La guêpe piquée au vif
Laura Flessel a démissionné mardi 4 septembre du ministère des Sports. « Après 16 mois passionnants à la tête du Ministère des Sports, j'ai pris la décision de quitter le Gouvernement pour des raisons personnelles. Je me suis entretenue hier soir avec le Premier Ministre. Je tiens à le remercier très chaleureusement, de même que le Président de la République, pour la confiance qu'ils m’ont accordée et leur soutien constant dans l'accomplissement de ma mission », a-t-elle indiqué dans un communiqué. Elle a aussi affirmé vouloir, après avoir posé « les bases d’une refonte profonde du modèle sportif français, notamment de sa gouvernance » et « une année sportive exceptionnelle, avec l’attribution des Jeux de 2024, de la Coupe du monde de rugby 2023, des victoires nombreuses dont celle emblématique de notre équipe de France de football », « retrouver des engagements passés, tournés vers l’humain, la solidarité et la coopération internationale ». Telles seraient les raisons de cette démission inattendue. Le journal Le Monde et le site d'investigation Mediapart avancent cependant une autre explication : l'ex-escrimeuse et son mari seraient sur le point d'être poursuivis par le fisc pour fraude fiscale, affirme le quotidien, sous réserve d'un avis favorable donné par la Commission des infractions fiscales (CIF). Cette ancienne spécialiste de l'épée, qu'on surnommait « la guêpe », a-t-elle donc quitté ses fonctions à cause de cette menace que fait peser sur elle l'administration fiscale ? Selon l'entourage de l'ex-sportive, remplacée par Roxana Maracineanu, « ce n'est pas la cause de son départ », car Madame Flessel « veut retrouver sa liberté et agir différemment » et sa démission ne présente « aucun lien avec les questions budgétaires ». Selon les informations des sources mentionnées ci-dessus, elle aurait cependant viré des sommes conséquentes vers ses comptes personnels depuis sa société de droits à l'image, « Flessel & Co », détenue à 87,5% par l'ancienne championne et à 12,5% par son mari, Denis Colovic, qui en était aussi le gérant. Cette société a fait l'objet d'une « dissolution anticipée » le 30 septembre 2017.
Etoile du sport français dans les années 90, Laura Flessel a remporté une médaille d'or à deux reprises aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996. Elle a également participé aux JO de Londres en 2012, symbolisant même la délégation française en tant que porte-drapeau. Elle a été nommée l'an passé au sein du premier gouvernement d'Edouard Philippe pour y représenter la société civile et profiter de sa popularité pour faire carrière en politique. Dans un premier temps, les circonstances lui ont été très favorables : peu après sa nomination, Paris a été choisi en septembre 2017 pour organiser les Jeux olympiques de 2024, la France pour organiser le Mondial de rugby 2023, et les Bleus ont gagné la Coupe du monde de football en Russie cet été.
L'origine de l'affaire qui concerne aujourd'hui Laura Flessel remonterait à sa prise de fonctions au sein du gouvernement Philippe en mai 2017. La quintuple médaillée olympique fait aussitôt l'objet de « vérifications de [sa] situation fiscale », supervisées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), comme tout autre ministre entrant en fonction. Les comptes du couple, ainsi que ceux de la société Flessel & Co, dont la ministre était alors encore propriétaire avec son mari, sont ainsi examinés. Mais ce contrôle fiscal révèle, selon les informations du Monde et de Mediapart, que des revenus ont été prélevés depuis le compte de la société jusque sur celui des époux sans avoir été déclarés aux impôts. « Les sommes en cause s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros d'impôt potentiellement éludés sur les trois derniers exercices en cours de l’entreprise concernée », ajoute Mediapart, avant de préciser que « la nature précise des manquements reprochés par le fisc à Laura Flessel n’est pas connue ». Il y aurait donc eu des « manquements déclaratifs » et fraude fiscale, mais aussi, peut-être, abus de bien social.
« Elle n'a fait aucune erreur. Ce n'est pas la cause de son départ », ont déclaré à l'AFP les proches de l'ex-ministre, en ajoutant que l'abus soupçonné concernait « sa société de droits à l'image dont son mari était gérant ». Questionnée par l'AFP, l'administration fiscale a déclaré pour sa part que, « soumise au secret professionnel et fiscal, [elle n'était pas autorisée à] s'exprimer sur des dossiers particuliers ou en cours sans contrevenir à la loi ». En réponse aux questions de TF1, le Premier ministre, Edouard Philippe s'est fendu mardi soir d'un commentaire évasif : « Elle a décidé de ne pas rester au gouvernement, pour des raisons qu'elle a qualifiées de raisons personnelles, permettez-moi d'avoir le minimum d'élégance que de respecter les raisons personnelles qu'elle a invoquées ». « Elle répondra à toutes les questions qu'on lui posera si elle le souhaite, mais [...] ce n'est pas à moi d'invoquer ses raisons personnelles », a-t-il estimé.
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