Redonner confiance aux marchés sera l’objectif majeur du G20 exceptionnel de Londres, ce jour 2 avril 2009. Dans cet esprit, certains voudront d’abord éteindre le feu de la crise globale qui secoue la planète. D’autres préféreront profiter de ce G20 pour résoudre les causes qui ont amené cette crise. La différence n’est pas mince. Les uns voudront, à chaud, refaire le monde en 24 heures. Les autres, voudront d’abord sortir de la crise !

Bien sûr, on attend que les institutions internationales et notamment le FMI, soient réformées pour que désormais les dysfonctionnements mondiaux soient mieux anticipés, que les paradis fiscaux soient progressivement neutralisés, que les "hedge funds" soient mieux contrôlés, que les agences de notation ne puissent plus être juges et parties, que les normes IFRS soient encore revues, etc.
Bien sûr, bien sûr, mais la priorité du moment est-elle vraiment celle-ci ? Est-ce pour refaire l’histoire et remettre à plat le monde, que ce G20 historique est réuni ?
Dans cet esprit, nous serions déçus si à la fin de ce meeting, l’on nous annonce simplement une réforme du Fonds monétaire, la constitution d’une nouvelle organisation internationale ad hoc ou une idée, encore une, sur les paradis fiscaux. Mais … aucun plan coordonné et massif de relance au niveau mondial, pour sortir de la crise !
De même, nous verrions mal que l’un ou l’autre des chefs d’Etat ou de gouvernement, soit à Londres pour être la grenouille face au bœuf, tel le fameux couple immortalisé par Jean de La Fontaine. L’une venant pour donner des leçons. L’autre pour écouter.
Les populations sont lassées de ces politiques qui, bien que tous petits, veulent sans cesse égaler en taille et en force leurs voisins plus grands et plus forts qu’eux. En termes économiques, cela va de soi !
Alors, au G20 réuni ce jour, sous les auspices de Gordon Brown, qui sera le bœuf ? Qui sera la grenouille ?
Le bœuf sera très certainement encore américain, comme cela l’est depuis le début du 20e siècle ! D’ailleurs n’a-t-il pas déjà consacré plus de 1 500 milliards de fonds fédéraux, soit 12 % de son PIB, à cette crise ? Personne aujourd’hui n’a fait mieux. N’a-t-il pas dit qu’il était d’accord pour que le monde réfléchisse aussi, comme il l’avait fait à
Bretton Woods en 1944, 15 ans après 29, pour moraliser le système monétaire et financier désormais nommé capitaliste ? Mais, n’a-t-il pas dit, que l’urgence d’aujourd’hui était aussi et surtout de sortir de la crise ?
Quant à la grenouille, pourquoi pas la Chine ? Mais, celle-ci est trop secrète et maligne pour se dévoiler. Grossir en taille et en force oui, mais lentement et imperturbablement jusqu’au jour où son PIB égalera celui du bœuf. Elle sait mieux que personne, depuis près de 5 000 ans déjà, que "tout vient à point à qui sait attendre" et que jamais son Empire ne s’est réduit. Par ailleurs, elle a déjà la place du banquier mondial et puis, pourquoi redescendre au niveau d’un animal que même son calendrier ignore ?
Le Japon ? Trop occupé de lui-même, par lui-même et par sa propre crise, n’est pas du tout intéressé par le fait de devenir une grenouille. D’ailleurs, son déficit budgétaire, de quelques 170 %, l’en empêche.
L’Allemagne ? Trop rigoureuse, organisée et surtout, plus du tout envieuse de se battre pour une place qu’elle sait désormais être hors de sa portée. Etre encore la première puissance mondiale exportatrice lui suffit amplement.
Le Royaume-Uni … trop génétiquement proche du bœuf pour vouloir, un seul instant, lui faire la plus petite parcelle d’ombre.
L’europe ? Trop divisée, atomisée, fragmentée … ne risquera pas le ridicule.
Quant à la Russie, ce n’est pas sur ce terrain qu’elle attend le bœuf.
Alors, il reste : l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, la France, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Mexique et la Turquie.
Qui, d’entre ces pays, a un chef d’Etat dont l’ego est suffisamment démesuré pour vouloir tenir tête au bœuf et donc jouer le rôle de notre grenouille ?
Qui, d’entre ces pays, a chanté tout l’été 2007 et se trouve aujourd’hui totalement dépourvue de noisettes budgétaires quand la tempête de la crise foudroie son pays, ses entreprises, ses artisans, ses ménages… bref, son économie ?
Qui aujourd’hui, après avoir vidé ses propres caisses, se trouve dans l’impossibilité de participer à une relance mondiale telle que la préconise le bœuf et ses alliés ? Pour la grenouille, ne rien faire pour sortir rapidement de la crise l’arrangerait bigrement. Car, n’ayant plus de munitions budgétaires, son rôle est de préconiser que la priorité ne soit pas d’éteindre le feu, mais de réfléchir sur les possibilités d’en soigner les causes. Et cela, sans dépenser la moindre noisette monétaire. Qu’importe si la maison brûle totalement comme en 1929 et durant les 15 années qui ont suivi !
Qui d’autre peut avoir de telles idées, que la présomptueuse grenouille ou l’imprévoyante cigale ? Qu’importe si elle est ridicule et fait ridiculiser ses citoyens. L’important c’est surtout qu’on parle d’elle, autant que du bœuf !
Oui, nous savons tous qu’un nom circule ici ou là pour cet amphibien ou cet homoptère. Mais rassurons-nous, à Londres, la grenouille et la cigale ne seront pas les seuls animaux dans la place ! D’ailleurs, tous reviendront dans leur pays pour dire qu’ils ont pu embrasser le bœuf devant les caméras ou lui faire une simple accolade. D’autres diront, comme toujours, que leurs idées ont finalement prévalu.
En tout cas, l’Histoire retiendra les noms de ceux qui ont laissé la maison en feu, comme ce fut le cas après la
conférence de Londres, le 12 juin 1933. Et cela dura encore 12 ans !
Photo : W. Aractingy