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Accueil du site > Tribune Libre > La Grèce livrée aux cyniques

La Grèce livrée aux cyniques

Laissez tomber la philosophie, potassez donc l’économie ! C’est le conseil que donne Stéphane Bersier au peuple grec. Sauf que ce conseil avisé n’est pas à prendre complètement au pied de la lettre. Le titre en effet, « la leçon de Diogène »incite à la réflexion sur le double sens du mot cynique – sens philosophique et sens moderne du terme -. Diogène était un philosophe très dérangeant. Sur lui fourmillent les anecdotes les plus incroyables.

Diogène de Sinope, en effet, est un philosophe de l’école cynique, c’est ainsi qu’il faut entendre le message. Le cynisme, faut-il le rappeler, se distingue du sarcasme, qui est une moquerie ironique et abaissante, faite dans un contexte de provocation belliqueuse. Le cynisme relève plus d’une bravade contre les valeurs, les convenances et les principes de la société.

Stéphane Bersier annonce la couleur : le cynisme : « S‘il eut fallu que je fusse tel Diogène en son fût…Que je fisse du raffut en la grand-place d’Athènes. J’leur aurais dit à ces hélènes : « tout est foutu ! Oubliez-donc la morale ! Nom de nom ! L’Homme est un loup pour l’Homme ! Balancez-donc la philosophie ! Potassez-donc l’économie ! » Mine de rien la question se pose là. Notre société doit-elle renoncer à ses valeurs anciennes et ne se tourner que vers le monde de l’économie. Le matérialisme doit-il devenir notre unique raison de vivre ?

L’auteur apostrophe la population comme Diogène le faisait souvent. La plus célèbre anecdote à ce titre étant peut-être celle de Diogène arpentant la ville avec à la main une lanterne et scandant à la population : « Je cherche un homme ! ». Ne vous méprenez pas, il ne clamait pas son homosexualité mais sa quête de l’Homme vrai : Socrate ou l’idéal humain… Mais paradoxalement – ou pas ? – il se présentait comme un chien et vivait comme un chien, et comme disciple non désiré d’Antisthène. Rappelons qu’Anthistène, après la mort de Socrate, devint le lointain fondateur de l’école cynique vers 390 av. J.-C.

Le constat de l’auteur est amer : « C’est la chanson cruelle et cynique d’une bien triste époque qui ne pense qu’au fric, c’est la chanson sans imagination d’une bien triste époque accro’ au pognon. » La chanson s’annonce comme étant cynique et l’est effectivement (Oubliez-donc la morale !), la suite le prouve sans l’ombre d’un doute qui se moque des conventions sociales hypocrites.

Stéphane Bersier se pose en cynique plus qu’en platonicien, imitant Diogène lui-même qui, avec ses ses disciples, pratiquaient une philosophie concrète, inconciliable avec l’idéalisme platonicien, jugé vain, inutile, bien éloigné de la Vérité matérielle du monde pour être pris au sérieux. Anecdote piquante : Platon ayant défini l’homme comme un « bipède sans plumes », Diogène visita un jour l’un des banquets du Sage en tenant au bout d’une laisse… un coq plumé ! « Voici l’homme de Platon », déclara-t-il à l’assistance.

Les philosophes de l’école cynique rejettent les grands discours, préférant s’en tenir à l’efficacité du quotidien, la preuve par le fait et non par la parole. Et donc ici dans la chanson, l’économie. Aux grandes démonstrations et paroles moralisantes, le cynique préfère les maximes sibyllines et ironiques. Comme le dit notre contemporain des Grosses Têtes, Philippe Bouvard, « le cynisme est le comble de la franchise dans une société d’hypocrites« .

Pour Oscar Wilde il « consiste à voir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’elles devraient être. » Ou encore « Le cynisme, c’est connaître le prix de tout, et la valeur de rien ! » Quant à Anton Tchekhov, il déclare dans « Calepin » : « Tout a été dit et fait, et aucune littérature ne peut dépasser le cynisme de la réalité. On ne soûle pas avec un verre celui qui a déjà bu une barrique. »

La barrique sera la transition pour conclure avec notre ami Diogène le Chien, cette bourrique dans une barrique ! Mais vous verrez que cette histoire de barrique est d’actualité puisque nous avons parfois l’impression que la dette sans fond de la Grèce s’apparente aux tonneaux des Danaïdes…

Ecoutons à présent la chanson de Stéphane Bersier « La leçon de Diogène ».

  Catalogue professionnel de musique libre

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20 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 13 octobre 2011 09:52

    Ils ont tous la même idée : nous faire payer la crise d’un système économique au
    bord de l’asphyxie. De la Grèce au Portugal, en passant par l’Italie, la France ou
    l’Allemagne ce sont les travailleurs qui doivent accepter l’austérité pour
    rembourser la dette des États. Pourtant la dette publique provient des exonérations
    et réformes fiscales qui ont bénéficié aux entreprises et aux plus riches. Elle est
    aussi le résultat de tous les plans de sauvetage des banquiers qui ont permis à ces
    derniers de spéculer de plus belle, y compris contre les États ! Lire :
    http://2ccr.unblog.fr/2011/10/10/refusons-de-payer-leur-crise/


    • TyRex TyRex 13 octobre 2011 11:12

      Avant, il y avait Diogène le clochard philosophe et maintenant nous avons BHL le philosophe milliardaire. De l’insoumission, nous avons pris le chemin de la corruption.

      Excellent article.


      • Taverne Taverne 13 octobre 2011 11:14

        Un petite chanson pour compléter et rester dans le thème.

        Dans les rues de Mégare (*)
        (*) ville de la banlieue d’Athènes, connue à l’origine sous le nom de Nisée

        I
         
        Dans les rues de Mégare,
        Où la nuit je m’égare,
        Je songe à Diogène
        Qui vivait dans la gêne
        Nu dans une jarre.
        Et choquait les regards.
        Et s’exposait sans gêne
        Aux citoyens d’Athènes.
         
        Il faisait ses trophées.
        Des sots apostrophés
        Il disait que l’ascèse.
        Ou faire l’amour à seize,
        C’est choses compatibles.
        C’était avant la bible.
        Et avant le coran ;
        Un cynique courant.
         
        Refrain :
         
        La barbarie, Barbara.
        La philosophie, Sophie,
        Qu’est-ce donc qui les différencie ?
        Sa part de vérité,
        Faut-il la mériter ?
        Faut-il montrer ses fesses,
        Pour gagner en sagesse ?
         
        II
         
        Dans les rues de Mégare,
        Où la nuit je m’égare,
        Je songe au philosophe
        Qui dans sa vieille étoffe
        Attirait l’attention,
        - C’était bien l’intention -,
        Jurait, crachait, mordait
        Ceux qui la lui accordaient.
         
        Comme lui aujourd’hui,
        Je me fonds dans la nuit.
        Et je vis comme un gueux.
        D’un contact rugueux,
        Mangeant parce qu’il faut bien,
        Je dédaigne les biens.
        Hélant l’humanité
        Fou que tu m’aies quitté.
         
        Refrain :
         
        La barbarie, Barbara.
        C’est quand tu m’as quitté.
        La philosophie, Sophie,
        C’est de te dire merci.
        Sa part de vérité,
        Il faut la mériter.
        Je préférais tes fesses,
        A cette amère vérité.


        • Taverne Taverne 13 octobre 2011 11:29

          Version intégrale du texte de la chanson « La leçon de Diogène »

          La leçon de Diogène (S. Bersier - 2011)

          S’il eu fallu que je fusse
          Tel Diogène en son fût...
          Que je fisse du raffut
          En la grand-place d’Athènes...
          J’leur aurais dit à ces hélènes...

          Tout est foutu ! Oubliez-donc
          La morale ! Nom de nom !
          L’Homme est un loup pour l’Homme !
          Balancez-donc la philosophie !
          Potassez-donc l’économie !

          C’est la chanson
          Cruelle et cynique
          D’une bien triste époque
          Qui ne pense qu’au fric

          C’est la chanson
          Sans imagination
          D’une bien triste époque
          Accro’ au pognon.

          (instr)

          S’il eu fallu que je fusse
          Tel Diogène en son fût...
          Que je pisse tant et plus
          Sur les notables d’Athènes...
          J’leur aurais dit à ces hélènes

          Bouffez-vous donc ! Allez-y !
          Commencez-donc par les plus petits !
          L’Homme est un loup pour l’Homme !
          Fusillez-donc la démocratie !
          Encensez-donc l’économie !

          C’est la chanson
          Des faux culs, des faux jetons
          Qui avec le sourire
          Vous dévalisent !

          C’est la chanson
          De la libre entreprise !
          Chacun pour soi
          Et Dieu pour Moi !

          (instr)

          S’il avait plu à Diogène
          De vivre à notre époque
          Cynique et sans gêne
          Dans la grande Athènes,
          Il aurait dit à ces hélènes...

          Tout est foutu ! Oubliez-donc !
          La morale, c’est pour les cons !
          L’Homme est un loup pour l’Homme !
          Bazardez-donc la démocratie !
          Potassez-donc l’économie !

          C’est la chanson
          Des faux culs, des faux jetons
          Qui avec le sourire
          Vous dévalisent !

          C’est la chanson
          De la libre enteprise !
          Chacun pour soi
          Et Dieu pour moi !

          (Instru)

          Il aurait dit à ces hélènes...
          Tout est foutu ! Oubliez-donc
          La morale ! Pour de bon !
          L’Homme est un loup pour l’Homme
          Bazardez-donc la démocratie !
          Potassez-donc l’économie !

          Et si vous tirez un peu la gueule,
          Prenez-vous en à votre voisin
          Surtout s’il n’est pas du coin !
          Tout l’ monde ferme bien sa gueule !
          Les autorités s’en félicitent !
          Et vous remercient !


          • Georges Yang 13 octobre 2011 11:31

            C’est très bien de nous rappeler Diogène, mais ce cynique contrairement à certains Grecs modernes ne s’était pas fait construire une piscine non déclarée au fisc, ne travaillait pas au noir et n’aurait pas exempté l’Eglise orthodoxe de ses impôts
            Nous ne sommes plus en face de la même Grèce, hélas,


            • Taverne Taverne 13 octobre 2011 11:41

              Entre nous, ce Diogène n’était pas un personnage sympathique. Le docteur House à côté, c’est un homme courtois et bienveillant.

              En Grèce, tout le monde paiera. Sauf la riche église orthodoxe, sauf les riches et les banquiers, sauf les politiciens, sauf les fraudeurs du fisc, sauf...sauf...sauf... Croyez-vous qu’ils s’en sortiront saufs ?


            • Taverne Taverne 13 octobre 2011 21:25

              Il y a longtemps que tout n’est plus que fausse monnaie dans les échanges entre les gens. Il faut retrouver une vraie monnaie d’échange.


            • Georges Yang 13 octobre 2011 11:46

              Je préfère Diogène à Platon et à Socrate que je trouve sinistres
              Arristipe de Cyrène est nettement plus intéressant, bien plus que le très centriste Epicure


              • Georges Yang 13 octobre 2011 11:58

                PS la courtoisie est avant tout une forme d’hypocrisie, Diogène n’était pas courtois


                • Taverne Taverne 13 octobre 2011 12:34

                  « La courtoisie est avant tout une forme d’hypocrisie » Oui mais c’est avant tout une forme de respect. Pas la seule...


                • Georges Yang 13 octobre 2011 15:47

                  Peut-on encore parler de respect quand le terme a été défiguré par le langage des banlieues ?


                  • Taverne Taverne 13 octobre 2011 21:22

                    Passé un certain âge, les miroirs de courtoisie vous manquent de respect.


                  • Georges Yang 13 octobre 2011 15:50

                    Diogène est pour moi un anarcho-élitiste, tout est possible à partir d’un certain niveau, alors que les lois sont hélas indispensable pour que le peuple se tienne tranquille


                    • Taverne Taverne 13 octobre 2011 21:23

                      Un anarchiste à sa mémère ?


                    • Taverne Taverne 13 octobre 2011 22:15

                      Fais gaffe, je suis marteau. Et le marteau bat l’enclume.


                    • Taverne Taverne 13 octobre 2011 22:42

                      T’es lourd, l’enclume. T’as pas la réplique. Retourne dans ton bac à sable.


                    • Georges Yang 13 octobre 2011 22:07

                      De toute façon, je préfère Machiavel, Nietzsche et Reiser à Diogène

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