverte à de nombreux stagiaires étrangers est classifiée défense), disons que :

l'UV1 qui s'étend sur une période de 11 semaines concerne ce qu'il est convenu de qualifier d'initiation. Elle comprend 4 modules : un module technique sur l'oxygène, un pour la démolition, un autre sur l'utilisation des appareils respiratoires, et un quatrième portant sur l'orientation sous-marine.

L'UV2 (11 semaines) est consacrée au montage et à la réalisation d'une attaque NC (règles d'or). Le premier module porte sur les techniques d'acquisition du renseignement, le deuxième fait place à des exercices de synthèse en Méditerranée, le troisième en Atlantique (problèmes de marée), le quatrième est consacré à l'appareil respiratoire semi-fermé.

L'UV3 (5 semaines) est divisée en 7 modules : démolition s-m, parachutage à la mer (opération tarpon), opération Nedex, travaux s-m (trasoum), plongée profonde à l'air.

La formation se termine après 12 jours de tests physiques et psychologiques - le cours plongeur de bord validé (5 semaines) et sept mois de formation NC avec un passage par le Centre d'entrainement à la survie et au sauvetage de l'aéronaval (crash hélicoptère, retenue sous voile parachute lors d'un saut à la mer), 5 exercices de synthèse, un raid en kayak dans l'estuaire de la Gironde, attaque nageur à Fos-sur-Mer, Toulon, Porquerolle et Brest. Les nageurs de combat servent ensuite au Commando HUBERT (en mémoire de l'enseigne de vaisseau tué à Ouistreham le 6 juin 1944), une unité relevant du Commandant des fusiliers marins et des commandos. Ce commando est composé de 3 cellules : première cellule chargée des attaques NC, la deuxième des opérations terrestres, la troisième des propulseurs. A la formation de base viennent s'ajouter des qualifications supplémentaires : escalade, renseignement, pilotage de propulseur, maintenance des moteurs hors-bords, travaux s-m, photographie, tireur d'élite, opérations maritimes, opérations aériennes, reconnaissance et balisage de landing ou droping zone, exfiltration, amphibie, drone, infirmier. Le commando peut suivre les « Stac » de chef de groupe (d'escouade) et celui de chef de mission.

La formation du Groupement Amphibie des Nageurs de combat de l'Armée de terre (Service action) a relevée de la Marine jusqu'au 16 avril 1955, année de la création du Centre d'Instruction des nageurs de combat (CINC). Le directeur du SDECE a chargé le capitaine Maloubier de rechercher un endroit pouvant servir de base à des nageurs de combat afin d'y poursuivre des formations complémentaires et préparer des actions clandestines. Son choix va se porter sur une base aéronavale désaffectée au sud d'Ajaccio. Le 16 avril 1956, le Centre d'instruction des nageurs de combat (CINC) débarquait à Aspretto, le fort de Calvi va devenir un repaire pour le SA jusqu'à l'affaire du Rainbow warrior. Ils seront exilés en Bretagne par le fait du Prince qui a donné le feu vert à l'action perpétrée en Nouvelle-Zélande...

Les NC peuvent utiliser n'importe quel vecteur pour se transporter sur leur objectif, même une planche de surf..., mais certains se révèlent plus adaptés que d'autres. Si l'embarcation pneumatique propulsée par une motorisation est très rapide et « marine », elle est cependant très bruyante, laisse derrière elle un sillage repérable et en cas de panne, l'opération peut tout simplement échouer. Le NC peut être largué d'un aéronef ; le saut en mer comporte quelques particularités. Après le contrôle de la voilure, le NC chausse ses palmes et dégage un des mousquetons du ventral. Parvenu à une trentaine de mètres au dessus de la surface, il se prépare à libérer une des deux sangles le reliant à la voilure. Une fois dans l'eau, il quitte son harnais et nage vers l'extérieur de son « pépin ». En cas d'incident, il ménage une poche d'air sous la voilure dans laquelle il pourra respirer quelque temps lui laissant le temps de se dépatouiller.

C'est parfois un sous-marin qui dépose les NC à pied d'œuvre. La sortie par les tubes lance-torpilles n'est plus pratiquée qu'à titre d'exercice... Le NC s'introduit dans l'étroit tube (diamètre de 550 mm) tenant son appareil respiratoire devant lui à bout de bras. La porte de communication avec la chambre aux torpilles refermée, l'équipage procède au « sassage ». La porte culasse est verrouillée et l'équipage procède à l'admission d'eau pour établir l'équilibrage et permettre ainsi l'ouverture du panneau extérieur. Le NC communique avec l'équipage en cognant contre la paroi du tube pour indiquer qu'il est prêt à partir, ou au retour qu'il est prêt à rejoindre la chambre, l'équipage peut refermer le panneau et assécher le tube afin de permettre au NC de regagner la chambre. Les S-M modernes ne permettent plus la pratique de cet exercice. Cette pratique s'est généralisée après l'échouage du Poséidon coulé par 38 mètres de fond après une collision dans la baie de Hong-Kong le 9 juin 1931. Des membres de l'équipage isolés dans la chambre des torpilles eurent l'idée d'y admettre de l'eau en ouvrant le sas pour mettre la chambre en équipression et ainsi pouvoir regagner la surface en empruntant le tube lance-torpilles.

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5 réactions à cet article    


  • leypanou 15 mai 2019 09:03

    Article toujours très instructif de la part de l’auteur : merci à lui.


    • machin 15 mai 2019 17:42

      Le militaire français n’est qu’un mercenaire à la solde des quelques scélérats qui pillent un continent.


      • machin 15 mai 2019 17:44

        Le même connard, petit gradé de métier, va encore me faire censurer...


        • zygzornifle zygzornifle 15 mai 2019 17:55

          Tiens ça me rappelle le Rainbow Warrior ou l’élite des plongeurs se sont fait gauler comme un simple voleur de mobylette ....


          • zygzornifle zygzornifle 15 mai 2019 17:56

            Chez le pizzaiolo du coin le soir a la fermeture on voit a l’œuvre l’élite des plongeurs ....

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